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février 2014

16/02/2014

FIGHTING SPIRIT

En plein Tournoi des Six Nations, il était tentant d'avoir le témoignage d'un physicien venu des îles britanniques, chercheur à APC, à lumière de son intérêt pour le ballon ovale, bien sûr. Ed Porter, est un irlandais fier de ses origines et il a deux passions : l'équipe nationale de rugby et la physique. Théoricien des ondes gravitationnelles, il travaille sur le projet spatial LISA. Si vous lui demandez ce qui est le plus important pour lui de la physique ou du ballon ovale, ce natif de Cork, dans la province Irish3du Munster, vous répondra que le rugby est au moins aussi important que la science ! Pour lui, les deux domaines ont un certain nombre de points communs, comme l'exigence de discipline ou du travail en équipe. Il pointe également une analogie au niveau national entre les clubs ou les laboratoire, ou celle au niveau international entre les équipes de chaque pays en rugby et les collaborations sur de grands projets dans la recherche. Il insiste par contre sur une différence notable : les physiciens ne peuvent pas régler leurs comptes sur le « terrain » comme cela peut se faire en sport…

Pour lui, il y a aussi une similitude quant à l'esprit qui préside à la pratique des deux disciplines, à savoir une volonté permanente de jouer "à la limite", autrement dit de jouer avec les règles : c'est ainsi que se construisent les grandes victoires ou les grandes découvertes. Dans les deux domaines on rencontre également des personnalités qui DChooz-0511recadrressortent du lot, des leaders, des meneurs, des gens dotés d'un certain charisme et qui peuvent tirer leurs équipes vers haut... ou qui auront plus de facilité pour aller chercher des financements de projets. Ed fait encore un parallèle entre les éléments du jeu et ceux de la recherche. Il compare ainsi un essai en rugby à une publication scientifique, une pénalité à un article dans des proceedings, ou un drop à une présentation dans un colloque ou un séminaire. Il pointe les similitudes fortes qu'on retrouve dans chaque domaine quant aux caractères propres à chaque culture : si Anglo-Saxons et Européens du Continent savent prendre des décisions rapides, les insulaires sauront enchainer avec une mise en œuvre dans les meilleurs délais, tandis que les Continentaux ne sauront pas toujours procéder à un début d'exécution avant plusieurs années… Le temps qu'ils arrivent à se mettre d'accord. Chez les Français on rencontre aussi fréquemment un souci du spectaculaire, du "coup", trait qu'on retrouve dans le fameux « French flair » en rugby. Ce n'est par ailleurs un secret pour personne que le tempérament « chaud » des pays latins, France ou Italie par exemple, les incline à des comportements souvent brillants mais plutôt désorganisés, ce qui n’est pas le cas chez les scientifiques, plus disciplinés, qui viennent d'autres horizons.

IrlandeMais en définitive, ce qui rassemble les adeptes du ballon ovale et les chercheurs de l'infiniment grand ou de l'infiniment petit, c'est un même sentiment de passion pour leur pratique quotidienne, qu'elle soit sportive ou scientifique.

Ajoutons pour faire bonne mesure, qu’un grand labo d’astrophysique français a les mêmes initiales que la fédération irlandaise de rugby, l’IRFU… Alors, coïncidence ou reconnaissance ?

 

04/02/2014

UNE ONDE "DE CHOC" !

Matteo Barsuglia, chercheur à APC, travaille sur l’observatoire franco-italien Virgo, près de Pise. Il fait partie de ces astrophysiciens qui tentent d’observer les ondes gravitationnelles, l’un des Graal de la physique actuelle. Alors c’est quoi ces ondes gravitationnelles ?

Pour comprendre, nous dit Matteo, il faut remonter un peu en arrière : depuis la découverte des lunes de Jupiter avec la lunette de Galilée, l'astronomie a surtout utilisé la lumière: la lumière visible d'abord, puis la lumière infrarouge, les UV, les rayons X, les ondes radio et les rayons gamma. Grâce à cette astronomie électromagnétique, de plus en plus perfectionnée et couvrant tVirgo1outes les fréquences accessibles, l'Univers s'est peuplé, s'est élargi et a été mieux compris : planètes, étoiles, galaxies, quasars, supernovae, planètes extrasolaires, mais aussi le fond cosmologique primordial, souvenir du big-bang.

Malgré ces cinq siècles de découvertes, cette astronomie a d’abord ouvert des questions fondamentales : on sait aujourd’hui que 5% seulement du contenu de l'Univers est fait de la même matière que celle qui constitue les êtres humains et les étoiles, les 95% restant étant associés aux mystérieuses matière noire et énergie sombre. Par ailleurs, plusieurs phénomènes astrophysiques ne sont pas encore bien compris, comme la source des sursauts gamma et d'autres objets n’ont été observés que de façon indirecte, à l’instar des trous noirs par exemple.

Il semble pourtant qu’il puisse y avoir des possibilités d’observer l’Univers par d’autres moyens que le spectre électromagnétique : rayonnement cosmiques, neutrinos ou ondes gravitationnelles. Ces dernières, en particulier, sont susceptibles de contribuer à la solution de certaines énigmes de l’astrophysique et de la cosmologie. Dans quelques années, on peut espérer que les détecteurs d'ondes gravitationnelles Virgo et LIGO puissent devenir de nouveaux yeux pour regarder l'Univers, sans parler des projets de détection des ondes gravitationnelles dans l'espace, grâce au futur satellite LISA, un projet pour 2030, il est vrai…


OndesG2Mais que sont au juste ces ondes gravitationnelles ? Prédites par Einstein en 1916 dans le cadre de sa théorie de la Relativité Générale, ce sont des vibrations de l'espace-temps.  En présence d'un phénomène cosmique violent, comme la fusion de deux étoiles, la gravité change soudainement et une impulsion d'ondes est émise. L'espace-temps, cet objet déformable qui est au cœur de la relativité d’ Einstein, se met à vibrer comme l'eau à la surface d'un étang et la vibration se propage dans l'espace. Au cours de leur voyage de plusieurs milliers d'années lumière, l'amplitude des ondes gravitationnelles diminue. Une fois arrivée sur terre, elles déforment les distances seulement d'un millième de milliardième de milliardième de mètre. Quantité infime, certes,  mais néanmoins mesurable grâce à l’interférométrie.

Alors que la lumière transporte la force électromagnétique, les ondes gravitationnelles transportent la force de gravité. Regarder l'Univers « à travers » les ondes gravitationnelles donnerait accès à des informations très différentes et complémentaires. Ce serait comme regarder un film en noir et blanc et soudainement voir apparaitre les couleurs ou comme regarder un film muet et tout à coup entendre un dialogue entre deux personnages…

Tout ça nécessite des interféromètres dont les bras se mesurent en km pour les détecteurs au sol comme Virgo ou en million de km pour les détecteurs spatiaux comme LISA. Alors, amateurs d’ondes gravitationnelles, à vos interféromètres…

En savoir plus ur Virgo :
http://www.apc.univ-paris7.fr/APC_CS/experiences/virgo
https://wwwcascina.virgo.infn.it/