Le site de la revue Ciel et Espace relaie la pétition de 170 scientifiques (au 28 avril) revendiquant leur « droit au blâme » des thèses des frères Bogdanoff. En voici le texte disponible sur http://www.cieletespace.fr/node/8909. Cette action collective assez inédite fait suite à un événement hors-du-commun, la condamnation au franc symbolique d’un astrophysicien du CNRS, Alain Riazuelo, après une plainte des frères Bogdanoff (ou Bogdanov, de leur nom de plume). Sylvestre Huet, le journaliste scientifique de Libération, qui avait déjà publié une première pétition de scientifiques sur le blog [sciences] du journal, relève ce matin dans un article du quotidien que la présidente de la 31e chambre correctionnelle du tribunal de grande instance de Paris, lors de ce procès, à la mi-mars, « s’était étonnée de la célérité avec laquelle le procureur avait traité le sujet, après un interrogatoire intimidant d’un officier de police à l’encontre d’Alain Riazuelo. A mots couverts, [elle] avait attribué ce comportement policier et judiciaire à la "notoriété" des frères Bogdanoff, en réalité leur proximité avec le pouvoir en place à l’Elysée » (Silvestre Huet, « Colère scientifique contre les Bogdanoff »). Le texte de la pétition inclut un mea-culpa de la part de la communauté scientifique dont certains membres ont pu se laisser aveugler par l’entregent des Bogdanoff. Notre collègue Fabien Besnard avait publié en février 2008, ici même sur le Blog des Livres, une critique salutaire de L’équation Bogdanov, Le secret de l’origine de l’Univers ?, de Lubos Motl (Presses de la Renaissance, 2008, 240 p., 19 €) dont nous redonnons le texte. A travers son mensuel et la fameuse rubrique pilotée par Luc Allemand « Touche pas à ma science », La Recherche a contribué aussi au « droit de blâme » des travaux des frères Bogdanoff.
L'"AFFAIRE BOGDANOFF" :
LIBERTE, SCIENCE ET JUSTICE,
DES SCIENTIFIQUES REVENDIQUENT LEUR DROIT AU BLAME
Nous, scientifiques signataires de cette lettre, souhaitons tout d'abord rappeler que l'analyse détaillée des thèses et articles publiés par les frères Bogdanoff a montré à l'envi qu'ils n'ont pas de valeur scientifique, comme il ressort entre autres d'un rapport du Comité National de la Recherche Scientifique, que le journal Marianne a récemment rendu public.
Rappelons aussi que ces thèses seraient pour l'essentiel un patchwork de travaux publiés antérieurement par d'autres auteurs, comme l'a admis leur directeur de thèse dans une interview de 2002 au Figaro.
Rappelons enfin que les dysfonctionnements de la communauté scientifique, qui ont abouti à ce que les frères Bogdanoff publient néanmoins des articles et obtiennent le grade de Docteur de l'Université de Bourgogne, ont été également analysés, par exemple dans un texte publié en 2002 par la Société Française de Physique, signé de son vice-président, et ont suscité de salutaires auto-critiques comme le "mea culpa" de certains membres de leurs jurys ou des éditeurs de la revue Classical and Quantum Gravity.
La communauté scientifique ne pouvait donc être plus claire dans son jugement, confirmé par le fait que les travaux des Bogdanoff n'ont pas eu d'impact sur le développement de la science, comme le prouve le très faible nombre de citations de leurs articles dans les banques de données scientifiques.
L'affaire aurait dû en rester là mais les deux frères ont réagi à ces appréciations négatives de la communauté scientifique par des attaques "ad hominem" par voie de presse, comme l'illustre par exemple un article de Paris-Match de septembre 2011, et par des attaques en justice, dont Alain Riazuelo vient de faire les frais.
Alain Riazuelo, chercheur du CNRS à l'Institut d'Astrophysique de Paris, avait pris connaissance d'une ébauche de la thèse de Grichka Bogdanoff que celui-ci avait envoyée à un collègue, et sur laquelle les frères Bogdanoff s'appuient dans leur livre « Au commencement du temps ». Après l'avoir analysée il l'a postée sur son site personnel. Mal lui en a pris: il a subi un interrogatoire policier et a été assigné en justice par Grichka Bogdanoff qui lui a intenté un procès, non pour en avoir critiqué le fond, mais pour avoir reproduit et diffusé ce document sans son autorisation. Cette diffusion a été considérée par la justice comme une entorse à la loi, bénigne vue la légèreté de la peine: Alain Riazuelo a été condamné à une amende avec sursis et un euro de dommages et intérêts.
