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avril 2008

09 avril 2008

Plaidoyer pour un nouvel esprit de la démocratie

Blog_blond Dans son dernier ouvrage, Le nouvel esprit de la démocratie, actualité de la démocratie participative (Seuil, coll. « La République des idées », mars 2008, 109 p., 10,50 €), Loïc Blondiaux invite le citoyen à s’informer et à s’interroger sur ce qui est considéré aujourd’hui comme une avancée significative pour la démocratie : la participation citoyenne. En témoignent la clarté du style, les efforts de synthèse de certains débats mais aussi le prix de l’ouvrage. Ce n’est résolument pas un ouvrage destiné à des spécialistes ou à un public convaincu. L’ouvrage constitue en lui-même une forme de participation et une volonté de contribuer à une discussion éclairée. Partant d’une analyse du flou qui entoure cette notion, l’auteur dégage plusieurs versions de cet idéal participatif. Démocratie agonistique ou apprivoisée ? Démocratie participative ou délibérative ? Sans nul doute, son projet est de plaider en faveur d’une institutionnalisation des procédures de la démocratie participative en prenant appui sur de nombreux exemples : les budgets participatifs, les conférences de consensus, les démarches de concertation, l’influence des blogs, sans oublier les jurys citoyens proposés dans le programme de Ségolène Royal lors de la dernière campagne présidentielle. Si l’auteur explique la forte capacité d’intégration de ces dispositifs, il ne manque pas de mettre en garde sur les détournements possibles des pratiques de la participation, leurs effets pervers et le(s) piège(s) de la proximité. C’est d’ailleurs sur ce point précis que l’ouvrage apparaît le plus pertinent. L’auteur conclut son analyse de manière engagée et militante en indiquant les raisons de « s’interroger sur les manières de concrétiser un tel idéal »  (p. 81). Au-delà des réponses proposées à cette question très à la mode, on se demande toujours d’une part, à quoi correspond dans le fond et dans la forme ce nouvel esprit de la démocratie et d’autre part, ce que l’on est en droit d’en attendre. C’est in fine la question des fondements de la décision politique qui apparaît fondamentale et qui interroge sous un nouvel angle le lecteur citoyen.

Lynda Sifer Rivière, CERMES

08 avril 2008

Admirable bouquet

"Admirable bouquet de commentaires, un tournant dans la vie du Blog", écrit André Michard dans un des nombreux commentaires de l'article du 2 avril signé Fabien Besnard. A lire absolument, et à prolonger par de nouveaux commentaires.

Vincent Duclert

Essais cliniques, quels risques ?

Blog_essais_2 Alerte, Cobayes Wanted. Les essais cliniques sont sous le collimateur. Un ouvrage vient de faire le tour de la question, bien documenté et rassurant dans l’ensemble (Essais cliniques, quels risques ? sous la direction d’Anne Laude et de Didier Tabuteau, PUF, coll. « Droit et santé », 2007190 p., 12 €). Un dispositif bien rodé protège ceux qui prennent part à ces essais jugés par tous indispensables au progrès médical. Pourtant, au tournant d’un chapitre, autre son de cloche. Un des auteurs, venu de l'industrie, souligne que la France, en manifestant un sens chatouilleux de l'éthique, est libre de suivre sa tradition nationale. Mais gare à un écart trop grand avec ses voisins, qui l'exposerait à voir l'industrie délocaliser au sein même de l'Europe ! Quant à la gratuité des médicaments pendant la durée de l'essai, il s'agit à ses yeux d'un fardeau indû que les firmes ont l’intention de renégocier. Pour détourner la grogne à l'égard des essais chez nous, l'auteur avance un argument sans réplique : le risque couru dans les essais n'est que de 0,1% (?), négligeable par rapport au taux bien connu des infections nosocomiales. Pourquoi se préoccuper du risque qui fait courir la recherche, quand il y en a tant à se faire soigner ?

Anne-Marie Moulin, CNRS-CEDEJ

07 avril 2008

Faut-il que la République devienne inégalitaire ?

