Séquence Policier. Volte-Face
Le dernier roman de Michael Connelly traduit en français (toujours par l’excellent Robert Pépin) est le premier à être publié désormais chez Calmann-Lévy, maison du groupe Hachette qui, aux Etats-Unis, édite le célèbre auteur. Son talent tient à la mise en scène de l’art de l’enquête, menée avec brio par son personnage fétiche, le détective du Los Angeles Police Department (LAPD) Harry Bosch, et, depuis peu, par un avocat (de surcroît demi-frère de Bosch) en voie de rédemption, Mickey Haller.
Volte-face (The Reversal dans l’édition originale, et ici dans la collection « Robert Pépin présente… », 435 p., 21,50 €) commence du reste de belle manière avec une condamnation pour meurtre (d’une fillette) qui doit être rejugée, avec toutes les chances pour que le coupable soit cette fois innocenté. Haller est chargé de l’accusation, et Bosch enquête pour ré-établir les preuves de la culpabilité du prévenu, vingt-quatre ans après les faits *. Il plonge ainsi dans une Amérique ancienne et, surtout, au sein d'une famille brisé par cette tragédie. La restitution de ces destins écrasés par la violence et la cruauté est particulièrement forte. En revanche, le roman déçoit cette fois par la prévisibilité de l’intrigue et par la confusion qui emplit le lecteur égaré dans les personnages –d’autant que l’emploi de la première personne est réservé à celui de l’avocat. On achève le livre dans une forme d’ennui et de frustration devant un Harry Bosch en petite forme, à contre-emploi, perdu dans une histoire auquel l’auteur même ne semble croire. Rien à voir en tout cas au Dernier coyotte, à L'envol des anges ou aux Neuf Dragons opportunément édité en collection de poche (Points-Policier) par le Seuil **.
Vincent Duclert
* Ce n'est pas la première fois que Connelly fait se rencontrer ses deux protagonnistes principaux, déjà en 2008 dans Le Verdict du plomb, l'avocat et le flic s'épaulaient. Bosch était certes en arrière-plan, mais bien présent tout de même. Le premier plan était occupé par Haller, aux prises avec un obscur procès où la vérité disparaissait sous les mensonges et les manipulations. Mais la clef résidait dans la scène de crime qualifiée de « carte » qu’il faut savoir déchiffrer. « Sachez la lire et parfois vous y trouverez votre chemin, fait-il dire à Mickey Haller. La géométrie du meurtre. Dès que je la comprendrais, je serais prêt à plaider. »
Les neuf dragons (470 p., 8 € en version poche) traduit Robert Pépin, inversait les positions. Bosch est au centre du roman, et bien plus encore puisqu’il doit arracher sa fille des griffes d’une triade de Hong Kong. Il y parvient de justesse, s’embarquant in extremis dans un avion pour Los Angeles, laissant derrière lui quelques cadavres. Ces derniers le rattrapent : il est convoqué par ses chefs pour répondre aux accusations de responsables de la police chinoise. Mais il ne vient pas seul. Accompagné de Mickey Haller qui est devenu son avocat, il repousse la mise en accusation et s’offre même, par la voix de son défenseur, une contre-offensive inattendue. Le pouvoir de la presse est la carte maîtresse abattue par les deux hommes, Haller menaçant de révéler à la presse comment la police de Hong Kong avait refusé d’enquêter sur la disparition de cette jeune Américaine menacée d’être vendue pour ses organes. Ecartant la mise en accusation et l’extradition, le détective peut alors retourner à son enquête. Car l’histoire n’est pas terminée…