La mort d'Erik Izraelewicz
La mort sur le front de la presse,
en plein travail dans son bureau mardi 27 novembre, du directeur du Monde Erik Izraelewicz, a ébranlé la profession. Elle a réveillé
des inquiétudes enfouies sur l’extrême fragilité de la presse de qualité, sur la
contrainte des patrons de journaux d’avancer toujours sur le bord de la
falaise, de travailler à fond comme le faisait Izraelewicz pour innover tout en
assurant le quotidien. Sa disparition brutale, à laquelle l’épuisement personnel
à la tâche doit sa part, rend plus périlleuse encore l’aventure de presse. Et en
même temps, elle fait devoir aux vivants de poursuivre l’œuvre engagée depuis des
siècles. (Photo AFP/Le Monde)
Vincent Duclert
En 1997, Erik Izraelewicz avait pu trouver le temps
de réfléchir au monde qui nous attend. S’intéressant
aux peurs françaises et l’économie
(Grasset, 1997, 265 p., 19,40 €), il avait expliqué l’exception française en la matière par
l'irresponsabilité des hommes politiques, qui semblent dire en permanence: « Le
monde change, ne changeons rien. » Et de rappeler que le gouvernement
français lors de la catastrophe de Tchernobyl, en 1986, avait dit en substance:
« Nous arrêterons le nuage de Tchernobyl, il ne passera pas sur la France! »
Refusant que la "globalisation" et l'Europe servent de boucs
émissaires pratiques, Erik Izraelewicz avait voulu rehausser le débat.