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13/05/2009 | 

Planck "en boite"

Image 11 Ca y est : la coiffe d'Ariane 5 vient de se refermer sur Herschel, Planck, et SYLDA (une sorte de cloche dans laquelle est posée Planck, puisque Herschel est situé au-dessus dans la coiffe (voir schéma). Le lanceur a été déclaré "bon pour le service", et le calendrier est scrupuleusement respecte. Demain matin, le lanceur et sa précieuse cargaison seront amenés sur le pas de tir.

Il y aura quelques tests demain de vérification de "bien-être" de Planck, une fois sur le pas de tir, histoire de vérifier une dernière fois que tout fonctionne avant le lancement.

Inutile de préciser que le stress monte dans les labos. Nos collègues sur place à Kourou nous envoient de bonnes nouvelles (et le rhum y est bon, parait-il). Comme l'indiquait Marian, nous nous occupons aussi des aspects festifs du lancement ici a Orsay, afin que tout le personnel partage nos espoirs, notre angoisse, puis notre première phase de soulagement (car le lancement n'est qu'une étape).

Pour revenir a l'instrument Planck/HFI, c'est une sorte de camera composée d'une cinquantaine de détecteurs, des bolomètres refroidis. Pourquoi des bolomètres ? Parce que ce sont des détecteurs ultra-sensibles au rayonnement millimetrique, domaine que Planck HFI observe.

Le principe de fonctionnement est le suivant: un photon arrive sur le bolomètre, qui absorbe l'énergie en s'échauffant un peu. On mesure cet échauffement grâce a la variation de résistance. Pour un fonctionnement optimal de ce système de détection, il est nécessaire de travailler à très basse température, ici 100 mK (ou 0,1K ou environ -273C).

Le défi technologique a donc consisté à développer un système de refroidissement performant permettant d'atteindre ces températures (et de manière stabilsée, car il n'est pas question d'avoir des variations qui contamineraient la mesure), mais aussi permettant de fonctionner dans l'espace, c'est-à-dire sans gravite, avec un faible encombrement et masse, avec une fiabilité exceptionnelle, et surtout qui résiste aux fortes vibrations du lancement.

Pour répondre à un commentaire du blog, ce système n'a donc rien a voir avec un refroidissement plus classique, de type LHC (même s'il est unique par sa taille), qui utilise, je crois, de l'hélium liquide a 4K pour refroidir des tonnes de détecteurs. Planck HFI utilise 3 systèmes de réfrigération, et le plus critique (celui qui permet de descendre de 4K a 0.1K) utilise le principe de la dilution hélium 3 hélium 4. Ce système unique au monde, permet de refroidir efficacement un petit volume, dans une manip spatiale, en autonomie complète et dans un environnement hostile, sans possibilité d'intervention.

Bien que confiant, je peux assurément écrire que nous stressons tous beaucoup avant le lancement !

Hervé Dole

Un peu d'histoire, de souvenirs et de poussière d'étoiles

La première fois que j'ai entendu parler d'Herschel, j'étais en thèse à l'Observatoire spatial d'Onsala en Suède. C'était en 1996. Herschel s'appelait alors FIRST. Il a été rebaptisé Herschel du nom du découvreur de l'infrarouge , William Herschel en 1800 et de sa soeur, Caroline Herschel, une brillante astronome. Herschel était alors promis aux astronomes pour étudier la chimie des galaxies en regardant des raies d'énergies émises par les molécules et les atomes comme l'eau ou le carbone. Je travaillais ainsi dans un laboratoire qui allait fournir une partie de l'instrument HIFI d'Herschel, un spectromètre à haute résolution pour détecter ces raies de molécules.

Aujourd'hui au CEA, j'ai rejoint une équipe qui a conçu l'imageur de la caméra PACS d'Herschel, devenu l'instrument le plus en vue. Cet instrument, avec l'imageur de SPIRE d'Herschel, réalisera des grandes cartographies de l'univers en regardant la lumière infrarouge et submillimétrique émise par les grains de poussière du milieu interstellaire...les grains de poussières! Des petits grains solides, quelques micromètres à quelques millimètres de diamètre, qui absorbent la lumière visible et la restitue dans l'infrarouge. Ils place ainsi un voile opaque devant nous...un voile qu'Herschel peut lever.