Nous souhaitons d'abord dire ici que nous soutenons sans réserve Alain Riazuelo, qui a défendu la Science avec conviction, détermination et courage.
Nous souhaitons aussi dire avec force que cette décision de Justice ne doit en aucun cas être interprétée comme une condamnation de l'analyse qu'Alain Riazuelo a faite de ce document. Une telle analyse relève en effet de l'activité professionnelle des chercheurs dont un des rôles est d'étudier, de juger et, dans le cas présent de rejeter, tout travail se réclamant de leur domaine d'expertise.
De manière plus générale, la communauté scientifique a le droit, voire le devoir de blâme, lorsqu'il s'impose, et doit avoir la liberté de pouvoir argumenter ses jugements comme il lui semble, liberté qu'aucune pression, médiatique, policière ou judiciaire, ne doit altérer.
Nabila Aghanim (Institut d'Astrophysique Spatiale, Orsay), Aikel Ajmia (Université Paris Sud XI ), Evelyne Alecian (LESIA Observatoire de Paris-Meudon), Jean-Michel Alimi (CNRS - Observatoire de Paris-Meudon), Frédéric Arenou (GEPI Observatoire de Paris-Meudon), Jean-Luc Attéia (Université de Toulouse), Jean Audouze (CNRS-Institut d'Astrophysique de Paris), Christophe Balland (Université Paris Sud), David Baratoux (Université de Toulouse), Rémi Barbet-Massin (CPGE Henri IV Paris), Domingos Barbosa, (Radioastronomy Group, Institut de Télécommunications, Portugal), Didier Barret (CNRS Université de Toulouse), Frédéric Baudin (CNRS-Université Paris 11), Jean-Philippe Beaulieu (CNRS-Institut d'Astrophysique de Paris), Xavier Bekaert (Université de Tours), Raoul Behrend (Observatoire de Genève), Olivier Berné (CNRS Université Toulouse), Philippe Besse (Université de Toulouse), Matthieu Béthermin (CEA Saclay), Olivier Bienaymé (Observatoire astronomique de Strasbourg, CNRS, Université de Strasbourg), Guillaume Blanc (Université Paris 7), Alain Blanchard (Université de Toulouse), Luc Blanchet (CNRS-Institut d'Astrophysique de Paris), Céline Boehm (Durham University & LAPTH Université de Savoie), Patrick Boissé (Université Pierre et Marie Curie), Samuel Boissier (CNRS - Université Aix Marseille), Guillaume Bossard (CNRS - Ecole Polytechnique), Samuel Bottani (Université Paris Diderot), François R. Bouchet (CNRS-Institut d'Astrophysique de Paris), Jacques Le Bourlot (Professeur, Université Paris-Diderot & Observatoire de Paris), Philippe Brax (CEA Saclay), Edouard Brézin (LPT Ecole Normale Supérieure), Martin Bucher (Université Paris XI), Denis Burgarella (Laboratoire d'astrophysique de Marseille), Rémi Cabanac (Université de Toulouse), Damien Calaque (Université Claude Bernard Lyon 1), Pierre Cartier (CNRS - Université Paris-Diderot et IHES), Michel Cassé (CEA Saclay), Corinne Charbonnel (Université de Genève, Suisse, et CNRS-Toulouse), Yann Clénet (Observatoire de Paris), Suzy Collin-Zahn (Observatoire de Paris-Meudon), Stéphane Colombi (CNRS-UPMC), Francoise Combes (Observatoire de Paris), Vincent Coudé du Foresto (LESIA Observatoire de Paris), Morgane Cousin (Institut d'Astrophysique Spatiale, Orsay), Michel Crézé (Université de Bretagne Sud et Université Paris 7), Alain Cros (CNRS - Toulouse), Frédéric Daigne (Université Pierre et Marie Curie), Emmanuel Davoust (Université de Toulouse), Jean-Pierre Dedieu (Institut de Mathématiques de Toulouse), Claire Demuynck (Université Lille1), Karine Demyk (CNRS-Université de Toulouse), Nathalie Deruelle (CNRS-Paris 7), Joaquin Diaz-Alonso (LUTH Observatoire de Paris-Meudon), Hervé Dole, (Univ. Paris-Sud, CNRS), Noël