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avril 2012

29 avril 2012

Le journal des camps de Benjamin Schatzman

Par la loi du 14 avril 1954, la République française a décidé d'honorer la mémoire des victimes de la déportation, en particulier des déportés de France dans les camps de concentration ou d'extermination nazis. Chaque année, le dernier dimanche d'avril est consacré « Journée nationale du souvenir des victimes et des héros de la déportation ». Parmi eux, de nombreux étrangers présents sur le sol français, ou des Français nés étrangers, livrés par les autorités légales à l’Allemagne nazie. Ce fut le cas, par exemple, de Benjamin Schatzman, dentiste et professeur d’inlays et porcelaine à l’Ecole odontotechnique.

Blog benj

Né le 5 janvier 1877 à Tulcea en Roumanie, il meurt le 28 septembre 1942 au camp d’Auschwitz en Pologne occupée. Père de l’astrophysicien Evry Schatzman, Benjamin Schatzman a grandi dans une famille juive du Danube ottoman. Son père, étameur, remplissait dans la communauté les fonctions de scheret (celui qui s’assure que les animaux ont été tués de façon rituelle). « En 1882, attiré par le mouvement des Amants de Sion, mon grand-père quitte Tulcea pour venir en Palestine », raconte Evry Schatzman dans la Science menacée (Odile Jacob, 1989, p. 22)

 

[...]. A l’école de Ziqron, mon père obtint le brevet supérieur. Très bon élève, il est envoyé étudier l’agronomie à Grignon en 1896. » L’arrivée en France est un choc pour le jeune homme : « Il venait d’un petit village palestinien encore très pauvre et découvrait Paris, les remous de l’affaire Dreyfus, la bataille des Droits de l’homme, les courants politiques français, socialiste en particulier. La tradition religieuse a été vite ébranlée en lui ». Après un stage de six mois en Algérie en 1899, il revint en Palestine. Mais, malade de la malaria et désormais éloigné de la religion, il décida de quitter la Palestine, d’abord pour la Nouvelle-Zélande où il rencontra là-bas la tradition travailliste anglo-saxonne qui certainement aida à faire de lui, à son retour en France, un socialiste convaincu ». Installé à Paris en 1905, il s’intégra rapidement à la société française : diplômé de l’Ecole odontotechnique en 1908, naturalisé français, marié à Cécile Kahn, il exerça la profession de dentiste et de professeur jusqu’à son arrestation en 1941. Fidèle toute sa vie à la Ligue des droits de l’homme, il quitta le PCF qu’il avait rejoint dès sa création lorsque sa direction, sur instructions de l’Internationale, obligea ses adhérents de choisir entre lui et l’appartenance aux organisations bourgeoises. « Toujours porté par l’intérêt intellectuel et l’hostilité à tout dogme », il rejoignit l’Union rationaliste fondé par Paul Langevin et le physiologiste Roger en 1932. « La seule maxime qui me reste de lui ressemble plus pour moi à une liberté qu’à une contrainte : "Ne crois pas en Dieu !" ».

Arrêté le 12 décembre 1941 dans la grande rafle dite des « notables » des forces allemandes (assistées de policiers français) contre les juifs du département de la Seine, Benjamin Schatzman est interné à Royallieu, puis à Drancy, à Pithiviers, à Beaune-la-Rolande puis encore à Drancy d’où il est déporté par le convoi n°36 à Auschwitz le 23 septembre 1942. Il parvient, à Chalons-sur-Marne, à jeter du train un dernier message qu’un cheminot retrouva : « Nous sommes 45 dans un wagon à bestiaux, 25 femmes et enfants dont 9 sans parents… ».

Préfacés par Serge Klarsfeld, ses écrits d’internement dans les camps français ont été publiés en 2005 par les éditions Le Manuscrit dans la collection « Témoignages de la Shoah » de la Fondation pour la Mémoire de la Shoah, puis par les éditions Fayard l’année suivante (736 p., 25,40 €).

