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avril 2014

15/04/2014

Opération KM3NeT : only for your eyes !

Notre invitée de cette semaine est Véronique Van Elewyck, enseignante chercheuse au laboratoire APC, sur le campus de Paris Diderot. Elle travaille sur les neutrinos depuis sa thèse. Après les avoir étudié d'un point de vue théorique, en particulier autour de la question de leur masse, elle s’est tournée vers la détection des neutrinos de (très) haute énergie avec l’Observatoire Pierre Auger (ici lien vers une entree blog précédente sur Auger si opportun ?) puis dans le cadre des expériences ANTARES et du projet KM3NeT qui en est la continuation. Qui mieux qu’elle pouvait nous éclairer sur la chasse aux neutrinos cosmiques ?

Neusun1_superkLe neutrino est une particule mystérieuse qui tient en haleine les théoriciens aussi bien que les expérimentateurs depuis plusieurs décennies. Bien que ce soit la particule la plus répandue dans l'univers, ses propriétés sont encore mal connues, en particulier parce qu'elle interagit très faiblement avec la matière. On sait maintenant qu'il existe trois saveurs de neutrinos,  « électronique, muonique et tauique », et qu’une fois produits les neutrinos se propagent sous forme de mélanges de ces trois saveurs, un phénomène que les physiciens appellent l'oscillation. Ce mécanisme implique que les neutrinos ont une masse, mais celle-ci est si faible qu'il a encore été impossible de la déterminer.

Les neutrinos sont produits dans des processus très variés, allant des différents types d’interactions nucléaires dans les centrales ou à l'intérieur du soleil, jusqu'aux phénomènes astrophysiques violents. Les expériences comme Antarès aujourd'hui, et KM3NeT demain, visent justement à valider les modèles d'émission qui situent l'origine des neutrinos cosmiques dans certaines sources comme les sursauts gamma, les galaxies à noyau actif ou les restes de supernovae par exemple. L'observation de tels neutrinos permettrait également d'identifier de manière non ambigüe les sources de rayons cosmiques de très haute énergie qui restent encore mystérieuses à ce jour.

Le télescope à neutrinos ANTARES a consisté à déployer un réseau de détecteurs de lumière à 2500 m sous la mer, au large de Toulon. Ce qu'on cherche à observer, c'est la trace lumineuse laissée par les particules chargées résultant de l’interaction des neutrinos avec la matière ambiante. Paradoxalement, Antarès est un instrument qui regarde le ciel à travers la terre, celle-ci jouant le rôle de filtre qui ne KM3net 1laisse passer que les neutrinos ! Antarès occupe un volume de 40 millions de mètres cubes, soit l'équivalent d'à peu près 40 000 piscines olympiques…
KM3NeT aura un volume environ cent fois supérieur : compte tenu de la  faiblesse des flux attendus de neutrinos, il est nécessaire de disposer d'un volume instrumenté très supérieur à celui d'ANTARES. Le nouveau télescope sera réparti sur au moins deux sites dans les eaux françaises et italiennes, les premiers éléments du nouveau réseau de détection devant être déployés dans les prochains mois. Chaque ligne est composée d'un ensemble de modules optiques et ressemble à un collier de perles. Là où les modules d‘ANTARES ne comportaient chacun qu’un seul détecteur de lumière de grande taille, les nouveaux modules (de même volume) en possèdent trente et un plus petits ! Une avancée technologique majeure qui permettra notamment d’améliorer la résolution directionnelle du détecteur.

KMEnet 2 PMA l’heure actuelle, outre l’analyse des données d’ANTARES, le groupe KM3NeT d'APC est particulièrement impliqué dans l'étude du prototype de ce module qui fonctionne déjà en test depuis quelques mois sur le site d'Antarès.

La chasse aux neutrinos cosmiques est ouverte, pas de quartier !