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18/08/2010 | 

Rentrée des classes

Le premier jour de fouille s’est passé un vendredi 13, ce qui pour ma grand-mère était un excellent présage et qui d’après une voisine n’augure rien de bon pour la journée. En dehors de cette incertitude de peu d’importance nous l’attendions tel un bon élève impatient de rentrer en classe. Même excitation dans les préparatifs, joie de reprendre le travail, interrogation sur ce que seront les nouveaux  camarades, incertitudes sur l’ambiance et les découvertes dont le premier jour pourrait donner un avant goût. La veille au soir, le matériel  avait été préparé et soigneusement vérifié. Notre programme avait été tenu au jour près et grâce à une organisation parfaitement rodée (je nous félicite mais ceux qui ont vécu des expéditions de ce type me comprendront)e nous sommes allés de Toulouse, Paris et Strasbourg au fin fond des monts de Verkhoïansk en moins de quatre jours en emportant dans la dernière partie du trajet plus de 500kg d’un matériel et attirail inimaginable dont l’inventaire à la Prévert mêlerait,  camps de toile, set d’autopsie, riz, pattes, aspirateur, lingettes, saucisson russe, pack de bières (trop peu), médicaments capables de soigner un commando en opérations guerrières, éternel sujet de discussion et de dilemme (entre bières et médicaments il faut choisir) entre Annie et le rédacteur. 

DSC_6074 Dans la tradition de l’archéologie iakoute, les derniers manches de pelles furent fabriqués à partir de troncs de jeunes mélèzes coupés dans un bel enthousiasme avant l’orage qui nous permit de tester nos tentes. Dans cette tradition mêlant nécessités techniques et élan de ceux qui iront vers l’abondance, les tranchants de pelles, tels les sabres des exécuteurs des basses œuvres, furent soigneusement affutés sur une meule prêtée par les paysans dont c’était la première utilisation pour l’archéologie. Ce bel élan s’est passée au hameau de  Targana (66°, 59’,486 ‘’ N ; 132°, 59’,626’’E) où un hélicoptère loué pour la circonstance à Batagaï (capitale de la région de Verkhoïansk) nous avait déposé deux heures plus tôt, accompagnés de Monsieur le Président de la région venu quelques instant pour nous présenter. Ce contact avait été établi auparavant grâce à nos éclaireurs franco-iakoutes arrivés sur site auparavant. Il repartit dix minutes après, le temps pour le pilote sympathique qui avait récupéré Jean-Louis Etienne (son grand lien avec les français ce qui nous valut une séance photo de femmes en délire) de prendre un thé et de redécoller.

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EC


16/08/2010 | 

Le flair de Vassili

Rien ne peut remplacer le flair de Vassili. Si nous n’avions pas cet homme avec nous, nous pourrions avoir les meilleurs hélicoptères, les meilleurs malabars creuseurs de tombes, les parfaits enregistreurs et photographes, les plus snobinards des anthropologues de terrain, les plus délicieuses Skay Carpetta, nous constaterions en fin de mission que nos carnets sont vides, que le musée de Iakutsk a ses collections qui stagnent, que nos connaissances sur les chamans et autres iakoutes sont inchangées et que les résultats sont maigres. 

Blog-photo-08 Je le surpasse dans bien des activités d’archéologue et bien souvent je n’écoute ni ses conseils de fouille ni ses interprétations. Mais pour trouver des tombes, base de notre activité, par rapport à lui je suis un petit amateur.

 

Sans tenter de vous présenter l’une de mes théories au sujet de ce flair, je vous dirai plus simplement que cet homme a le système de pensée d’un ancien Iakoute. Quand il arrive au bord d’une rivière ou d’un lac il se dirige automatiquement vers l’endroit où un autochtone d’il y a trois cent ans aurait inhumé son semblable. _DSC9765 Après sept ans passés à ses côtés, je commence à développer ce flair, mais je ne suis encore qu’un élève balbutiant face au maitre. Au moment même ou je fonce sur la butte de permafrost sur laquelle je suis sûr que je vais trouver une tombe, Vassili me tourne le dos et enfonce son pic d’une geste précis vers celle sur laquelle je viens de passer sans la voir, me refusant même d’un sourire aux lèvres l’honneur de tester « ma butte ». Encore quarante ans efforts et j’y arriverai, à moins que son flair ne soit basé sur quelques gènes encore ignorés que je n’aurai pas.

