La sixième tombe
mise au jour cette année, sur un éperon qui domine un coude de la rivière Yana
d’une vingtaine de mètres, est aux pieds d’une montagne couverte de mélèzes.
Grandiose. Surmontée d’une structure en bois effondrée, épargnée grâce à cette
situation des incendies, ses restes donnent un charme tout particulier au
paysage. L’endroit n’a pas été choisit au hasard et c’est surement la tombe
d’un homme ou d’une femme d’importance qui a laissé son empreinte dans les
mémoires. Elle semble avoir attiré quelques tombes plus récentes (fin 18e)
regroupées autour d’elle. L’une l’a même dépassé sur le promontoire et sous
l’effet du réchauffement qui effondre les berges elle va basculer dans le vide
d’ici un à deux hivers. Aujourd’hui, jour de grand soleil, déjà très bas sur
l’horizon en cette saison nous avons décidé de la fouiller. Le style de la
structure, formée d’un parallélépipède de trois rondins de hauteur surmontés de
deux piquets soutenant une poutre centrale qui sert de charpente à des tuiles
en bois fixées au rondin supérieur par un astucieux mode de calage, est souvent
retrouvé en Iakoutie centrale à plus de 1000 km de là. Les chevaux stylisés sculptés
sur les angles des montants nord et sud sont encore bien visibles et signent
une structure du 18e siècle. La fouille s’attache à retrouver la
structure initiale grâce à un démontage et à un relevé classique (photo,
dessins) en archéologie. Une attention particulière est portée au mode
d’assemblage afin de permettre une reconstitution de l’ensemble et de ses
détails par ordinateur par l’ami Senegas à Toulouse, architecte es structures
funéraires iakoutes.
Le coffre
massif, situé à plus de 80 cm
de profondeur livre le corps parfaitement bien conservé, séché par le froid, lyophilisé,
d’une vieille femme édentée, inhumée sans aucun mobilier funéraire. Ce type
d’inhumation est un mystère, qui se repose à nous pour la troisième fois au
cours de nos neuf années iakoutes. Nous avions déjà en Viliouï noté ce
fait : alors que la christianisation s’installe, le mobilier funéraire se
raréfie et deux types d’inhumations sont privilégiés : celles des enfants
et des vieilles femmes. Ces dernières sont inhumées, non pas face aux prairies
de leurs familles (règle générale) mais dans des endroits surélevés face à des
étendues aquatiques, lacs en Viliouï, fleuve ici. En Viliouï, les tombes
étaient associées à des oiseaux en bois utilisés lors de cérémonies
chamaniques, ici rien de ce type ; le mystère persiste.
EC, PG, AG
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