Je vous parlais dernièrement de notre départ. Notre
destination prévue de longue date était initialement Tomtor sur l’une des deux
rivières qui forment la Yana.
Le repérage de l’an dernier avait été accueillit avec joie,
crème fraiche, confitures maisons et chasseurs locaux. La meilleure destination
de la région de Verkhoïansk pour une expédition comme la notre pour qui une
sortie du corned beef serait une
ouverture vers l’abondance. Hélas, depuis le maire a décidé de redorer son
blason par une action d’éclat. La lutte contre les étrangers de toutes
origines : Iakoutes de Iakoutie centrale, français et archéologues semble
lui avoir semblé assez facile à développer. Argument électoral que l’on
pourrait croire éculé mais qui marche toujours et en tous lieux… Si nous
pouvons passer outre, nous ne souhaitons pas camper en pleine forêt pour faire
des fouilles nocturnes…Nous avons donc choisi de poursuivre directement sur
Boronuk, situé après la jonction des deux rivières formant la Yana et face à Verkhoïansk.
L’endroit vit la construction du premier ostrog (fort) russe aux débuts du 17e
siècle, preuve d’une occupation humaine qui devait être d’importance.
Après une journée assis dans la prairie à attendre l’hélicoptère,
il arriva enfin (mardi 24 aout). Dans un élan d’enthousiasme, les treize
compagnons embarquèrent leur matériel et le produit de leurs fouilles en moins
de trois minutes dans le gros porteur. Il s’envola vers … Vingt minutes après
le décollage Patrice, toujours vigilant, aperçu par le hublot la jonction des
deux rivières à l’origine de la
Yana mais point de virage de l’appareil. Darya, détachée par
le chef de mission dans le vacarme assourdissant qui caractérise ces engins,
ouvrit donc la porte du poste de pilotage dont elle fut sortie illico presto, la
main sur la gorge, blanche, par un technicien angoissé. Un quart d’heure plus
tard, l’hélicoptère atterrissait comme un avion sur l’aéroport de Batagay.
« Commandant vous vous êtes trompés de destination ! » ;
« vous êtes en vie, soyez heureux ! » furent les moments les
plus sympathiques de notre échange. Apparemment victime d’un ennui de rotor qui
l’empêchait de faire du « sur place », et donc de se poser dans un
champ, il s’était détourné vers le seul aéroport régional.
L’aéroport de Batagay à huit heures le soir (en
fait la piste en terre de l’aéroport)
est moins fréquenté que le hameau dont nous venions, où au moins il y avait les
ours. Situation difficile quand vous avez 500 kg de bagages.
Heureusement le président de région contacté par téléphone satellitaire à dix
minutes de là nous envoya le car de ramassage scolaire. Après une discussion
dont il ne restera aucune facture, chère à nos gestionnaires, il accepta de
nous emmener par une mauvaise piste à Verkhoïansk dont le maire, fort
sympathique, nous fit ouvrir l’hôtel, avec électricité mais sans eau, de onze
lits. Après une courte nuit, une photo avec le maire, une visite au musée, l’administration
nous mit en rapport avec un malfrat local, qui accepta de nous transporter en
bateau ; négociations digne des meilleurs taxis égyptiens ou marocains.
Après quatre allers-retours, notre camp fut installé près de Boronuk dans une
boucle de la Yana,
un endroit splendide, à distance de la berge dissimulé derrières des
arbrisseaux aux couleurs d’automne. La
Yana, voie de circulation, peut être aussi dangereuse –voire
plus, les « accidents de chasse » sont fréquents-, que certaines de
nos banlieues.
EC
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