EC

14/08/2010 | 

Interrogations

L’archéologie est sans doute l’un des plus beaux moyens mis au point par l’homme pour s’interroger sur son passé. Elle mêle par ailleurs la vie au grand air qui manque tant à nombre de chercheurs à des connaissances fondamentales dignes des meilleurs rats de bibliothèque. C’est aussi l’un des moyens des plus frustrants car vous ne savez jamais avant d’avoir fini la fouille l’intérêt de la découverte. Les sites les plus attrayants, les meilleurs repérages, peuvent se terminer par un fiasco, celui qui voit le chercheur iakoute se pencher sur la tombe et déclarer d’un air sombre boulgouniak ce qui signifie « nasse à poissons ».

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En effet, les endroits où ce dernier était conservé en été par les populations autochtones partagent ceci de commun avec les tombes qu’elles sont souvent creusées dans le permafrost au sommet d’une éminence naturelle et qu’elles en ont les dimensions. Pire que la frustration, nous avons connu l’humiliation. Dans ces terrains gelés où un deux cent ans plus tard un morceau de bois gravé peut paraitre au naïf que vous êtes comme produit la veille, une tombe d’une centaine d’années dont les superstructures ont disparu peut parfois apparaitre en surface comme beaucoup plus ancienne. Après bien des efforts et enregistrements, le coup de pelle qui met le cercueil au jour est suivit d’un long silence puis, durant le rebouchage qui suit immédiatement, de discussions sur la façon de repérer les tombes, brusquement remise en question après huit ans de pratique. Pire, il y a la dureté du permafrost et de la glace. Nous avons pu discerner des coffres pris dans une glace opaque, dure comme le bêton et abandonner la rage au cœur après trois jours de vains efforts…Pourtant quand la chance (ici on pense « les chamans ») est avec vous ce peut également être la plus excitante et la plus gratifiante des passions. Tel tertre commencé avec déjà des regrets dans la voix peut se révéler être la tombe d’un membre de l’élite dont le mobilier fournira des renseignements de premier ordre sur l’économie et les liens de parenté au sein des classes dirigeantes.

 

La préparation d’une fouille beaucoup plus au nord que ce dont nous avons l’habitude est donc une quête qui suscite de nombreuses interrogations à mesure que le premier jour de fouille se rapproche. Si la mission 2009 a bien repéré des « tombes »  nous ne savons pour l’instant quelle sera leur ancienneté ni si nous arriverons à passer à travers ce que la licence poétique vous pousserait à nommer leur écrin de glace et que la fouille nous enseigne être un bêton infernal.

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EC

13/08/2010 | 

Pourquoi Verkhoïansk ?

Lorsque les Russes sont arrivés à Iakutsk en 1632 lors de leur conquête de la Sibérie, ils ont très rapidement cartographié les implantations iakoutes. Elles étaient principalement circonscrites à trois zones : en Iakoutie centrale, en Viliouï et à Verkhoïansk. Après avoir passé 6 ans à mener des fouilles en Iakoutie centrale et deux ans en Viliouï (où il y avait peu de tombes), le programme doit tout naturellement se conclure par la région de Verkhoïansk. Dès 2009, une expédition de prospection a été conduite par l’un d’entre nous (PG) et une collègue russe a prospecté une partie  de cette région.

Carte 

  Carte-Yakoutie

L’isolement de cette zone et les difficultés de transport inhérentes à cette région ainsi que les records de froid qui y sont enregistrés régulièrement (-69,8°C l’hiver 1892) laissent planer quelques interrogations et un peu d’appréhension à la veille de cette mission en « terre inconnue ». La mission de prospection menée en 2009, par quelques-uns d’entres nous, n’ayant pas réussi à les dissiper complètement.

Sur le plan logistique, l’aide matériel de l’IPEV (Institut polaire français Paul-Émile Victor) nous permet d’envisager sereinement la fraîcheur des nuits sibériennes (-11°C enregistré fin août l’année dernier) et ce grâce à des tentes et sacs de couchage adaptés à ce type d’environnement. Par ailleurs, le prêt de deux téléphones satellites nous donnera la possibilité d’assurer notre sécurité en nous permettant de communiquer avec les autorités locales à tout moment. Ils seront aussi notre moyen de liaison vers ce blog.