Vincent Duclert

 

28 avril 2012

L'affaire Bogdanoff. Une pétition de 170 scientifiques

Blog bog

Le site de la revue Ciel et Espace relaie la pétition de 170 scientifiques (au 28 avril) revendiquant leur « droit au blâme » des thèses des frères Bogdanoff. En voici le texte disponible sur http://www.cieletespace.fr/node/8909. Cette action collective assez inédite fait suite à un événement hors-du-commun, la condamnation au franc symbolique d’un astrophysicien du CNRS, Alain Riazuelo, après une plainte des frères Bogdanoff (ou Bogdanov, de leur nom de plume). Sylvestre Huet, le journaliste scientifique de Libération, qui avait déjà publié une première pétition de scientifiques sur le blog [sciences] du journal, relève ce matin dans un article du quotidien que la présidente de la 31e chambre correctionnelle du tribunal de grande instance de Paris, lors de ce procès, à la mi-mars, « s’était étonnée de la célérité avec laquelle le procureur avait traité le sujet, après un interrogatoire intimidant d’un officier de police à l’encontre d’Alain Riazuelo. A mots couverts, [elle] avait attribué ce comportement policier et judiciaire à la "notoriété" des frères Bogdanoff, en réalité leur proximité avec le pouvoir en place à l’Elysée » (Silvestre Huet, « Colère scientifique contre les Bogdanoff »). Le texte de la pétition inclut un mea-culpa de la part de la communauté scientifique dont certains membres ont pu se laisser aveugler par l’entregent des Bogdanoff. Notre collègue Fabien Besnard avait publié en février 2008, ici même sur le Blog des Livres, une critique salutaire de L’équation Bogdanov, Le secret de l’origine de l’Univers ?, de Lubos Motl (Presses de la Renaissance, 2008, 240 p., 19 €) dont nous redonnons le texte. A travers son mensuel et la fameuse rubrique pilotée par Luc Allemand « Touche pas à ma science », La Recherche a contribué aussi au « droit de blâme » des travaux des frères Bogdanoff.

L'"AFFAIRE BOGDANOFF" :
LIBERTE, SCIENCE ET JUSTICE,
DES SCIENTIFIQUES REVENDIQUENT LEUR DROIT AU BLAME

Nous, scientifiques signataires de cette lettre, souhaitons tout d'abord rappeler que l'analyse détaillée des thèses et articles publiés par les frères Bogdanoff a montré à l'envi qu'ils n'ont pas de valeur scientifique, comme il ressort entre autres d'un rapport du Comité National de la Recherche Scientifique, que le journal Marianne a récemment rendu public.

Rappelons aussi que ces thèses seraient pour l'essentiel un patchwork de travaux publiés antérieurement par d'autres auteurs, comme l'a admis leur directeur de thèse dans une interview de 2002 au Figaro.

Rappelons enfin que les dysfonctionnements de la communauté scientifique, qui ont abouti à ce que les frères Bogdanoff publient néanmoins des articles et obtiennent le grade de Docteur de l'Université de Bourgogne, ont été également analysés, par exemple dans un texte publié en 2002 par la Société Française de Physique, signé de son vice-président, et ont suscité de salutaires auto-critiques comme le "mea culpa" de certains membres de leurs jurys ou des éditeurs de la revue Classical and Quantum Gravity.

La communauté scientifique ne pouvait donc être plus claire dans son jugement, confirmé par le fait que les travaux des Bogdanoff n'ont pas eu d'impact sur le développement de la science, comme le prouve le très faible nombre de citations de leurs articles dans les banques de données scientifiques.

L'affaire aurait dû en rester là mais les deux frères ont réagi à ces appréciations négatives de la communauté scientifique par des attaques "ad hominem" par voie de presse, comme l'illustre par exemple un article de Paris-Match de septembre 2011, et par des attaques en justice, dont Alain Riazuelo vient de faire les frais.

Alain Riazuelo, chercheur du CNRS à l'Institut d'Astrophysique de Paris, avait pris connaissance d'une ébauche de la thèse de Grichka Bogdanoff que celui-ci avait envoyée à un collègue, et sur laquelle les frères Bogdanoff s'appuient dans leur livre «  Au commencement du temps  ». Après l'avoir analysée il l'a postée sur son site personnel. Mal lui en a pris: il a subi un interrogatoire policier et a été assigné en justice par Grichka Bogdanoff qui lui a intenté un procès, non pour en avoir critiqué le fond, mais pour avoir reproduit et diffusé ce document sans son autorisation. Cette diffusion a été considérée par la justice comme une entorse à la loi, bénigne vue la légèreté de la peine: Alain Riazuelo a été condamné à une amende avec sursis et un euro de dommages et intérêts.

Nous souhaitons d'abord dire ici que nous soutenons sans réserve Alain Riazuelo, qui a défendu la Science avec conviction, détermination et courage.