Les étoiles naissent dans des cocons de poussière dans lesquels elles acquièrent leur masse. Herschel cartographiera ces cocons d'étoiles. Plus surprenant, une fois nées les étoiles au sein d'une population exhibent une grande diversités de masse, de 1/10 de fois la masse du Soleil (2x10^30 kg) à 100 fois cette masse. Cette proportion d'étoiles petites, moyennes (le Soleil) et géantes semble être la même quelle que soit la région de la galaxie. Herschel tentera de comprendre l'origine de la masse des étoiles. Un paramètre qui déterminera toute la vie d'une étoile, sa mort en naine blanche ou en trou noir...et l'écologie de la galaxie.

Vincent Minier

La tension monte

Nous sommes à un peu plus de 24h du lancement et le stress augmente.
Est ce que tout est prêt la bas ? Aujourd'hui Ariane 5 doit être amenée jusqu'au pas de tir. Est ce que le lancement sera ok ? La cryogénie de HFI ? La séparation de Planck du lanceur, la trajectoire ? J'ai cauchemardé la nuit dernière que la trajectoire était mauvaise et qu'on essayait de rectifier avec les "miniboosters" de Planck alors que tout le monde voulait avorter la mission....

Est ce que tout est prêt à l'IAS ? Les informaticiens sont sur le coup de la retransmission HD, les collègues sont prêt à nous aider à gonfler les ballons (merci Louis, Maryse et Bernadette pour l'Hélium), d'autres collègues et Jean-Paul (de la logistique) s'occupent des victuailles... Ne pas oublier les mails d'invitations, les posters Planck à afficher dans l'entrée, le DVD Planck à graver, mettre à jour le site web...

Peu après le lancement on saura si le satellite et les principaux "organes" de HFI fonctionnent. HFI est allumé 5h après le décollage, les valves sont ouvertes après 6h. Aprés..., il faut être patient. Le satellite va mettre 50 jours à atteindre le point de Lagrange L2 (à 1.5 millions de kilomètres) autour duquel il orbitera durant les 2-3 prochaines années. Le trajet est mis à profit pour effectuer des tests et permettre la descente en froid des détecteurs (bolomètres) jusqu'à 100 mK.Ensuite, il faut encore attendre... Planck va observer tout le ciel, pour cela il lui faut 6 mois entier. Et il va le faire, on espère, 5 fois de suite (si tout va bien).

Après 6 mois on aura donc la première carte du ciel entier observé avec une précision inégalée. Les différentes équipes scientifiques, organisées en groupe de travail,  seront donc à pied d'oeuvre pour extraire toute la science de ces cartes. Certains s'intéresseront au fond diffus cosmologique, d'autres à notre galaxie, d'autres aux galaxies lointaines, d'autres aux amas de galaxies...Les données de Planck aideront à répondre à la plupart des questions modernes de l'astrophysique. 
Mais avant tout, le lancement ! J-1, je stresse !

Marian

12/05/2009 | 

Planck, J-2

Je suis privée de Kourou :(
Malheureusement pour moi, les reports de lancement ont fait tomber la date pile la semaine où je ne peux pas m'absenter pour cause de raison "familliale". Les heureux parents d'enfant en bas-age sauront de quoi je veux parler... En plus hier matin, j'ai apercu la mort dans l'âme depuis les fenêtres du RER-B quelques collègues trainant leurs valises à Antony direction Orly et donc la base de Kourou. Quant à moi je verrai la fusée décoller soit à l'IAS avec les copains, soit au siège de l'ESA à Paris (où ça risque d'être un peu moins fun !).

Apparemment tout le monde est bien arrivé à Kourou où il fait super humide, c'est toujours ça de commun avec Paris! Je dit tout le monde car il y a effectivement pas mal de monde qui a fait le voyage. Presque tous les ingénieurs et techniciens qui ont travaillé sur "petit-HFI" à l'IAS sont du voyage. C'est normal, certains ont passe 10 ans de leur vie professionnelle sur le projet. Les échelles de temps mises en jeu dans la réalisation des satellites pour l'astronomie sont d'environ 15 ans. On a donc 1 voire 2 chances dans sa vie professionnelle de voir un lancement. Ce n'est pas le cas des expériences d'exploration de Mars beaucoup plus nombreuses. Il ne me reste donc que 2 choix: travailler sur Mars ou participer a une nouvelle expérience de cosmologie!