Blog_davezie Depuis Paris et le désert français (Jean-François Gravier, Paris, Le Portulan, 1947), on croyait connaître l’enjeu fondamental de l’aménagement en France : qu’il s’agisse d’actions étatiques ou de développement endogène des territoires, l’objectif était toujours la péréquation et le redistribution des richesses entre régions riches et régions pauvres. Le livre de Laurent Davezies vient changer la donne non seulement en ce qui concerne les principes de l’action mais aussi ceux de la science. Dans la République et ses territoires. La circulation invisible des richesses (Éditions du Seuil et la République des idées, 2008, 112 p., 10,50 €), il bouleverse les représentations communes de la géographie des inégalités en révélant le divorce entre la France de la production et celle du développement. Alors qu’on associe traditionnellement revenus régionaux et lieux de production, le territoire connaît actuellement un découplage de la répartition de la croissance et de celle du bien-être. Tandis que le dynamisme économique conçu en terme de PIB creuse les inégalités entre villes et régions, de puissants mécanismes de redistribution équilibrent le développement territorial : prélèvements publics, choix de résidence des retraités et consommation pour les loisirs comptent parmi les facteurs d’égalisation territoriale. La ligne Saint-Malo/Genève dessine une fracture renouvelée de l’espace français : l’Ouest et le Sud sont les territoires où le revenu déclaré des ménages et l’emploi salarié privé croissent le plus fortement, alors que l’Ile de France, région de fort PIB, le Nord et l’Est sont à la traîne. Les politiques publiques nationales et européennes observent jusqu’à présent le modèle territorial fondé sur le PIB, sans mesurer le rééquilibrage par le revenu qui se fait en sourdine, et au risque de pénaliser les régions motrices de la croissance, qui sont aussi confrontées aux difficultés sociales les plus aiguës. Faut-il que la République devienne inégalitaire ?

Marie-Vic Ozouf, EHESS

06 avril 2008

Un film, une langue, un site. Le ch'ti à La Recherche

Blog_chti Chers tous,
Vu le succès sans précédent du film de Dany Boon, je pense qu'il y a une
opportunité pour nous de booster notre site web en misant sur le ch'ti.

Rejoignez-nous sur :
http://tinyurl.com/28nm35

Mathieu

05 avril 2008

Des libertés numériques

Blog_mathias Paul Mathias mène une réflexion philosophique sur Internet ou ce qu'il appelle « le Réseau ». Son dernier livre, Des libertés numériques (PUF, coll. « Intervention philosophique », 2008, 185 p., 18 €) ne répond pas à la question posée par son sous-titre (« Notre liberté est-elle menacée par l'Internet ? ») précisément parce qu'il entreprend de penser la nature même de la liberté permise par « le Réseau ». La vraie question posée par ce livre serait bien davantage celle-ci : « la nature de la liberté humaine est-elle modifiée par l’Internet ? ». L’enjeu politique d’Internet reste néanmoins à penser, entre le pouvoir de contrôle illimité sur les internautes et leur pouvoir, moins illimité mais réel quand même, d’information et de mobilisation de groupe. Le cas actuel de la Chine, où un Etat central est capable de verrouiller tout l’espace virtuel de liberté, reste à méditer. On serait convié alors à parler plutôt d’« espace de liberté virtuelle ». La philosophie revient au galop.