Nous souhaitons aussi dire avec force que cette décision de Justice ne doit en aucun cas être interprétée comme une condamnation de l'analyse qu'Alain Riazuelo a faite de ce document. Une telle analyse relève en effet de l'activité professionnelle des chercheurs dont un des rôles est d'étudier, de juger et, dans le cas présent de rejeter, tout travail se réclamant de leur domaine d'expertise.

De manière plus générale, la communauté scientifique a le droit, voire le devoir de blâme, lorsqu'il s'impose, et doit avoir la liberté de pouvoir argumenter ses jugements comme il lui semble, liberté qu'aucune pression, médiatique, policière ou judiciaire, ne doit altérer.

Nabila Aghanim (Institut d'Astrophysique Spatiale, Orsay), Aikel Ajmia (Université Paris Sud XI ), Evelyne Alecian (LESIA Observatoire de Paris-Meudon), Jean-Michel Alimi (CNRS - Observatoire de Paris-Meudon), Frédéric Arenou (GEPI Observatoire de Paris-Meudon), Jean-Luc Attéia (Université de Toulouse), Jean Audouze (CNRS-Institut d'Astrophysique de Paris), Christophe Balland (Université Paris Sud), David Baratoux (Université de Toulouse), Rémi Barbet-Massin (CPGE Henri IV Paris), Domingos Barbosa, (Radioastronomy Group, Institut de Télécommunications, Portugal), Didier Barret (CNRS Université de Toulouse), Frédéric Baudin (CNRS-Université Paris 11), Jean-Philippe Beaulieu (CNRS-Institut d'Astrophysique de Paris), Xavier Bekaert (Université de Tours), Raoul Behrend (Observatoire de Genève), Olivier Berné (CNRS Université Toulouse), Philippe Besse (Université de Toulouse), Matthieu Béthermin (CEA Saclay), Olivier Bienaymé (Observatoire astronomique de Strasbourg, CNRS, Université de Strasbourg), Guillaume Blanc (Université Paris 7), Alain Blanchard (Université de Toulouse), Luc Blanchet (CNRS-Institut d'Astrophysique de Paris), Céline Boehm (Durham University & LAPTH Université de Savoie), Patrick Boissé (Université Pierre et Marie Curie), Samuel Boissier (CNRS - Université Aix Marseille), Guillaume Bossard (CNRS - Ecole Polytechnique), Samuel Bottani (Université Paris Diderot), François R. Bouchet (CNRS-Institut d'Astrophysique de Paris), Jacques Le Bourlot (Professeur, Université Paris-Diderot & Observatoire de Paris), Philippe Brax (CEA Saclay), Edouard Brézin (LPT Ecole Normale Supérieure), Martin Bucher (Université Paris XI), Denis Burgarella (Laboratoire d'astrophysique de Marseille), Rémi Cabanac (Université de Toulouse), Damien Calaque (Université Claude Bernard Lyon 1), Pierre Cartier (CNRS - Université Paris-Diderot et IHES), Michel Cassé (CEA Saclay), Corinne Charbonnel (Université de Genève, Suisse, et CNRS-Toulouse), Yann Clénet (Observatoire de Paris), Suzy Collin-Zahn (Observatoire de Paris-Meudon), Stéphane Colombi (CNRS-UPMC), Francoise Combes (Observatoire de Paris), Vincent Coudé du Foresto (LESIA Observatoire de Paris), Morgane Cousin (Institut d'Astrophysique Spatiale, Orsay), Michel Crézé (Université de Bretagne Sud et Université Paris 7), Alain Cros (CNRS - Toulouse), Frédéric Daigne (Université Pierre et Marie Curie), Emmanuel Davoust (Université de Toulouse), Jean-Pierre Dedieu (Institut de Mathématiques de Toulouse), Claire Demuynck (Université Lille1), Karine Demyk (CNRS-Université de Toulouse), Nathalie Deruelle (CNRS-Paris 7), Joaquin Diaz-Alonso (LUTH Observatoire de Paris-Meudon), Hervé Dole, (Univ. Paris-Sud, CNRS), Noël Dolez (CNRS IRAP Observatoire Midi-Pyrénées), Marian Douspis (Institut d'Astrophysique Spatiale, Orsay), Chantal Duprez (Maître de conférences de physique en retraite), Ruth Durrer (Université de Genève), Christian Duthu (Observatoire du Pic du Midi), Michel Dyakonov (Université Montpellier 2), Jean Eisenstaedt, (Observatoire de Paris-CNRS), Gilles Esposito-Farese (Institut d'Astrophysique de Paris), Guillaume Faye, (CNRS Paris 6), Pierre Fayet (Ecole Normale Supérieure), François Forme, (Université Paul Sabatier, Toulouse), Pascal Fouqué (Université de Toulouse), Alexandre Gallenne (Observatoire de Paris), Anne-Lise Gautier (LESIA Observatoire de Paris), Mathieu Génois, (Université Paris Diderot), Martin.Giard (IRAP, CNRS-Université de Toulouse), Julien N. Girard (LESIA Observatoire de Paris-Meudon), Éric Gourgoulhon (Observatoire de Paris / CNRS / Université Paris Diderot), Philippe Grandclément (Observatoire de Paris), Jean-Pierre Guelfucci (Université Toulouse 3), Bruno Guillet (Universite de Caen Basse