Le programme établi à partir des informations et découvertes collectées l’an dernier sera serré. Nous avons sélectionné trois terrains, qui ne sont séparés que par quelques dizaines de kilomètres mais à cette période de l’année, les déplacements ne peuvent s’envisager que sur de petits bateaux très peu chargé en raison du faible tirant d’eau, ou par hélicoptère (plus efficace mais beaucoup plus cher). C’est pour cela que Dariya N., ethnologue iakoute membre de la MAFSO depuis 2004 et actuellement doctorante à l’université de Versailles Saint-Quentin, était sur place bien avant l’arrivée de toute l’équipe, pour négocier et réserver le transport héliporté des 16 membres (8 Français, 8 Iakoutes) de l’équipe.

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La bonne nouvelle pour cette mission, c’est que nous avons reçu l’autorisation de fouille des autorités russes - in extremis ! – Nous voilà sur le terrain, avec dans nos bagages, la trousse à pharmacie complète, les écrans anti-moustique et la couverture de survie comme de fidèles compagnons…

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Iakutsk, jeudi 12 aout, embarquement pour Batagaï

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Batagaï, région de Verkhoïansk . Rue sous la pluie, jeudi 12 aout

PG, EC


12/08/2010 | 

Interdit aux touristes et aux archéologues

Si nous partons du principe que l’administration a été faite pour aider l’homme et que l’homme n’est pas fait pour se soumettre à l’administration, tant que ses actes ne menacent ni autrui ni son honneur, alors la coopération entre peuples devrait être aisée. Ces propos, quasi-bibliques, sont assez régulièrement bafoués par ceux pour qui l’administration est avant tout un corpus de lois et de décrets à respecter, de façon assez curieuse, plus sur la forme que sur le fond. Ceux-là représentent l’un des obstacles majeurs à notre travail. Ils se recrutent habituellement au sein de diverses administrations où ils occupent un poste qui peut parfois devenir un véritable « château à prendre » (ou à éviter lorsque c’est possible !) s’ils sont amenés à remplacer, durant son absence, leur supérieur hiérarchique. A un débutant qui observerait la situation avec sympathie et qui se dirait en voyant notre sourire (contrarié), après tout « dura lex, sed lex »,  leurs motivations pourraient sembler variées, oscillant entre désintérêt et légitimité, Avec les années, nos fréquentes confrontations à ces sujets, nous ont permis durant les longues heures d’attente devant leurs bureaux un essai d’analyse à quatre sous (les décalages horaires de neuf heures sont parfois difficiles) que nous vous livrons. La crainte du retour du chef, qu’ils semblent plus attendre que remplacer, et celles d’autres lois qu’ils vont à leur tour subir s’ils n’appliquent pas celle qu’ils pensent vous concerner, sont leurs points communs. N’allez pas croire avec ce dernier propos que nous nous sentons au dessus des lois et que certaines d’entre elles ne nous concerneraient pas, mais « l’archéologue à l’étranger » est parfois mal catégorisé. Il peut être suspecté d’être un « fonctionnaire en vacances aux frais du contribuable » dans son pays, et d’être un « touriste non conforme » à l’étranger. En fait, il représente une catégorie de plus en plus rare dont la situation administrative n’est pas embrouillée mais inhabituelle, donc souvent non prévue en tant que telle par le législateur. Dès lors comment le considérer ? Suivant les solutions retenues il peut disparaitre ou accomplir ses recherches. Un arrêté municipal édicté en Viliouï il ya quelques années s’intitulait d’ailleurs « interdit aux touristes et aux archéologues », preuve de l’amalgame réalisé, de l’impossibilité de fouiller et d’une communication ratée de notre part !

 

Si nous sommes ici c’est grâce à une longue chaine dont nous vous avons déjà entretenue, sur laquelle nous reviendrons, mais au sein de laquelle, des femmes et des hommes nous permettent d’accomplir nos recherches grâce à l’application de l’esprit des lois. Le Président de l’Université de Iakutsk et celui de l’Université Paul Sabatier de Toulouse et leurs administrations respectives font partie de ces leveurs de verrous. 

