En temps & lieux
La biographie de Caroline Ehrhardt consacrée à Evariste Galois, dont nous avons rendu compte dans une précédente note, appartient à la collection de référence des éditions de l’EHESS, « En temps & lieux ».
Parmi les autres ouvrages récemment publiés, mentionnons les ensembles d’écrits de Maurice Halbwachs résultant d’un séjour d’enseignement du sociologue à l’université de Chicago comme visiting professor of sociology pendant le trimestre d’automne 1930. Textes scientifiques, correspondances avec ses amis et sa famille et particulièrement avec sa femme Yvonne restée à Strasbourg, articles du Progrès de Lyon sous le titre « Lettres des Etats-Unis » sont édités avec un appareil critique remarquable par le sociologue Christian Topalov qui signe également une très longue préface et de précieuses introductions par parties, formant comme un livre dans le livre. La qualité de l’édition est exceptionnelle (454 p., 27 €).
Autre titre d’ « En temps & lieux », A vos ordres ? est issu de la thèse d’Emmanuel Saint-Fuscien consacrée à la « relation d’autorité dans l’armée française de la Grande Guerre » (311 p., 23 €). La recherche ouvre vers d’autres interrogations, celle de la « place de l’expérience d’autorité de la Grande Guerre dans la montée des fascismes européens », et celle des formes nouvelles de commandement dans l’armée de la France Libre aussi bien que dans la Résistance, « cette dernière offrant peut-être le meilleur exemple de porosité entre autorité civile et autorité militaire d’une part, autorité de temps de paix et autorité de temps de guerre d’autre part ». Cette attention aux larges questionnements, qui caractérise souvent la rencontre réussie de l’histoire et des sciences sociales, traverse un grand livre porté par l’étude des représentations, des expériences et des formes du commandement. Ainsi, l’autorité conférée par le grade est-elle concurrencée sur le champ de bataille par celle qui émane des signes distinctifs marquant les périodes au front et les blessures reçues. L’insigne de la brisque confère « une autre légitimité et une certaine autorité au combattant qui le porte. [...] Par sa proximité objective – tissus cousus sur la manche – et emblématique (le chevron devient signe d’expérience), cet insigne a sans doute contribué à affaiblir la dimension symbolique du galon ». Cette concurrence bouleversant les grades obligera les officiers à recourir à de nouveaux attributs d’autorité, comme le revolver doté d’une double identité symbolique : « arme de la contrainte, de la force autoritaire, de la menace auprès de ses propres soldats, c’est aussi celle du courage et de la valeur guerrière de l’autorité combattante ».
Vincent Duclert
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