Cela fait très bizarre de se dire que "petit-HFI" va s'envoler jeudi dans deux jours. Tout le travail préparatoire réalisé depuis 1993 va se transformer en une réalite de bits de données que l'on va pouvoir
analyser quand Planck-HFI fonctionnera, c'est a dire quand la température du système de refroidissement aura atteint 0,1K.

L'objectif scientifique principal de Planck est la mesure du rayonnement fossile aussi bien sa brillance (ou température) que sa polarisation. En fait, plus que la température du rayonnement fossile ce sont les variations de température (fluctuations) de 1/1000000 autour de sa température moyenne qui nous intéressent. D'où la nécessité d'avoir des détecteurs ultra-sensibles et donc refroidis à très basse température. Ces fluctuations de température sont les vestiges des perturbations de matière a l'origine des structures cosmiques (les galaxies et amas de galaxies). Elles nous renseignent aussi sur les ingrédients cosmiques (matière noire, matière ordinaire, etc) ainsi que la structure et l'évolution de l'univers.

Ce sont ces questions : Quelle est l'origine des structures ? Quel est le contenu de l'univers ? Quelle est sa forme?, que l'on va chercher à résoudre avec Planck. Pour ce faire, une collaboration de près de 400 scientifiques dans une dizaine de pays vont mettre en commun leurs expertises (la physique de notre galaxies, la physique des galaxies infra-rouge ou radio, les amas de galaxies, la théorie, l'instrumentation, les méthodes statistiques, etc) pour analyser le signal de Planck et remonter au signal cosmologique primaire que nous recherchons tous, celui laissé par l'inflation.

Le traitement des données de Planck est un défi presqu'aussi grand que le défi instrumental. Marian, Hervé et moi reviendrons dessus plus tard. Dans l'immédiat, je dois revenir à mes urgences (une téléconference, des rapports, un programme scientifique à établir) ... non, nous ne nous tournons pas les pouces en attendant le lancement!

Nabila Aghanim

11/05/2009 | 

J-3, toujours

Restant à Orsay, la préparation continue. La plupart de nos collègues se sont envolés à Kourou (chercheurs et ingénieurs), mais nous sommes nombreux à rester ici. Quelques-uns iront à l'ESOC (Darmstadt) pour le lancement. Les dernières nouvelles des satellites sont bonnes. Des images de Planck sont disponibles sur: http://www.ias.u-psud.fr/planck_daily/

Nous n'en négligeons pas les aspects de vulgarisation scientifique. Nous sommes actuellement très sollicités par les journalistes, ou les collègues qui passent à la radio (pour nous demander d'ultimes nouvelles ou renseignements). Nous préparons également la retransmission en direct à Orsay sur grand écran, via une ligne dédiée par le CNES. Les collègues du service informatique s'activent pour que tout soit prêt, afin que les personnels du laboratoire et du campus universitaire puissent assister à ce moment exceptionnel que constitue le lancement.

Le lancement, quoique très important, n'est qu'une étape de la mission, puisqu'une partie du refroidissement de l'instrument HFI de Planck se mettra en marche environ 5h après. Il faudra ensuite effectuer une batterie de tests pendant le refroidissement passif du télescope (ce qui prendra environ 2 mois) avant que ne commence vraiment la partie scientifique de la mission.

Soulignons que Planck/HFI dispose d'un réfrigérateur très perfectionné, appelle cryo-générateur, qui refroidit les bolomètres (les détecteurs de lumière) a 0,1K. Ce système constitue une avancée technologique majeure, unique au monde.

L'ambiance à l'IAS est bonne, et on sent une excitation et une émulation, comme rarement. Nous avons tous nos réunions, téléconférences, enseignements..., le quotidien habituel, mais nous pensons tous au lancement, et chaque discussion, quel qu'en soit le sujet, revient inévitablement vers le lancement.

Marian, Nabila et moi reviendrons, dans nos prochains posts, sur les enjeux de la mission, sur les aspects instrumentaux et organisationnels.

Hervé Dole

Herschel : 20 ans de travail, du rêve au lancement

Herschel...J-3. La pression monte. Le CEA travaille depuis plus de 10 ans sur cette mission spatiale : imageurs bolométriques, réfrigérateurs cryogéniques, électronique, préparation des observations et des outils de traitement d'image (voir herschel.cea.fr)... Parmi les trois instruments d'Herschel (HIFI, PACS, SPIRE),l'imageur PACS du CEA est le plus demandé par les astronomes. L'attente est donc immense. Les aléas du calendrier ont fait que la grande partie de l'équipe Herschel est partie au Chili pour observer avec le télescope APEX sur lequel le CEA a installé un imageur basé sur la technologie de PACS. D'autres sont à Kourou pour le lancement. De mon côté, je suis à Rome pour une conférence sur l'astronomie submillimétrique depuis l'Antarctique.

