Les
éditions de l’Ecole des hautes études en sciences sociales ont publié, le 2
novembre dernier, un ensemble de trois volumes intitulé Faire des sciences sociales, 1. Généraliser,
2. Comparer, 3. Critiquer (coll. « Cas de figures », 15 € par volume,
disponible en coffert).
La présentation qu’en a faite le maître d’œuvre,
Christophe Prochasson, également directeur de ces éditions, souligne la place
dynamique confiée à l’éditeur dans ce vaste chantier. Cette place de l’édition dans
la fabrique des grands projets scientifiques n’est pas neuve, elle associe même
en France éditeurs universitaires et commerciaux, mais il était bon de la rappeler à l'occasion, par l’exemple. Nous restitutons ici l’essentiel du texte de Christophe Prochasson publié dans la Lettre de l’Ecole (http://lettre.ehess.fr/4525).
On l’aura reconnu aussi, Faire des
sciences sociales renvoie au lointain Faire
de l’histoire, dirigé par Jacques Le Goff et Pierre Nora, et publié en 1974
aux éditions Gallimard, dans la collection « Bibliothèque des histoires »
que Pierre Nora avait créée en 1970 (3 tomes : t. 1 Nouveaux problèmes,
t. 2 Nouvelles approches, t. 3 Nouveaux objets)
V.
D.
« En 1996,
l’EHESS s’était déjà rassemblée sous la direction de Jacques Revel et de Nathan
Wachtel pour donner à voir ce qu’elle était dans un volume fièrement intitulé Une École pour les sciences sociales.
C’est une autre photographie que Faire
des sciences sociales propose une quinzaine d’années plus tard. Pas
plus qu’en 1996, celle-ci n’est d’ailleurs représentative de ce qu’est l’École
dans son ensemble. Les membres du comité de rédaction (Emmanuel Désveaux,
Michel de Fornel, Pascale Haag, Cyril Lemieux, Christophe Prochasson, Olivier
Remaud, Jean-Frédéric Schaub et Isabelle Thireau) ont fait des choix :
diversité disciplinaire, échelle mondiale, représentation des femmes, priorité
générationnelle. C’est d’ailleurs sur cette dernière dimension qu’il convient
d’insister. Faire des sciences sociales
illustre le passage d’une génération à l’autre : non plus bien sûr les
fondateurs de l’École, ni même leurs immédiats successeurs, mais ce que l’on
pourrait reconnaître comme une « troisième génération », délivrée des grandes
figures comme de l’impérialisme des grands modèles. On aurait tort, comme le
font certains, de n’y lire que du désenchantement au regard de temps héroïques.
On peut tout au contraire se réjouir d’y déceler tant d’énergie et de liberté.
L’École a de beaux jours devant elle !
L’EHESS peut se
flatter d’être l’une des rares institutions à être en mesure de mener à bien un
projet aussi transversal. Ces trois volumes font la preuve que l’interdisciplinarité
n’est pas un drapeau que l’on se contente d’agiter. Trois années durant, des
chercheurs issus de toutes les disciplines représentées à l’École ont échangé.
Des uns et des autres, tous ont beaucoup appris parce qu’ils se voyaient au
travail. Faire des sciences sociales
ne constitue en effet ni un état des lieux par discipline, encore moins un
recueil de manifestes épistémologiques qui ne dit rien des mises en œuvre et
des façons de faire mais plutôt un gigantesque laboratoire où chacun montre
comment il œuvre. C’est cet empirisme assumé qui fait toute la force et
l’efficacité d’un ouvrage dont la lecture deviendra vite incontournable pour
tous les jeunes chercheurs s’engageant dans la voie des sciences sociales.
Il faut enfin souligner la dimension collective de
l’entreprise qui a été l’occasion d’une coordination remarquable entre l’École
et son service des éditions dirigé par Jean-Baptiste Boyer. Anne Bertrand a
coordonné le travail du comité de rédaction et fait l’interface avec le
boulevard Saint-Michel, siège des éditions, où chacun s’est trouvé mobilisé,
d’une façon ou d’une autre, par cet immense chantier. Malgré les inquiétudes
occasionnelles, inévitables pour un projet collectif inscrit dans une telle
durée, l’enthousiasme n’a jamais fait défaut. Faire des sciences sociales a fait la démonstration que
les éditions de l’École sont un véritable partenaire des chercheurs et non pas
un simple support de valorisation de leurs travaux. »