Toutes les techniques mises au point au cours de ces années furent mises en œuvre afin de fouiller, dans un laps de temps raisonnable (deux jours : 20 heures), le sujet dont je vous entretenais hier. Le but fixé dans ces cas est de reconstituer le vêtement, d’enregistrer l’ensemble du mobilier (photos et dessins) sur le terrain et d’effectuer l’étude anthropologique et paléopathologique afin de permettre la réinhumation des corps souvent demandée par les chefs de villages. Une fois les prélèvements biologiques effectués et le mobilier prélevé, l’équipe est divisée en « ateliers ». fouille, photo, conditionnement.
La fouille, en fait dissection dans des tissus organiques en décomposition avancée (corps et vêtements), est menée par un anthropologue (EC) tandis qu’un autre (SD) effectue les enregistrements. Christiane spécialiste des vêtements et Edouard, spécialiste en pelleterie, sont eux aussi autour du cadavre afin de confronter en permanence les informations. Edouard est capable de reconnaitre la nature des peaux (zibeline, cheval, poulain, lièvre des neiges, renne sont les plus fréquents) mais aussi leur traitement (chamois, traitement spécial contre l’humidité, etc.) voire leur provenance sur l’animal. Il faut repérer les restes de plans de vêtements, en déterminer la constitution et repérer l’organisation générale et la position des bandes de perles (lisières, épaulettes). Dès qu’un décor perlé est repéré, ne serait-ce que sur quelques centimètres carrés, le relai est passé à Annie, spécialiste des dissections les plus fines, qui dégage les motifs, aussitôt dessinés et photographiés. Les reconstitutions graphiques des vêtements sont effectuées directement par Christiane. Les discussions (traduites par Dacha) du Iakoute au français et au russe sont souvent âpres et donnent lieu à de véritables joutes d’experts. L’une d’elle est récurrente, elle concerne les manteaux en peaux et les restes de soukno (drap) retrouvés dessous. Y avait-il deux manteaux ou un seul doublé de soukno ? Chacun expose ses hypothèses, donne ses arguments et précise quelle zone il faudrait fouiller et ce qu’il faudrait trouver pour les confirmer ou les infirmer. Il s’agit de moments passionnants qui s’apparentent souvent à un gigantesque puzzle en trois dimensions dont des pièces disparaitraient au fur et à mesure que le temps s’écoulerait…
Tous les objets, fragments de vêtements, et ossements sont prélevés sur du plastic souple (stiron), triés, nettoyés puis photographiés. Patrice a mis au point un studio ambulant à quelques mètres de la tombe à la sortie duquel les pièces d’intérêt sont conditionnées sur du stiron et scellées sous scellofrais. Elles devront supporter le transport vers le camp de base, suivre l’équipe au cours de ses pérégrinations à venir, puis finalement s’envoler vers le musée archéologique de Iakutsk à moins qu’elles n’y soient transportées cet hiver par camion depuis Verkhoïansk. L’étude anthropologique termine la journée. Il faut ensuite réinhumer les restes puis reboucher la fosse. Il est heureux qu’il fasse toujours beau, le même travail sous une bâche en raison de la pluie ou la neige rajoutant une difficulté de plus.
EC, PG