Pour un début,
nous avons choisi une tombe repérée l’an dernier. Choix dicté par sa proximité
du hameau et quelques critères que je vous épargnerai car ils ne sont pas
systématiquement fiables. L’avenir devait nous donner raison sur ce dernier
point. La proximité du hameau, choix qui
n’a rien à voir avec ces fameux critères, fut déterminante l’idée de partir
dans une température que nous appellerions frisquette pour une marche de
plusieurs kilomètres le jour de notre rentrée des classes ayant été rejeté à
l’unanimité. Après une procédure que je vous imposerai peut être un jour dans
un digest d’archéologie sibérienne, nous mimes au jour une tombe d’enfant non
gelé, inhumé selon une tradition ancienne mais avec une croix chrétienne autour
du cou renvoyant aux débuts du 19e siècle. Type de tombe que nous ne
cherchons pas mais que nous retrouvons dans environ un tiers des cas, leur
faible profondeur et leur isolement étant en tous points semblables aux tombes
antérieures du 17 e siècle que nous appelons de nos vœux.
Cette confusion est
liée au fait que l’inhumation des enfants fut l’un des premiers signes de
christianisation de la
Iakoutie ; auparavant ils étaient déposés dans des
arbres ; par la suite ils le furent dans des cimetières. L’opération était
bouclée vers trois heures de l’après midi et l’ensemble de l’équipe décida, non
point de rentrer à la maison, c'est-à-dire au hameau où la Yana à 15°C l’attendait pour une
joyeuse partie de natation rapide (très très rapide), mais de foncer vers le
second site repéré. Pour moi qui vous décris 24 h après ce qui fut l’une des
premières erreurs tactiques de notre mission je n’y vois qu’une
explication : le jour de la rentrée des classes, le bon élève ne peut pas
accepter les cinq fautes d’orthographe
de la dictée (je vous parle d’une époque ou on en faisait encore) proposée par
l’enseignant un peu sadique pour vérifier son niveau. Ne sachant pas qu’il est
encore en vacances et n’évaluant pas le niveau de la nouvelle section, il
proteste et se voit imposé un problème de maths qui tourne lui aussi à la
débandade. La rentrée est un peu loupée et même si les copains sont
sympathiques, c’est différent de l’an dernier et il va falloir changer de technique et
travailler peut être un peu plus. Compte tenu de la gestion de notre attirail,
la distance de 3,6 km
qu’indiquait le GPS entre les deux sites devait être parcourue en une heure.
C’était sans compter sur les bras morts de la Yana à traverser sur des arbres abattus ou sur
des bacs autochtones prévus pour les faucheurs, les méandres qui multiplient
par quatre les distances, les mouillères de fond de prairie qui remplissent les bottes,
l’absence de chemin qui oblige à passer à travers les forets de mélèzes
encombrées d’arbres abattus (ils ne pourrissent pas) et bombées par le
permafrost avec des fentes de gels dissimulées sous d’énormes épaisseurs de
lichens. Comme disent les Aveyronnais quand ils sont pris dans des taillis de
buis et de ronces, nous avons bartassé pendant cinq heures. Assez de cette
litanie de difficultés, ces efforts ne furent pas vains. Le site fut finalement
atteint et la tombe repérée l’an dernier,
alors que les bras morts et les mouillères étaient à secs, fut retrouvée
et le matériel déposé. Le retour permit de baliser un chemin dont les paysages
sont dignes des meilleurs GDR européens. Fourbus et ampoulés pour certains nos
sacs de couchage arctiques fournis par l’IPEV firent l’unanimité au petit
déjeuner du jour suivant. Avec 28°C
hier après midi nous ne nous attendions pas à trouver tant de gelée et un tel
froid durant la nuit. Nous sommes passés dans la section supérieure par rapport
à la Iakoutie
centrale. Nous le savions, mais nous l’avons réalisé. La classe peut commencer.
EC
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