EC

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Université d’Iakutsk. Ancien bâtiment administratif (1953) en fin de rénovation (11 aout).

EC

11/08/2010 | 

Iakutsk

Mon observation (facile) de la ville de Iakutsk en été, ma connaissance de l’habillement iakoute en hiver, un esprit scientifique, un attrait pour les jolies femmes m’ont fait calculer qu’il fallait certainement mille fois moins de temps à une jeune femme iakoute pour se déshabiller en été que pour s’habiller au plus profond de l’hiver. Laissez moi vous expliquer comment je suis arrivé à ce résultat qui à ma connaissance n’a jamais été publié auparavant et qui ferait certainement exploser les facteurs d’impact réclamés par les commissions de l’enseignement supérieur si jamais Play Boy venait à s’en rendre compte puis à être impacté (terme non encore repris par l’académie dans cette acceptation, lié à « impact factor »). D’abord, si j’ai lu quelques belles théories sur la ville de Iakutsk, la zone urbanisée la plus froide au monde avec des températures qui descendent au dessous de 50°C en janvier et février, il me semble que beaucoup reste à écrire sur l’anthropologie sociale de cette ville en été. Ces belles théories sur l’hiver me semblent d’ailleurs plus avoir été créées pour faire frémir le lecteur en attente d’exotisme ou d’ours polaires (absents sous ces latitudes) que pour l’informer sur la vie, bien différente de ce que l’on imagine chez nous. Le climat extrême ne l’est que pour nous, pour nos amis iakoutes il s’agit d’un climat « normal » (expression russe). En été donc, la température peut atteindre 30 à 35°C ce qui en climat continental produit une impression certaine de chaleur et conduit les jeunes femmes à des tenues en ville qui paraissent osées au vieux ringard que je suis mais qui ont amené certains jeunes collègues à se demander s’ils ne finiraient pas leur vie dans ce paradis. Je pense, plus sérieusement, que la plupart des jeunes femmes qui arpentent la rue commerçante de Iakutsk doivent pouvoir finir de se dénuder en moins de vingt secondes, disons dix-huit. Ce chiffre est à comparer aux trente minutes nécessaires pour s’habiller et se passer les différents niveaux de fourrures avant d’aller attendre le bus au plus profond de l’hiver…  


EC




08/08/2010 | 

J’aime les voyages

 Si vous suivez ce blog, vous savez déjà que le gars qui parait flegmatique que je suis se demande régulièrement s’il va partir. Et bien ce vendredi à la traditionnelle question « alors on en est où ? » j’ai eu une joie discrète mais certaine : « on a la liste ouverte ». Comme vous pouvez le penser il ne s’agit pas de la liste des courses à faire à Verkhoïansk, mais de l’une de ces Choses de l’administration, inconnues d’un non initié, mais indispensables pour partir. Laissez-moi-vous initier. Pour fouiller, comme dans la plupart des pays du monde, il faut une autorisation afin d’éviter que le premier venu ne massacre un site –ou le fouille !- pour le « plaisir » (c’est-à-dire en gardant les résultats pour lui car les plaisirs non publiés sont malvenus en archéologie) ou en collectionner ou en revendre les antiquités. En fédération de Russie, le territoire est tellement grand que l’administration qui a en charge les fouilles ne peut pas délivrer une autorisation pour les sites où nous allons fouiller, puisque nous ne savons pas encore exactement où ils sont : ils restent à découvrir…Dès lors, la « liste ouverte » est une autorisation pour un territoire « ouvert » de plusieurs milliers de kilomètres carrés. Cerise sur le gâteau, les autorités locales doivent, de façon toute théorique, vous apporter leur aide. Nous verrons si cette obligation est suivie d’effets. La sympathie que les gens ont pour vous (ou n’ont pas) fait plus que la loi que vous tenteriez de leur imposer. C’est ce qui participe à la grandeur de l’homme et nous n’allons pas nous en plaindre. Vous noterez cependant que ce genre d’affirmation un peu grandiloquente est assez facile à écrire lorsque l’on est chez soit, dès qu’un véhicule est embourbé, le villageois qui vous regarde rigolard ne se place plus dans « la grandeur de l’homme » mais plutôt dans le cadre de celui « qu’il faudrait mettre au boulot pour respecter la loi»)

                 MAFSO-2005-2_1 


Comme je l’ai souvent vérifié, une bonne nouvelle arrive rarement seule, grâce au Consul de la fédération de Russie à Strasbourg, au doyen de la faculté de médecine de cette ville et à Annie Géraut, que nous louons et remercions, les visas sont arrivés dans les temps. Je peux donc vous l’annoncer : j’aime les voyages et les explorateurs et en ce moment même Claude Lévi-Strauss serait d’accord avec moi.

