Je vous écris de Sibérie d’une cabane
aux planches non jointives. Elles laissent passer l’air. Le poêle ronfle, je
suis au coin du feu. Il fait bon. La fouille de ces trois derniers jours fut si
prenante que l’équipe passionnée resta de 8h à 20h sur le terrain. Si vous
ajoutez la marche de retour de plus d’une heure, un bain dans la Yana par ceux qui pensent
fonder le swimming club de Targana, puis un repas à la ferme à base de
crème fraiche maison et de poulain bouilli arrosé d’une bière bien gagnée,
votre rédacteur ne peut se mettre à écrire avant un moment où la température
s’approche de zéro. Elle nécessite le transfert vers la cabane, la rédaction
depuis un sac de couchage étant un sport guère prisé par ceux qui portent des
lunettes. Tel le capitaine Haddock dans un album que je vous laisse découvrir,
le dilemme est en effet « le micro ; dans ou en dehors du sac de
couchage ? ». Si la première position vous laisse les mains au chaud
mais demande à l’écran de s’éloigner pour les presbytes –difficile dans un sac
sarcophage-, la seconde vous donne très rapidement froid aux mains.
Nous avons dès le second jour trouvé ce
que nous étions venu chercher. George chance. Chance phénoménale mais il en
faut en archéologie (et dans la vie aussi). Comme bien souvent, cette chance
avait été préparée par la reconnaissance de l’an dernier. Reconnaissance qui
avait trouvé la tombe qui nous avait valu la marche du premier jour.
Reconnaissance qui lors du sondage jusqu’au coffre, avait mis au jour une perle
bleue du 17 siècle énigmatique. Comment avait-elle pu arriver au dessus d’un
coffre qui paraissait intact?
Après les décapages préliminaires et
autres enregistrements que je vous épargnerai, nous arrivâmes sur un grand
coffre dont les planches mal équarries nous firent déprimer. Elles annonçaient
selon nos critères (mis au point à 800 km d’ici) une tombe chrétienne. Nous ne
nous étions pas encore remis du semi échec de la veille et notre imagination
nous renvoyait à des cauchemars peuplés de tombes récentes. L’ouverture fut
tout aussi déprimante car à la place des corps gelés attendus nous trouvâmes de
la terre (les archéologues disent du sédiment) manifestement infiltré entre les
planches, guère plus jointives que celles de la cabane dont je vous écris. Afin
d’accélérer la fouille avec un aspirateur et d’en finir rapidement, nous fîmes
venir un groupe électrogène loué à un fermier
du hameau. A l’exception des dames qui furent ravies de partager avec lui la barque qui amena l’engin sur les trois quarts
du trajet, avant d’être porté par les malabars de l’équipe, cette location créa
plus d’énervement à Bernard (qui s’en
était chargé) que d’améliorations techniques. Pour des raisons inexpliquées,
l’allumage était mort à l’arrivée…Nous fouillâmes donc à l’ancienne avec
truelles, pinceaux et outils de dentiste jusqu’à ce que nous miment au jour une
fille et un garçon, d’environ 15 à 16 ans chacun, en partie gelés, déposés vers le début du 18e
siècle comme les objets et les parures que nous découvrîmes de plus en plus
nombreux à mesure que le dégagement se poursuivait nous l’indiquèrent. La
poursuite de la fouille fut bien plus passionnante que ces premières
observations qui attestent cependant que les iakoutes étaient déjà là dès les
débuts du 18esiècle, ce qui met fin à une controverse vieille de
plus d’un siècle.
EC
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