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15/07/2014 |

LE RETOUR DE L'OURS POLAIRE

Une controverse "cosmologique" vient de voir le jour, une de ces questions à polémique dont les astrophysiciens ont le secret : les chercheurs de l’expérience Bicep ont annoncé récemment avoirBiceps2-3 effectué la première détection directe d'ondes gravitationnelles primordiales, projetées sur le Fond Diffus Cosmologique (CMB). Les résultats annoncés demandent pourtant à être confirmés, le signal détecté générant certains doutes dont des chercheurs se sont faits l'écho il y a peu de temps, ce signal pouvant n’être du qu'aux poussières galactiques… Pour le physicien d'APC Radek Stompor, les premiers résultats de Bicep prêtent à la contestation parce que l'interprétation donnée n'est qu'une des options possibles : les physiciens américains ont donc peut-être été un peu rapides en annonçant que leurs résultats correspondaient au signal des ondes gravitationnelles primordiales. D'un autre côté on peut considérer que cette annonce est une bonne chose pour le domaine des ondes gravitationnelles, mais aussi pour le satellite Planck dans la mesure ou cette controverse crée un regain d'intérêt et une impatience quant aux résultats prévus pour l’automne. Ce sont donc les résultats de Planck qui devraient trancher, à la réserve près que le satellite a une vision bien plus large mais une sensibilité moindre.

APC est le seul laboratoire français impliqué dans l'expérience Polar Bear, dont La collaboration compte une cinquantaine de personnes. Cinq d’entre eux sont membres du laboratoire APC et jouent un rôle fondamental dans le projet. Le physicien Radek Stompor, par ailleurs impliqué dans la mission Planck (analyse des données), est responsable de cette équipe française. Ajoutons que les données de polar Bear représentent, en volume, 10 fois celles de Planck… Pour une équipe 10 fois plus petite ! Polar Bear est une expérience qui observe dans le domaine des ondes millimétriques, à la lisière des infrarouges et de la radio, soit des fréquences similaires à celles du satellite Planck. Son objectif est donc le même que celui de Bicep, la différence entre les deux expériences résidant dans la capacité de Polar Bear à voir des détails beaucoup plus petits que Bicep, ce qui peut être essentiel lorsqu'on ne connaît pas le niveau du signal attendu.

La polarisation en mode B, quèsaco ?

B_over_b_rect_xsQuand on parle de la lumière et des champs électromagnétiques qui lui sont associés, la direction de l'oscillation du champs électrique définit la polarisation. Cette polarisation permet-elle une observation directe des ondes gravitationnelles ? Il s'agit sans doute d'un petit abus de langage : on observe  en réalité ce qui s'est passé avec les électrons quand l'univers et devenu transparent, 380 000 ans après le big-bang, période également appelée la recombinaison et dont l'image est le fameux fond cosmologique micro-ondes (ou CMB). Les ondes gravitationnelles primordiales ont pu être générées juste après le big-bang, lors d'une période appelée inflation. Elles sont toujours là au moment de la recombinaison, quand les photons sont libérés. Que se passe-t-il à ce moment avec ce plasma ? Tout dépend de la présence ou non des ondes gravitationnelles. Si elles sont présentes, elles vont provoquer une déformation de l'espace temps, ce qui va changer la distribution des photons qui vont interagir avec les électrons. Or, ce petit changement peut être détecté : la déformation fait apparaitre des schémas de polarisation spécifiques, appelés mode B. Ce qu'on mesure directement, ce sont donc ces schémas liés aux déformations du plasma et dans les distributions de photons et d'électrons. On sait par la théorie qu'il n'y a pas d'autre explication, dans ce cas, que les ondes gravitationnelles pour cette déformation.

Radek Stompor ajoute avec malice que les spécialistes des ondes gravitationnelles voudraient bien être les premiers à faire une détection directe ! En conséquence, ils trouvent donc un peu excessif de parler de détection directe des ondes gravitationnelles grâce à cette polarisation… L'observation de la polarisation en mode B du CMB n'est certes pas complètement indirecte mais pas encore vraiment20140120-_MG_0465 directe... à moins de concevoir l'univers comme un grand détecteur : on pourrait alors admettre qu'il s'agit malgré tout d'une forme de détection directe ? La dernière publication de l'équipe Polar Bear parle d'une détection directe de cette polarisation, mais aux petites échelles angulaires qui sont générées par les grandes structures de l'univers comme les amas de galaxies. Il s'agit maintenant d'observer un domaine beaucoup plus large. Jusque-là l'expérience a observé et traité environ 10% seulement de ce domaine depuis deux ans ! Il s'agit de s'attaquer aux 90% restants. Il existe un certain nombre d’expériences qui travaillent dessus, mais seules deux ou trois sont susceptibles de prendre la suite de Bicep.

Ce sujet des ondes gravitationnelles et de la polarisation en mode B est particulièrement intéressant sous l'angle de la vulgarisation. La science actuelle, et c'est vrai dans d'autres domaines que l'astrophysique ou la cosmologie, pose aux chercheurs un vrai défi, celui de parvenir à parler de façon compréhensible de questions de plus en plus complexes…

Si vous avez compris quelque chose à cet article, alors rien n'est perdu. Sinon, il reste du pain sur la planche ! Bonnes vacances et on se retrouve en septembre...

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