                 Carte 


Le voyage débutera en fin de semaine à Verkhoïansk et d’ici là, -certains partent dimanche-pendant cinq jours, nous aurons à faire des trajets et des séjours dans les aéroports –enfumés nous dit-on- et à Iakutsk.. Si un jour j’ai l’honneur de diriger Le guide du routard « Sibérie orientale et Verkoiansk » vous pourrez y lire comment se rendre à Iakutsk en avion, car pour l’instant c’est la seule possibilité. Le trajet en voiture – destiné à la revendre à Iakutsk- depuis Vladivostok nécessitant, en plus de l’achat du véhicule, un parrain qui vous prête un cousin à lui armé au moins d’une kalachnikov. Je vous épargnerai donc ces trajets préférant vous rapporter cette anecdote citée par Bernard Berenson (1952) dans une préface pour Tibet secret de Fosco Maraini « Quand Italo Balbo descendit d’avion à Ghadames, il demanda aux cheiks venus lui rendre hommage combien de temps il leur fallait pour se rendre à Tripoli.

“28 jours ! ”,

“moi, j’ai mis trois heures pour venir ici”.

“ Alors qu’as-tu fait pendant les 27 autres jours ? ”.

Quand ils voyageaient ils vivaient. Lui volait et c’était tout. » Pour nous c’est presque pareil et c’est un peu triste. Heureusement il y aura l’escale et les amis de Iakutsk.

 

EC

 

 

 

06/08/2010 | 

Go to the North

L’archéologie ne répond en rien aux normes de la vie actuelle et lorsqu’il s’agit d’en évaluer les résultats elle aurait tendance à rendre perplexe nombre d’experts gouvernementaux.  A une époque où tout va plus vite que l’an dernier et où les poulets et les saumons « bien poussés » aux hormones de croissance grandissent toujours plus vite et vont donc rapporter plus à ceux qui nous nourrissent (mal), l’archéologie continue de demander du temps.  Blog-photo-06 Pour faire un bébé disait mon patron à l’hôpital il faut 9 mois et j’ajouterai dans la même verve que pour poursuivre un programme en archéologie il faut plusieurs années. L’idée d’atteindre Verkhoïansk et d’y mener des fouilles remonte à 2002. Avec Bertrand Ludes, complice et ami, nous nous étions aperçus après bien des essais, ce qui aujourd’hui est une banalité pour les étudiants : la conservation de l’ADN est meilleure dans les zones froides que chaudes. L’un de mes maîtres à penser, Daniel Rougé, avait alors suggéré, avec son pragmatisme bien connu, 10 ans de programme à venir par cette phrase lapidaire « Go to the north ».

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De la Mongolie où nous étions, nous avions alors pris contact avec la république Sakha. L’amitié partagée dès nos premières rencontres avec la directrice du département de langues étrangères de l’université de Iakoutsk, Olga Melnitchouk (enseignante de français) et du recteur de l’université Anatoly Alexeev (archéologue) a facilité la mise en place en 2002 de missions de terrain soutenues par l’Université Paul Sabatier (Toulouse III). Depuis 2004, ce programme s’est développé grâce au Ministère des Affaires Etrangères (MAE) (http://www.latitudefrance.org/index.php?page=afficher_centre&uid=1265) et il bénéficie depuis cette année de crédits de l’Institut Polaire français Paul-Emile Victor (http://www.institut-polaire.fr/). Par ailleurs, l’Institut de Médecine légale de Strasbourg, l’Université de Iakoutsk et le CNRS participent largement à ce financement.