Normandie), Jean-Louis Heudier (Observatoire de la Cote d'Azur), Henk Hilhorst (Université Paris XI), Peter Horvathy (LMPT, Universite de Tours), Elsa Huby (LESIA Observatoire de Paris)), Cyril Hugonie (UM2, Montpellier), Emmanuel Humbert (Université de Tours), Pierre Jean (Université de Toulouse), Marc Knecht (CNRS - Université Aix-Marseille), Laurent Koechin (IRAP Université de Toulouse), Christoph Kopper (CPHT Ecole Polytechnique), Daniel Kunth (Institut d'Astrophysique de Paris), Jean-Michel Lamarre (LERMA, Observatoire de Paris), Xavier Lambert (Université de Toulouse II), Laurent Lamy (LESIA Observatoire de Paris), Jean-Pierre Lasota (CNRS-Institut d'Astrophysique de Paris), Julien Lavalle (CNRS- Université Montpellier II), Vincent Le Brun (Laboratoire d'Astrophysique de Marseille- Université d'Aix-Marseille), Michèle Leduc (Laboratoire Kastler Brossel CNRS), Alain Léger (Institut d'Astrophysique Spatiale, Orsay), Roland Lehoucq (CEA Saclay), Francois Lignières (Université de Toulouse), Marceau Limousin (Laboratoire d'astrophysique de Marseille), Raphaël Loubère (CNRS-Université de Toulouse), Brice Lousteau (Université de Toulouse), Jean-Pierre Luminet (CNRS-Observatoire de Paris-Meudon), Bruno Macke (Université Lille I -CNRS.), Jacques Magnen (CPT Ecole Polytechnique), Gary Mamon (Institut d'Astrophysique de Paris), Michel Marcellin (CNRS-LAM, Marseille), Jean-Baptiste Marquette (CNRS/UPMC - IAP), Jérome Martin (CNRS-Paris 6), Jean Matricon, Loïc Maurin (Université Paris-Diderot), Philippe Mathias (Université de Toulouse), Roya Mohayaee (Institut d'Astrophysique de Paris), Léonard Monsaingeon (Institut de Mathématiques de Toulouse), Miguel Montargès (Observatoire de Paris - Meudon), Bertrand Monthubert (Université de Toulouse)  , Patrick Mora (CNRS-Ecole polytechnique), Stéphane Munier (CNRS-École Polytechnique), André Neveu (UM2, Montpellier), Eric Nuss (LUPM, Université Montpellier 2), Alain Omont (CNRS-Institut d'Astrophysique de Paris), Henri Orland (IPhT CEA Saclay), Jean Orloff (Université Blaise Pascal de Clermont-Ferrand), François Pajot (CNRS-Université Paris Sud), Thibaut Paumard (Observatoire de Paris), Roser Pello (Université de Toulouse), Daniel Péquignot (Observatoire de Paris-Meudon), Guy Perrin (LESIA Observatoire de Paris), Jose-Philippe Perez (Université de Toulouse), Denis Pesme (CPT Ecole Polytechnique), Patrick Peter (CNRS-Institut d'Astrophysique de Paris), Patrick Petitjean (Institut d'Astrophysique de Paris), Bernard Pire (CPT Ecole Polytechnique), Cyril Pitrou (Institut d'Astrophysique de Paris), Etienne Pointecouteau (CNRS - Université de Toulouse), Jean-Loup Puget (Institut d'Astrophysique Spatiale, Orsay), Denis Puy, (Université des Sciences Montpellier II), Eric Ragoucy (CNRS-LAPTH Université de Savoie), Damien Rambaud (IRAP, Université de Toulouse), Laurent Ravera (CNRS - Université de Toulouse), Michel Rieutord (Université de Toulouse), Christophe Ringeval (Uniersité de Louvain), Françoise Roques (Observatoire de Paris-Meudon), Cyrille Rosset (CNRS-APC-Paris 7), Daniel Rouan (Observatoire de Paris-Meudon), Carlo Rovelli (Université Aix-Marseille), Lionel de Sá (CEA/DSM/SAp & LERMA Observatoire de Paris), Pierre Salati (Université de Savoie), Arnaud Sevin (LESIA Observatoire de Paris), Paul Sorba (LAPTH Université de Savoie), Geneviève Soucail (Université de Toulouse), Mark Spivakovsky, (CNRS-Institut de Mathématiques de Toulouse), Danièle Steer (Universite de Paris 7), Jean-Francois Sygnet (CNRS-Institut d'Astrophysique de Paris), Pascal J. Thomas (Institut de Mathématiques de Toulouse), Frank Thuillier (LAPTH Université de Savoie), Petar Todorov (Observatoire de Paris), Laurence Tresse (Laboratoire d'Astrophysique de Marseille), Marie Treyer (Laboratoire d'Astrophysique de Marseille), Jean-Philippe Uzan (CNRS-Institut d'Astrophysique de Paris), Bruno Vallette (Université de Nice Sophia-Antipolis), Charlotte Vastel (Observatoire Midi-Pyrénées), Sébastien Vauclair (Cosmodiff Toulouse), : Jean-Claude Vial (Institut d'Astrophysique Spatiale, Orsay), Alfred Vidal-Madjar (Emerite, IAP-CNRS-UPMC), Daniel Vignaud (Universite de Paris 7), Jacques Vigué (LCAR, CNRS - Université de Toulouse, UPS), Chrsitiane Vilain (LUTH Observatoire de Paris-Meudon), Loïc Villain (Université de Tours), Frédéric Vincent (Université Paris 7), Jean-Paul Zahn (Observatoire de Paris) , Yves Zolnierowski (Université de Savoie)