Avec l'autre passager, Planck, le télescope spatial Herschel est maintenant intégré à la fusée européenne Ariane 5. Il y a un an, en juillet, ce télescope spatial géant nous était présenté dans son hall à l'ESTEC, un centre de l'agence spatial européenne. Car Herschel est une mission scientifique européenne de notre agence spatiale (l'ESA), construit par des industriels européens et des laboratoires d'astrophysique spatiale. La NASA est un partenaire de cette mission.

Le télescope spatial Herschel est plus grand qu'Hubble : un miroir de 3,5 mètres de diamètre. C'est ce miroir qui collectera la lumière émise par les astres observés. Mais la comparaison avec Hubble s'arrête là car Herschel est dédié à l'observation de l'Univers dans les domaines de lumière infrarouge et submillimétrique. Un univers invisible à nos yeux, car trop froid, trop enfoui ou trop lointain. Naissance des étoiles, formation des galaxies, matière remplissant les galaxies et certaines molécules comme l'eau dans le milieu interstellaire, sont les objets qui rayonnent dans l'infrarouge et le submillimétrique. Herschel va se lancer dans la cartographie de cet univers pour remonter l'histoire de la formation des étoiles jusqu'à il y a 10 milliards d'années.

Vincent Minier

10/05/2009 | 

Ca y est ! Dans trois jours, Planck s´envole.

Tant d'années à le voir grandir et le voici sous la coiffe d'Ariane 5. Les photos du satellite au sommet de la fusée sont impressionnantes. C'est peut être le moment le plus frustrant et le plus excitant de la mission. Frustrant, car le satellite n'est plus entre les mains expertes de nos ingénieurs, mais seul à  attendre le départ pour le point de Lagrange L2 (à environ 1,5 millions de km de la Terre et à l’opposé du Soleil). Excitant, car nous avons tous les trois rêvé de le voir s'envoler depuis plus de 10 ans.

Le lancement de Planck, initialement prévu le 16 avril, a été reporté trois fois, ce qui a augmenté notre impatience. On lance de nos jours de nombreux satellites et du coup on ne se rend plus vraiment compte
de la complexité de cette tache et de ses enjeux. Dans notre cas à nous, scientifiques, l'enjeu est qu'Ariane-Espace réussisse le lancement de deux satellites de l'agence spatiale européenne (ESA) : Planck, qui observera le rayonnement fossile reliquat du big-bang et Herschel, l'observatoire spatial infra-rouge et submillimétrique.

Nous trois, attendons avec impatience les données que va recueillir Planck dans les prochaines années. Nous travaillons tous trois à l'Institut d'Astrophysique Spatiale (IAS), le laboratoire responsable et maître d'œuvre de l'instrument phare de Planck : HFI (High Frequency Instrument ou instrument haute fréquence).

C'est à l'IAS, pas très loin de nos bureaux, que Planck-HFI est né. La légende dit qu'il est issu de discussions entre Jean-Loup Puget de l'IAS (Principal Investigateur de HFI = responsable scientifique), Jean-Michel Lamarre du LERMA et feu Richard Gispert de l'IAS. D'autres légendes doivent certainement circuler sur la naissance de Planck. Une chose est sure, aucun de nous trois n'étions présents ! Il a fallu plus de 15 ans pour transformer une idée en un satellite en "chair et en os". Cette réalisation orchestrée par Jean-Loup Puget et l'IAS a été faite avec l'aide de nombreux laboratoires français (ILN, IAP, LAL, CESR, SAp-CEA, SPP-CEA, APC, LPSC, LERMA) soutenus par le CNRS et le CNES, et "étrangers" (USA, Canada, Royaume Uni, Allemagne, Espagne, Danemark, Pays-Bas, Irelande).

C'est une émotion particulièrement forte et partagée avec de nombreux membres de l´IAS qui nous anime à quelques jours du lancement de ce bijou de haute technologie que certains d'entre nous appellent "petit-HFI" ou "bête de course".

Marian Douspis, Nabila Aghanim et Hervé Dole