 

EC


Un programme

La volonté que l’équipe franco-russe déploie depuis plusieurs mois pour aller fouiller à Verkhoïansk marque la dernière étape d’un programme expérimental sur l’histoire des peuplements humains. Ce programme a comme but l’étude de l’évolution et l’adaptation d’une population humaine au cours des cinq derniers siècles. La population iakoute a été choisie car les restes biologiques sont nombreux et très bien conservés, les données historiques exploitables, les possibilités d’analyses génétiques immenses, la population contemporaine de mieux en mieux connue. Les résultats obtenus au cours de ce programme ont déjà permis une meilleure connaissance de l’histoire de cette population mais ils ont eu des répercussions sur la recherche en biologie humaine en permettant par exemple la mise au point de nouveaux protocoles d’études de l’ADN dégradé à la base des études en paléogénétique et en identification médico-légale. Actuellement deux autres axes sont poursuivis, l’adaptation des populations aux maladies infectieuses au cours du temps et la façon dont la connaissance de l’évolution biologique permet de repenser l’évolution culturelle. Pour mener à bien un tel programme il faut sur le terrain, repérer les ensembles funéraires, les fouiller, autopsier et/ou fouiller les corps, enregistrer les données, étudier et prélever l’équipement funéraire et les habits, restituer dans le contexte de l’époque l’ensemble (le paysage a-t-il évolué ?). En tenant compte du fait que l’expédition est en autonomie totale, ceci implique une vingtaine de personnes sur le terrain. Nous aurons l’occasion d’en reparler

 

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Tombe de " Kyys Ounouoga ª, Iakoutie centrale, 2006. L’état de conservation exceptionnelle de cette tombe a permis de nombreuses études et analyses, publiées en 2007 aux éditions Errance sous le titre : ´ Chamane – Kyys, jeune fille des glaces ª (à droite évocation à l'aquarelle de C. Petit-Hochstrasser)



EC, PG


30/07/2010 | 

Euros, roubles et dollars

Qui aurait pu croire « avant la crise » qu’un archéologue, passionné des circuits économiques entre l’Europe et la Sibérie aux XVIIe et XVIIIe siècles, mais totalement ignorant de l’économie actuelle, serait un jour pris d’un intérêt anxieux pour les cours de la bourse ? Plus grave et honteux, quel citoyen vertueux et défenseur de l’Europe aurait pu penser en plein cœur de la crise convertir ses faibles économies en dollars ? Vous avez là les pires extrémités (d’après de nombreux amis férus d’économie je serai un tendre naïf) auxquelles la crise de l’euro au printemps nous a conduits. 


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Laissez-moi vous expliquer ce qu’un élève de CM1 comprendrait, ce qui collerait pour peu que ce soit posé de façon un peu tordue (il semblerait d’après mon collègue toulousain Antibi, auteur de «La constante macabre » que ce soit plus souvent le cas qu’on ne le pense) 50% des étudiants de L1 (en biologie) et que j’ai compris assez vite (n’allez pas croire que mes chevilles gonflent) mais réalisé assez tardivement (vous constatez à quelle vitesse elles peuvent dégonfler) et ce qui fit notre désespoir ce printemps et hypothéqua l’été. L’an dernier, durant l’été 2009, pour un euro nous avions 45 roubles à Moscou, un peu moins à Iakoutsk et nous réglions nos dépenses en roubles. Au pire de la crise, au printemps 2010, c’est moins de 33 roubles pour un euro que nous pouvions espérer et il fallait envisager de régler certaines dépenses en dollars. Je vous épargnerai le cours de ce dernier, sous peine de voir un pourcentage inimaginable de lecteurs, écœurés par la difficulté du problème et ma volonté d’étaler mes connaissances en maths, quitter définitivement ce blog. Le résultat, non pas de la règle de trois, mais de la totalité de l’opération financière fut un affolement, non des marchés, mais de l’équipe, et une vue à la baisse de nos ambitions. Malgré des prévisions dignes de Wall Street et destinées à calmer nos angoisses, les cours du rouble, du dollar et de l’euro restent un sujet d’actualité pour nous. Nous aurions actuellement 37 roubles pour un euro à Iakoutsk , mais le prix de l’heure d’hélicoptère aurait augmenté…Beau sujet de réflexion que je soigne (avant de me coucher) avec un armagnac – réglé en euros-.

 

EC