 

Fabien Besnard, EPF : « Le rayon "science" des grandes librairies, coincé entre "ésotérisme" et "développement personnel", était déjà encombré de la physique "Canada dry" des frères Bogdanov, mais voici qu’un ancien professeur à Harvard (c’est écrit sur la couverture), connu pour un site internet tout en nuances, prend leur défense. L’argumentation, si l’on tient à employer ce mot, est simple à résumer : seules les théories qui ont lien avec celle des cordes peuvent être cohérentes (p. 199), tout ceux qui prétendent le contraire sont des idiots (cf. p. 105 où l’auteur nous annonce en toute modestie être devenu une sorte "de messie" pour avoir prouvé une conjecture au sein d’une théorie adverse). Or les premiers à avoir relevé les absurdités des articles des Bogdanov n’étaient pas des théoriciens des cordes, par conséquent les Bogdanov méritent d’être défendus. Bref, les ennemis de mes ennemis sont mes amis, et il n’en fallait pas plus au Pr. Motl (vous ai-je dit qu’il avait enseigné à Harvard ?) pour signer un livre à la gloire des jumeaux. Le style de l’auteur, qu’on pourrait comparer à celui d’un guide pour touristes japonais (à gauche la lunette de Galilée,  à droite la pomme de Newton ), le petit ton supérieur en plus, est parfois très bogdanovien, notamment dans l’introduction, toute en emphase ("les secrets ultimes de l’univers") et en bourdes ("Alexander Euler"). Brisons le suspense : vous ne trouverez nulle trace d’équation Bogdanov dans ce livre. Mais en le refermant, vous aurez définitivement résolu l’équation Motl. »

V.D.

 

 
25 avril 2012

Le Front national : à la conquête du pouvoir ?