Vincent Duclert

04 avril 2008

Retour sur un poisson et une troublante affaire

Allègre ministre ! Joyeux poisson d’avril que Jean-Marc Levy-Leblond et Denis Guedj ont accroché mardi dernier au Blog des Livres. Au-delà de la plaisanterie, il y a l’affaire assez trouble qui a récemment mis en scène Vincent Courtillot, directeur de l’Institut de physique du globe, membre de l’Académie des sciences et proche de Claude Allègre, comme pourfendeur des journalistes scientifiques. L’association des journalistes scientifiques de la presse d’information (AJSPI) a publié une lettre ouverte qui dénonce les pressions et insultes adressées à des journalistes ayant critiqué des publications scientifiques émanant notamment de Vincent Courtillot. Ce dernier, avec ses collaborateurs, venaient à la rescousse de Claude Allègre et de ses thèses sur le réchauffement climatique. La critique de la critique n’a pas été, apparemment, admis. « La suite se passe hors du champ scientifique : insultes envers un journaliste proférées par Claude Allègre, soutien indéfectible de M. Courtillot, demandes de droit de réponse abusives, menaces de procès en diffamation, tentatives de pressions auprès des rédactions en chef pour discréditer des journalistes, instrumentalisation de l’Académie des sciences contre M. Bard [professeur au Collège de France] et contre une presse désignée comme l’ ‘ennemi de la science’. Tout ceci aurait pu décourager des journalistes moins aguerris et altérer la qualité des débats publics en cours sur le dossier climatique. » (lettre signée par deux responsables de l’AJSPI).

Blog_mil_neuf_cent Deux précisions et une remarque générale. Claude Allègre a consacré sa dernière chronique du Point, en date du 27 mars, à ses arguments concernant ce débat. Le 16 mars, Jade Lindgaard, journaliste à Mediapart, site payant d’information en ligne, a rédigé un long portrait de Claude Allègre sous-titré « Un si brillant chercheur ? ». La charge est vigoureuse, mais les propos sont lestés par plusieurs témoignages de scientifiques peu suspects de partialité. D’autres ont exigé l’anonymat avant de parler. On en vient à notre remarque générale : la critique des travaux scientifiques est devenue très dangereuse pour les carrières et les réputations, si bien que nombre de comptes rendus dits critiques se contentent de résumer l’ouvrage sans prendre position. Il y a là risque de régression de la recherche, quand on sait que la controverse et le débat sont essentiels au progrès de la connaissance. Voir à ce sujet l’exemple de l’historien Marc Bloch et de la revue des Annales (Histoire et historiens, textes réunis par Etienne Bloch, Armand Colin, 1995, 278 p., 26 €), et les actes d’un passionnant colloque, Comment on se dispute (« Les formes intellectuelles de la controverse », revue Mil neuf cent, n°25, 2007, 212 p. 18 €). Un bon quart des contributions portent sur les querelles au sein des « sciences dures ». Là aussi, les progrès sont notables.

Vincent Duclert

03 avril 2008

Debout les morts

Combattre : Une anthropologie historique de la guerre moderne (XIX-XXIe siècle)Les lecteurs de Fred Vargas se souviennent du personnage de Lucien, l'historien de la Grande Guerre, dans Debout les morts. La romancière a été inspirée par son frère, Stéphane Audoin-Rouzeau (EHESS), l'un des historiens qui a renouvelé notre regard sur la première guerre mondiale. Il est notamment l'un de ceux qui ont approfondi l'idée (controversée) de « consentement patriotique » : la volonté de défendre la patrie aurait prévalu sur les souffrances et les sacrifices des acteurs civils et surtout militaires de la guerre. Dans son dernier livre, Combattre (Seuil, mars 2008, 230 p, 21 €), Stéphane Audoin-Rouzeau, part du constat selon lequel l'expérience du combat et des violences de guerre n'ont fait l'objet que de rares études, contrairement aux témoignages, qui, eux, sont nombreux. On ne saurait combler cette lacune en un seul livre mais on peut, en revanche, proposer une problématique de recherche. C'est ce que fait Stéphane Audoin-Rouzeau, dans une perspective souvent proche du Marcel Mauss de « Techniques du corps » : ainsi, par exemple, le « tropisme du corps couché » qui caractérise la gestuelle du combat dans les guerres modernes succède dans l'histoire à celui du « corps redressé ». Changement certes lié « à la mise en oeuvre de l'armement moderne », mais exprimant aussi un changement profond en matière d'« éthos » de la bataille : jadis on se tenait droit physiquement, mais aussi moralement. En multipliant ce type d'analyse portant sur des comportements souvent peu étudiés jusqu'alors, l'auteur jette les bases novatrices et passionnantes d'une anthropologie historique de la guerre moderne.

