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29 avril 2012 |

Le journal des camps de Benjamin Schatzman

Par la loi du 14 avril 1954, la République française a décidé d'honorer la mémoire des victimes de la déportation, en particulier des déportés de France dans les camps de concentration ou d'extermination nazis. Chaque année, le dernier dimanche d'avril est consacré « Journée nationale du souvenir des victimes et des héros de la déportation ». Parmi eux, de nombreux étrangers présents sur le sol français, ou des Français nés étrangers, livrés par les autorités légales à l’Allemagne nazie. Ce fut le cas, par exemple, de Benjamin Schatzman, dentiste et professeur d’inlays et porcelaine à l’Ecole odontotechnique.

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Né le 5 janvier 1877 à Tulcea en Roumanie, il meurt le 28 septembre 1942 au camp d’Auschwitz en Pologne occupée. Père de l’astrophysicien Evry Schatzman, Benjamin Schatzman a grandi dans une famille juive du Danube ottoman. Son père, étameur, remplissait dans la communauté les fonctions de scheret (celui qui s’assure que les animaux ont été tués de façon rituelle). « En 1882, attiré par le mouvement des Amants de Sion, mon grand-père quitte Tulcea pour venir en Palestine », raconte Evry Schatzman dans la Science menacée (Odile Jacob, 1989, p. 22)

 

[...]. A l’école de Ziqron, mon père obtint le brevet supérieur. Très bon élève, il est envoyé étudier l’agronomie à Grignon en 1896. » L’arrivée en France est un choc pour le jeune homme : « Il venait d’un petit village palestinien encore très pauvre et découvrait Paris, les remous de l’affaire Dreyfus, la bataille des Droits de l’homme, les courants politiques français, socialiste en particulier. La tradition religieuse a été vite ébranlée en lui ». Après un stage de six mois en Algérie en 1899, il revint en Palestine. Mais, malade de la malaria et désormais éloigné de la religion, il décida de quitter la Palestine, d’abord pour la Nouvelle-Zélande où il rencontra là-bas la tradition travailliste anglo-saxonne qui certainement aida à faire de lui, à son retour en France, un socialiste convaincu ». Installé à Paris en 1905, il s’intégra rapidement à la société française : diplômé de l’Ecole odontotechnique en 1908, naturalisé français, marié à Cécile Kahn, il exerça la profession de dentiste et de professeur jusqu’à son arrestation en 1941. Fidèle toute sa vie à la Ligue des droits de l’homme, il quitta le PCF qu’il avait rejoint dès sa création lorsque sa direction, sur instructions de l’Internationale, obligea ses adhérents de choisir entre lui et l’appartenance aux organisations bourgeoises. « Toujours porté par l’intérêt intellectuel et l’hostilité à tout dogme », il rejoignit l’Union rationaliste fondé par Paul Langevin et le physiologiste Roger en 1932. « La seule maxime qui me reste de lui ressemble plus pour moi à une liberté qu’à une contrainte : "Ne crois pas en Dieu !" ».

Arrêté le 12 décembre 1941 dans la grande rafle dite des « notables » des forces allemandes (assistées de policiers français) contre les juifs du département de la Seine, Benjamin Schatzman est interné à Royallieu, puis à Drancy, à Pithiviers, à Beaune-la-Rolande puis encore à Drancy d’où il est déporté par le convoi n°36 à Auschwitz le 23 septembre 1942. Il parvient, à Chalons-sur-Marne, à jeter du train un dernier message qu’un cheminot retrouva : « Nous sommes 45 dans un wagon à bestiaux, 25 femmes et enfants dont 9 sans parents… ».

Préfacés par Serge Klarsfeld, ses écrits d’internement dans les camps français ont été publiés en 2005 par les éditions Le Manuscrit dans la collection « Témoignages de la Shoah » de la Fondation pour la Mémoire de la Shoah, puis par les éditions Fayard l’année suivante (736 p., 25,40 €).

Vincent Duclert

 

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