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07/09/2010 |

Mort blanche

Le contact entre les premiers arrivants russes et les autochtones fut à l’origine de toute une série d’épidémies dont l’histoire a gardé peu de traces car les nouveaux arrivants ne rentraient pas dans les zones contaminées. Variole, peste et peut être grippe sont souvent citées, sur la base d’anciens témoignages interprétés de façon médicale par les ethnologues et les exilés politiques du 19e siècle. Une maladie qui sévit de façon endémique au 20e siècle est pourtant bien arrivée elle aussi précocement avec les premiers voyageurs et explorateurs : la tuberculose. Elle est due à un bacille dont la signature génétique varie suivant les souches. Sur la base d’analyses on peut ainsi distinguer une tuberculose d’origine africaine, européenne, asiatique. Ici, elle est européenne, comme ceux qui l’introduisirent, en Iakoutie. Tuant les sujets en quelques mois ou quelques années, elle semble avoir moins marqué les esprits car elle n’est jamais citée. Si la forme pulmonaire est bien connue, c’est sa forme osseuse que les anthropologues repèrent le plus facilement. Ce fut le cas sur presque tous les sujets du début du 18e siècle que nous avons fouillé en Iakoutie centrale, jamais sur ceux postérieurs. Cette fréquence étonnante signe une phase épidémique de la maladie, celle qui sévit dans une population vierge où tous seront atteints mais où tous ne mourront pas. Ceux qui survivront auront une descendance plus résistante ce qui amènera l’instauration au cours du temps d’une phase endémique (cas isolés) de la maladie. A Verkhoïansk, sur les onze sujets que nous avons fouillés, les trois datés de la fin du 17e et/ou du début du 18e ne présentent aucun signe de la maladie. En revanche, un enfant de trois  ans et un adulte  de la fin du 18e siècle sont porteurs de nombreuses lésions de tuberculose osseuse. Hasard ou signe d’une diffusion plus tardive de la maladie, de « la mort blanche »,  dans ces contrées du nord ?

 

EC, AG

 

Le cimetière des éléphants

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Il y a un moment que j’aurai aimé partager entre tous avec les étudiants ou mieux encore avec des élèves de collège que je me serais vu confier pour des travaux pratiques grandeur nature. Il aurait éveillé en eux un intérêt à vie pour la biologie, voire une passion pour la paléontologie. Ce moment a égaillé notre dernier jour sur l’Adytcha en attente des bateliers puis du retour vers Batagay, Iakoutsk et la France. Un chasseur nous avait bien évoqué une « île aux ossements » et Patrice qui conduisait une des missions de prospection nous avait parlé d’ossements de mammouths sur une île. Découverte qui échappe à notre centre d’intérêt et découverte qui semble connue des paléontologues venus il y a quelques jours et dont nous nous souvenons du passage. Ils ont considérablement fait augmenter les ambitions financières de l’administration locale et de certains de ses administrés…

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Les prix flambent au pays du mammouth. Nous décidons, en suivant le fleuve, de rejoindre à pieds la fameuse île qui apparait finalement séparée de notre berge que par un mince filet d’eau ; nous sommes en fin de la période d’étiage. Si les ossements sont nombreux sur l’ile, ils sont des milliers sur plus de 500 m de long et 200 m de large dans ce qui est presque devenu un bras mort de l’Adytcha. Spectacle hallucinant pour qui s’intéresse aux fossiles ou tout simplement aux mythes des cimetières d’éléphants ! Cris d’enfants un matin de Noël, même agitation, même excitation. Chacun cherche les pièces les plus extraordinaires parmi  ces paquets d’os enveloppés dans de la boue et parmi  les bassins, les omoplates de mammouths qui émergent de l’eau. En quelques minutes, Erwan a suffisamment trouvé d’ossements de chevaux fossiles pour en reconstituer l’évolution sur plusieurs millénaires, Sylvie a gagné le concours du plus beau bucrane d’aurochs, d’autres à l’instinct de collectionneurs de trésors accumulent sur la plage les défenses et fragments de défense, dont certains de plus d’un mètre de long. Edward improvise un cours magistral sur les restes de rhinocéros laineux. Photos les pieds dans l’eau, défenses ou os de patte de mammouths dans les mains. Certaines de ces bêtes étaient immenses, ce qui signe en Sibérie leur ancienneté, leur hauteur au garrot ayant diminué au cours du temps. Après cette phase d’excitation, nous effectuons un balayage à la recherche (improbable) d’ossements humains et d’une compréhension du site. Les inondations de ces dernières années qui ont érodé les berges en amont sont responsables de cette accumulation hétéroclite qui regroupe des animaux de différentes périodes. Une fois ce TP géant effectué, les os rangés en rang au fond de la rivière (le trafic d’ivoire est sérieusement contrôlé et les surpoids bagages Batagay/Iakoutsk empêchant le transfert de ces pièces vers la capitale) notre expédition devenue le temps d’un matin une salle de TP qui aurait eu à sa disposition un muséum d’histoire naturelle, repart les yeux brillants.

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EC

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