Debout les morts
Les lecteurs de Fred Vargas se souviennent du personnage de Lucien, l'historien de la Grande Guerre, dans Debout les morts. La romancière a été inspirée par son frère, Stéphane Audoin-Rouzeau (EHESS), l'un des historiens qui a renouvelé notre regard sur la première guerre mondiale. Il est notamment l'un de ceux qui ont approfondi l'idée (controversée) de « consentement patriotique » : la volonté de défendre la patrie aurait prévalu sur les souffrances et les sacrifices des acteurs civils et surtout militaires de la guerre. Dans son dernier livre, Combattre (Seuil, mars 2008, 230 p, 21 €), Stéphane Audoin-Rouzeau, part du constat selon lequel l'expérience du combat et des violences de guerre n'ont fait l'objet que de rares études, contrairement aux témoignages, qui, eux, sont nombreux. On ne saurait combler cette lacune en un seul livre mais on peut, en revanche, proposer une problématique de recherche. C'est ce que fait Stéphane Audoin-Rouzeau, dans une perspective souvent proche du Marcel Mauss de « Techniques du corps » : ainsi, par exemple, le « tropisme du corps couché » qui caractérise la gestuelle du combat dans les guerres modernes succède dans l'histoire à celui du « corps redressé ». Changement certes lié « à la mise en oeuvre de l'armement moderne », mais exprimant aussi un changement profond en matière d'« éthos » de la bataille : jadis on se tenait droit physiquement, mais aussi moralement. En multipliant ce type d'analyse portant sur des comportements souvent peu étudiés jusqu'alors, l'auteur jette les bases novatrices et passionnantes d'une anthropologie historique de la guerre moderne.
Pascal Acot, CNRS
Rédigé par : Duclert | 03 avril 2008 à 08:15
Les lecteurs du Blog des Livres/La Recherche s'étonneront peut-être de la taille exceptionnelle de la couverture du livre. Il est vrai que cette photographie possède une grande force et qu'elle éclaire le projet du livre de concevoir une anthropologie historique de la guerre moderne. Elle a été choisie par l'auteur lui-même. Celui-ci ne pourra néanmoins pas lire ce jour-même ce très inspiré commentaire. Il est parti en mission au Rwanda. Et si le Rwanda apparaît dans le prochain polar de Fred Vargas, on saura pourquoi !