Blog dézé
Du Front national à ses électeurs, les interrogations sont nombreuses dans cet entre-deux-tours de l’élection présidentielle. Maître de conférences en science politique à l’Université Montpellier 1 et chercheur au CEPEL, Alexandre Dézé a publié au mois de février dernier une étude substantielle sur l'évolution du parti frontiste, préfacée par Nonna Mayer (Armand Colin, coll. « Eléments de réponse », 192 p., 18 €). Cette question de la transformation du Front national permet à l’auteur de réfléchir à son avenir en fournissant un bilan critique de la stratégie de « normalisation » (ou de « dédiabolisation ») entreprise par sa nouvelle présidente Marine Le Pen. La mise en œuvre d’une telle stratégie implique notamment à terme l’abandon des référents identitaires les plus radicaux du parti. Or, l’organisation frontiste ne s'est jamais complètement résolue à franchir ce cap, sinon de manière ponctuelle lors des élections régionales de 1998 (les accords locaux avec la droite s’étaient alors conclus sur la base d’un programme minimum commun dans lequel le FN avait renoncé à la préférence nationale). Marine Le Pen a certes commencé à prendre ses distances avec certaines positions défendues par son père. Par ailleurs, le débat sur la transformation du FN a été lancé dans les médias depuis un an. Mais d’une part, le programme du Front national reste pour l’heure inchangé, et d’autre part, il ne faut pas oublier que le FN ne constitue pas un parti unifié et homogène. Deux handicaps qui peuvent nuire à son avenir immédiat, notamment en termes d’alliances électorales. Répondant hier à l’AFP qui l’interrogeait sur les chances de voir le Front national capitaliser son bon résultat du premier tour de la présidentielle aux législatives de juin, un « 3e tour » dont il veut sortir avec des députés, tout en appuyant sur les plaies de l'UMP, Alexandre Dézé rappelait que « ce n'est pas la première fois que le FN veut se positionner en leader de l'opposition de droite [...] C'est exactement ce sur quoi misait Jean-Marie Le Pen face à la droite RPR-UDF ».

Vincent Duclert

 

21 avril 2012

Tranches de vie....politique

Blog pommier
Déjà auteur en 2010 au Seuil de Mots en toc et formules en tic, le journaliste Frédéric Pommier (France Inter) s’est amusé, dans Paroles, paroles (206 p., 14€), à suivre le destin des « formules de nos politiques », en cinquante tableaux de la vie de gens de tous les jours. On va de l’ « allégraisse » (« dégraisser le mammouth ») à la « zadigetvoltaire », en passant par la « hollandonormie » (« normal ») et la « méluche » (« Je prends tout »). Le tout se termine par « quelques conseils langagiers à l’usage de ceux qui voudraient se lancer en politique ». Nul doute que les mois qui séparent sa sortie (en février 2012) au lendemain du second tour pourraient fournir de substantiels enrichissements. On prend beaucoup de plaisir à lire du Pommier, autant qu’à l’écouter.

 

Blog treps
Après les noms communs, les noms propres déclinés en expressions toujours loufoques, parfois affectueuses, souvent ravageuses. On se souviendra longtemps de la « Porsche tranquille » qui annonçait les événements à venir. Sémiologue au CNRS, Marie Treps a recensé et étudié les surnoms des hommes politiques dans La rançon de la gloire (Seuil, 158 p., 13,50 €). Certains ont survécu, d’autres ont disparu. Ils ne sont pas uniques. Chaque examen des principaux hommes politiques français rappelle le spectre très large des surnoms dont ils ont été affublés. Le surnom est au verbe ce que la caricature est au dessin, avec un fond de vérité et beaucoup de satire, occurence cruelle et parfois décisives : on se souviendra de « Tonton » portant Mitterrand à la victoire en 1988 (« Tonton, laisse pas béton » du chanteur Renaud qui avait acheté une pleine page du Matin de Paris pour déclarer sa flamme au candidat). Auparavant, comme le rappelle Marie Treps, Mitterrand avait accumulé et parfois cumulé les surnoms, de « Fanfan la manœuvre » à « Mimi l’Amoroso ». Et « Tonton » d’être ensuite décliné, et jusqu’au « Tonton Rémi » (pour RMI). L’auteur prouve une belle connaissance de la vie politique des cinquante dernières années, en contextualisant avec doigté et humour tous ces surnoms, en recherchant leurs origines et même leur paternité. Pour le « "Dix minutes douche comprise" qui a fait couler beaucoup d’encre », elle fait l’unanimité : « cela vient son chauffeur ».