Dolez (CNRS IRAP Observatoire Midi-Pyrénées), Marian Douspis (Institut d'Astrophysique Spatiale, Orsay), Chantal Duprez (Maître de conférences de physique en retraite), Ruth Durrer (Université de Genève), Christian Duthu (Observatoire du Pic du Midi), Michel Dyakonov (Université Montpellier 2), Jean Eisenstaedt, (Observatoire de Paris-CNRS), Gilles Esposito-Farese (Institut d'Astrophysique de Paris), Guillaume Faye, (CNRS Paris 6), Pierre Fayet (Ecole Normale Supérieure), François Forme, (Université Paul Sabatier, Toulouse), Pascal Fouqué (Université de Toulouse), Alexandre Gallenne (Observatoire de Paris), Anne-Lise Gautier (LESIA Observatoire de Paris), Mathieu Génois, (Université Paris Diderot), Martin.Giard (IRAP, CNRS-Université de Toulouse), Julien N. Girard (LESIA Observatoire de Paris-Meudon), Éric Gourgoulhon (Observatoire de Paris / CNRS / Université Paris Diderot), Philippe Grandclément (Observatoire de Paris), Jean-Pierre Guelfucci (Université Toulouse 3), Bruno Guillet (Universite de Caen Basse Normandie), Jean-Louis Heudier (Observatoire de la Cote d'Azur), Henk Hilhorst (Université Paris XI), Peter Horvathy (LMPT, Universite de Tours), Elsa Huby (LESIA Observatoire de Paris)), Cyril Hugonie (UM2, Montpellier), Emmanuel Humbert (Université de Tours), Pierre Jean (Université de Toulouse), Marc Knecht (CNRS - Université Aix-Marseille), Laurent Koechin (IRAP Université de Toulouse), Christoph Kopper (CPHT Ecole Polytechnique), Daniel Kunth (Institut d'Astrophysique de Paris), Jean-Michel Lamarre (LERMA, Observatoire de Paris), Xavier Lambert (Université de Toulouse II), Laurent Lamy (LESIA Observatoire de Paris), Jean-Pierre Lasota (CNRS-Institut d'Astrophysique de Paris), Julien Lavalle (CNRS- Université Montpellier II), Vincent Le Brun (Laboratoire d'Astrophysique de Marseille- Université d'Aix-Marseille), Michèle Leduc (Laboratoire Kastler Brossel CNRS), Alain Léger (Institut d'Astrophysique Spatiale, Orsay), Roland Lehoucq (CEA Saclay), Francois Lignières (Université de Toulouse), Marceau Limousin (Laboratoire d'astrophysique de Marseille), Raphaël Loubère (CNRS-Université de Toulouse), Brice Lousteau (Université de Toulouse), Jean-Pierre Luminet (CNRS-Observatoire de Paris-Meudon), Bruno Macke (Université Lille I -CNRS.), Jacques Magnen (CPT Ecole Polytechnique), Gary Mamon (Institut d'Astrophysique de Paris), Michel Marcellin (CNRS-LAM, Marseille), Jean-Baptiste Marquette (CNRS/UPMC - IAP), Jérome Martin (CNRS-Paris 6), Jean Matricon, Loïc Maurin (Université Paris-Diderot), Philippe Mathias (Université de Toulouse), Roya Mohayaee (Institut d'Astrophysique de Paris), Léonard Monsaingeon (Institut de Mathématiques de Toulouse), Miguel Montargès (Observatoire de Paris - Meudon), Bertrand Monthubert (Université de Toulouse) , Patrick Mora (CNRS-Ecole polytechnique), Stéphane Munier (CNRS-École Polytechnique), André Neveu (UM2, Montpellier), Eric Nuss (LUPM, Université Montpellier 2), Alain Omont (CNRS-Institut d'Astrophysique de Paris), Henri Orland (IPhT CEA Saclay), Jean Orloff (Université Blaise Pascal de Clermont-Ferrand), François Pajot (CNRS-Université Paris Sud), Thibaut Paumard (Observatoire de Paris), Roser Pello (Université de Toulouse), Daniel Péquignot (Observatoire de Paris-Meudon), Guy Perrin (LESIA Observatoire de Paris), Jose-Philippe Perez (Université de Toulouse), Denis Pesme (CPT Ecole Polytechnique), Patrick Peter (CNRS-Institut d'Astrophysique de Paris), Patrick Petitjean (Institut d'Astrophysique