Pascal Acot, CNRS

La plus belle histoire du langage

Blog_picq Alors que les singes s’épouillent, les humains se racontent la météo, nous dit Pascal Picq dans La plus belle histoire du langage (Le Seuil, 2008, 183 p., 16 €) : dans les deux cas, les tensions s’apaisent ! Pour nous, ces « platitudes » de contenu, souvent doublées de pauvreté de vocabulaire, ne sont donc pas anodines sur le plan social. D’un autre côté, ce même langage humain est suffisamment sophistiqué pour exprimer les idées les plus complexes. Et Laurent Sagart d’ajouter que toutes les langues du monde, aussi simples puissent-elles nous sembler, permettent de dire « absolument tout ce que l’on veut ». Et puis, si l’on en croit Ghislaine Dehaene, les petits d’humains sont des professionnels de la grammaire dès leur plus jeune âge, alors même que leurs phrases se réduisent encore à « bébé bobo ».Ce livre, qui suit l’évolution et le développement du langage tel un fil d’Ariane, nous offre une multitude de connaissances nouvelles, souvent contraires aux idées reçues, sur cet instrument remarquable qui fait de nous des êtres vivants particuliers. Quelques concepts fondamentaux s’en dégagent aussi : l’idée, expliquée par le paléontologue inspiré par Stephen Jay Gould, que le langage serait une « exaptation », caractère pré-existant qui ne se révélerait avantageux que dans un contexte nouveau particulier ; la notion, chère au linguiste, de transformation, propre à toute langue, et qui ne devrait pas nous faire craindre d’emprunter quelques expressions aux langues voisines: la « redingote » sied si bien à notre langue française.. et pourtant, quel anglicisme ! La vision, enfin, défendue par la pédiatre, que le langage ne saurait être considéré de manière isolée sans le contact avec autrui : une nouvelle langue apprise dans un contexte socio-affectif approprié peut faire oublier sa propre langue maternelle.Tout cela nous est raconté, ce qui est de circonstance, dans une série de dialogues agréables entre les trois chercheurs et une journaliste.

Alicia Sanchez-Mazas, université de Genève

02 avril 2008

OGM

Blog_monsanto L’Assemblée Nationale débat ces jours-ci des OGM. Je n’ai pas la prétention d’avoir une opinion éclairée sur la question, aussi la tairai-je. Cependant, il se trouve qu’on devrait projeter à nos élus le film de Marie-Monique Robin, Le monde selon Monsanto, également auteur d'un livre sous le même titre (préface de Nicolas Hulot, La Découverte-Arte, 2008, 372 p., 20 €). Outre que ce reportage sombre assez vite dans la mauvaise foi, ce qui me préoccupe avant tout c’est qu’on y développe la vision d’une technoscience prométhéenne, et par essence mauvaise, entraînant l’humanité à sa perte. Cette vision semble particulièrement répandue de nos jours, notamment dans les milieux socioculturels et politiques censés être les plus avancés. En ruminant ces pensées, on en arrive, paradoxe de la nostalgie, à regretter le temps où nos élites croyaient au progrès. Il peut alors être utile de relire Les deux cultures, de C.P. Snow, texte d’une conférence de… 1959. Snow y soutient que la vie intellectuelle s’organise autour de deux pôles d’attraction : « à un pôle, nous avons les intellectuels littéraires, qui se sont mis un beau jour, en catimini, à se qualifier d’« intellectuels »  tout court », bien qu’ils soient profondément ignorants des lois de la Nature, et à l’autre nous avons les intellectuels scientifiques, si peu versés dans la littérature qu’il leur semble que « Dickens est un auteur extraordinairement ésotérique et abscons». Ce divorce est préjudiciable à la société dans son ensemble, en particulier parce que « les « intellectuels » sont, par tempérament, des Luddites ». Si la charge est parfois caricaturale, elle n’en garde pas moins une certaine pertinence.

Fabien Besnard