Vincent Duclert

18 avril 2012

Séquence BD. Alger la noire

Blog alger Ferr
Dans les imaginaires, Alger demeure « la blanche ». Chez Casterman, avec l’album de Ferrandez et Attia, elle est « la noire ». C’est un ouvrage exceptionnel. Déjà le dessin de Jacques Ferrandez, qui représente la violence, la mort, avec autant de justesse et de force que l’amour, la passion, auteur de la série Carnet d’Orient, mais aussi de L’Hôte inspiré de la nouvelle de Camus dont nous avons rendu compte dans L’Ours. Et le scénario de Maurice Attia, auteur en 2006 chez Actes Sud d’Alger la noire. Dans une ambiance de fin du monde, au moment où l’Algérie bascule dans l’indépendance mais aussi dans la guerre civile entre Français, où les familles, les communautés, les histoires se déchirent, subissent le massacre et l’annihilation, où Alger retentit des attentats de l’OAS et rejette sans relâche des corps atrocement mutilés, un jeune inspecteur du commissariat d’Alger tente de résoudre le meurtre d’une jeune Européenne et d’un jeune étudiant de père algérien et de mère bretonne. Acharné à comprendre et à découvrir, Paco va plonger dans sa propre histoire, explorer l’histoire de toute l’Algérie française. Et maintenir un espoir dans cette quête obstinée de la vérité. C’est un album que je recommande chaudement, ne serait-ce que pour cette conviction démontrée par l’image et les mots, que les histoires individuelles ne disent pas seulement la grande histoire mais qu’elles permettent parfois d’en retirer quelque peu le tragique et le désastre.

Vincent Duclert

132 p., 18 €

17 avril 2012

La démocratie dématérialisée

Blog ol gh
Le temps des élections est aussi celui de l’interrogation sur le vote, ses règles, ses pratiques,… et ses techniques. Le vote électronique n’a pas encore été adopté par la France. Des freins même ont été opposés à son introduction comme le mentionne Laurence Favier qui a dirigé le numéro du Genre humain sur La démocratie dématérialisée (Le Seuil, 175 p., 15 €). La dématérialisation du vote qui en est la manifestation la plus radicale induit un bouleversement des pratiques et des représentations de la citoyenneté politique qu’analyse l’ensemble des contributions introduites par Milad Doueihi. Car le vote électronique est loin de n'être qu’une affaire de technique. Il se confronte à des imaginaires tout en s’attachant à d’autres. Il oblige à de nouveaux modes de confiance.

« Le vote électronique est une étape cruciale de notre évolution vers une civilisation numérique, explique le préfacier. Il implique de nouvelles formes de responsabilité et a besoin de nouvelles compétences. Que ce soit du point de vue du législateur ou de celui de l’électeur, le vote électronique nous rappelle qu’une technique devenue culture invite à un nouveau regard sur notre démocratie ».

Vincent Duclert

 

11 avril 2012

La France noire

Blog pap
Les Noirs en France ont été longtemps invisibles pour la nation, toujours considérés comme étrangers, jamais rapportés à la connaissance ou à la compréhension du pays. La condition noire, essai sur une minorité française, du chercheur Pap Ndiaye, a étudié cette situation paradoxale de Français jamais reconnus comme tels (Calmann-Lévy, 2007, 435 p., 21,85 €).

Blog noire
Les Noirs sont pourtant très visibles en France, présents sur les images qui disent et font la nation, mais jamais regardés comme tels, dans leur inscription française. C’est l’objet du très beau livre illustré, publié par les éditions La Découverte sous la direction du spécialiste Pascal Blanchard, La France noire. Trois siècles de présences des Afriques, des Caraïbes, de l’océan indien & d’Océanie (359 p., 59 €). Car les Noirs de France ont aussi une histoire, des origines, des identités, qui sont françaises autant qu’africaines, américaines, indiennes, océaniennes. Leur présence en France transforme ce pays et lui donne une profondeur, une ouverture et des dimensions qu’il serait temps aujourd’hui de reconnaître comme il serait nécessaire de comprendre le refus de penser la condition noire en France depuis sa naissance.

Vincent Duclert

 