de Paris), Bernard Pire (CPT Ecole Polytechnique), Cyril Pitrou (Institut d'Astrophysique de Paris), Etienne Pointecouteau (CNRS - Université de Toulouse), Jean-Loup Puget (Institut d'Astrophysique Spatiale, Orsay), Denis Puy, (Université des Sciences Montpellier II), Eric Ragoucy (CNRS-LAPTH Université de Savoie), Damien Rambaud (IRAP, Université de Toulouse), Laurent Ravera (CNRS - Université de Toulouse), Michel Rieutord (Université de Toulouse), Christophe Ringeval (Uniersité de Louvain), Françoise Roques (Observatoire de Paris-Meudon), Cyrille Rosset (CNRS-APC-Paris 7), Daniel Rouan (Observatoire de Paris-Meudon), Carlo Rovelli (Université Aix-Marseille), Lionel de Sá (CEA/DSM/SAp & LERMA Observatoire de Paris), Pierre Salati (Université de Savoie), Arnaud Sevin (LESIA Observatoire de Paris), Paul Sorba (LAPTH Université de Savoie), Geneviève Soucail (Université de Toulouse), Mark Spivakovsky, (CNRS-Institut de Mathématiques de Toulouse), Danièle Steer (Universite de Paris 7), Jean-Francois Sygnet (CNRS-Institut d'Astrophysique de Paris), Pascal J. Thomas (Institut de Mathématiques de Toulouse), Frank Thuillier (LAPTH Université de Savoie), Petar Todorov (Observatoire de Paris), Laurence Tresse (Laboratoire d'Astrophysique de Marseille), Marie Treyer (Laboratoire d'Astrophysique de Marseille), Jean-Philippe Uzan (CNRS-Institut d'Astrophysique de Paris), Bruno Vallette (Université de Nice Sophia-Antipolis), Charlotte Vastel (Observatoire Midi-Pyrénées), Sébastien Vauclair (Cosmodiff Toulouse), : Jean-Claude Vial (Institut d'Astrophysique Spatiale, Orsay), Alfred Vidal-Madjar (Emerite, IAP-CNRS-UPMC), Daniel Vignaud (Universite de Paris 7), Jacques Vigué (LCAR, CNRS - Université de Toulouse, UPS), Chrsitiane Vilain (LUTH Observatoire de Paris-Meudon), Loïc Villain (Université de Tours), Frédéric Vincent (Université Paris 7), Jean-Paul Zahn (Observatoire de Paris) , Yves Zolnierowski (Université de Savoie)
Fabien Besnard, EPF : « Le rayon "science" des grandes librairies, coincé entre "ésotérisme" et "développement personnel", était déjà encombré de la physique "Canada dry" des frères Bogdanov, mais voici qu’un ancien professeur à Harvard (c’est écrit sur la couverture), connu pour un site internet tout en nuances, prend leur défense. L’argumentation, si l’on tient à employer ce mot, est simple à résumer : seules les théories qui ont lien avec celle des cordes peuvent être cohérentes (p. 199), tout ceux qui prétendent le contraire sont des idiots (cf. p. 105 où l’auteur nous annonce en toute modestie être devenu une sorte "de messie" pour avoir prouvé une conjecture au sein d’une théorie adverse). Or les premiers à avoir relevé les absurdités des articles des Bogdanov n’étaient pas des théoriciens des cordes, par conséquent les Bogdanov méritent d’être défendus. Bref, les ennemis de mes ennemis sont mes amis, et il n’en fallait pas plus au Pr. Motl (vous ai-je dit qu’il avait enseigné à Harvard ?) pour signer un livre à la gloire des jumeaux. Le style de l’auteur, qu’on pourrait comparer à celui d’un guide pour touristes japonais (à gauche la lunette de Galilée, à droite la pomme de Newton ), le petit ton supérieur en plus, est parfois très bogdanovien, notamment dans l’introduction, toute en emphase ("les secrets ultimes de l’univers") et en bourdes ("Alexander Euler"). Brisons le suspense : vous ne trouverez nulle trace d’équation Bogdanov dans ce livre. Mais en le refermant, vous aurez définitivement résolu l’équation Motl. »
V.D.