10 avril 2012

La France avant la France

Blog france
Quand commence la France ? Vaste question que le premier volume de l’Histoire de France publiée par les éditions Belin assume au travers d'un réexamen de la séquence 481-888. Pour les deux auteurs, Geneviève Bührer-Thierry et Charles Mériaux, si l’accès au trône du premier « roi des Francs » Clovis en 481 ou 482 et la naissance de la royauté franque marquent bien « le début de l’histoire de "France", il faut cependant attendre l’année 888 lorsque se désagrège définitivement l’unité franque à la suite du règne de l’empereur Charles le Gros, pour constater que l’histoire du royaume de Francie occidentale diffère de celle des autres royaumes nés du partage de Verdun de 843. L’histoire de France ne se confond plus avec celle des Francs. De 482 à 888, c’est donc à suivre cette histoire singulière de la France avant la France que le lecteur ait invité. » Il y trouvera notamment une importante réévaluation du rôle des « invasions barbares », comme le note Jean-Louis Biget qui a dirigé le volume. Il s’agit d’une erreur de perspective et d’un abus de langage : « en effet, les Goths et les Francs, romanisés de longue date et de plus très minoritaires, n’ont pas détruit l’héritage romain, mais ils en ont assuré la permanence en Gaule ». Si bien que l’Antiquité tardive se prolonge jusqu’en 600/630 en Gaule, tout en permettant une évolution vers le monde franc. Cette mutation se réalise dans un contexte intellectuel et culturel également réévalué par les deux auteurs. Cette période ne correspond « nullement au degré zéro de la culture. Tout au contraire, elle assume un rôle primordial dans la transmission d’une grande part de la littérature latine à l’Occident des temps futurs » – comme en atteste la belle iconographie de La France avant la France (687 p., 36 €).

Vincent Duclert

05 avril 2012

Cette France-là

Blog cette fr
L’équipe de « Cette France-là » réunit des chercheurs engagés qui ont décidé d’autopsier la politique d’immigration afin d’en montrer la dimension de profonde inhumanité jusqu'à son application concrète sur le terrain et la manière dont elle finit par imprégner toute l'identité du pays. Elle a produit en 2009 et en 2010 deux épais volumes, tel un « inventaire raisonné », publiés par les éditions La Découverte. Celles-ci proposent aujourd’hui deux nouveaux volumes s’attachant à la base et au sommet de la politique du gouvernement. Sans-papiers & préfets (160 p., 12 €) s’intéresse aux pratiques d’une administration mobilisée sur l’objectif des arrestations et des reconduites à la frontière. Cette « culture du résultat » est brossée en portraits tant d’expulsés que d’artisans des expulsions. Il s’agit à chaque fois d’enquêtes précises qui soulignent comment la politique du chiffre méconnaît souvent la légalité et oblige ceux qui sont chargés d’appliquer le droit à l’oublier souvent. L’ouvrage s’intéresse aux manifestations de zèle à tout niveau. Elles dénotent un glissement vers une indifférence coupable aux dimensions tragiques des situations et le renoncement à l’esprit du droit protecteur. Beaucoup des informations recueillies dans le livre proviennent des associations qui, sur le terrain, Cimade, Réseau éducation sans frontières, agissent comme les derniers remparts des contre-pouvoirs nécessaires en démocratie. Quant à Xénophobie d’en haut. Le choix d’une droite éhontée (190 p., 12 €), il fait le bilan à charge d’un quinquennat dominé par une approche répressive de l’immigration. Si la démonstration est souvent réussie, toute la question demeure de savoir comment parler à l’ensemble des Français de cette politique restée souvent invisible. Du moins ces deux nouvelles études de « Cette France-là » contribuent à la rendre visible.

Vincent Duclert

03 avril 2012

Quatre-vingt-treize, banlieues de la République

Blog kepel
En 1987, Gilles Kepel, spécialiste du Moyen-Orient arabe (et professeur à Sciences-po) avait fait événement en publiant au Seuil Banlieues de l’islam (Naissance d’une religion en France), début d’une longue séquence d'étude qu’il clôt aujourd’hui par deux ouvrages édités cette fois chez Gallimard, une enquête collective dont il a pris la direction, Banlieue de la République. Société, politique et religion à Clichy-sous-Bois et Montfermeil (rendue publique par l’Institut Montaigne en 2011), et un essai, Quatre-vingt-treize (322 p., 21 €). Dans des pages qui convoquent de nombreuses références d’actualité, Gilles Kepel dresse un état sombre des banlieues de la République où s’affirment tout autant les « tentations du repli » qu’un « islamisme exacerbé et décomplexé ». Mais les logiques ne sont pas définitives. Pour que les jeunes musulmans/nes né/es en France, souvent très éduqué/es, puissent contribuer pleinement à l’évolution sociale et politique de la France (et ce serait une chance pour elle autant que pour eux/elles), deux conditions sont exigées, explique Gilles Kepel. « Au premier chef l’accès au marché de l’emploi ». Et aussi l’entrée dans la représentation nationale. Sans cela, il est à craindre que l’exacerbation du sentiment religieux se poursuive. Plutôt que de favoriser un dangereux pis-aller, autant travailler à ce renouveau démocratique dans la République.

Vincent Duclert