Le premier ministre félicite les équipes de Planck et Herschel (voir ici le communiqué officiel). C'est heureux que les plus hautes sphères de l'état reconnaissent l'investissement humain, scientifique, technologique et financier du projet qui a, rappelons-le, débuté il y a plus de 15 ans.
Cependant, à lire de plus près, la dernière ligne du communiqué indique, je cite : "Planck a été conçu pour mesurer au millième de degré près les fluctuations de température du rayonnement fossile [...]".
Aie ! Les fluctuations de températures du fond cosmologique sont de l'ordre de la dizaine de micro-Kelvin (c'est-à-dire environ 10^-5 K ou encore un centième de millième de degré). Si, comme notre premier ministre l'écrit, Planck ne pouvait mesurer que le "millième" de degré, notre cible étant 100 fois plus faible, nous n'irions pas bien loin: tout au plus pourrions-nous mesurer notre Galaxie et le dipôle cosmologique...
Un peu comme un gardé à vue (donc supposé innocent), tentons d'être bienveillant envers ce communiqué. J'ai peut-être compris de travers, il s'agissait peut-être d'un degré d'angle, et non pas de degré Celcius ou Kelvin, de température ? L'erreur aurait été aussi grossière, puisque Planck observera avec une résolution angulaire de l'ordre de quelques minutes d'arc (disons 4 minutes d'arc), ce qui donne 7 centièmes de degré d'angle, soit environ 70 fois plus que le fameux "millième de degré près".
Se tromper d'un facteur 100 (ou 70) est grave en science, et c'est l'une des premières choses que l'on enseigne à nos étudiants arrivant en L1: avoir en tête les ordres de grandeur.
Espérons que les services du premier ministre (et le conseiller ayant écrit le communiqué, et qui a oublié le "onni" de "millionnième" pour le transformer en "millième" par erreur) manient les budget de l'état a mieux qu'un facteur 100... Peut-être pourrais-je essayer de me tromper aussi, d'un facteur 100, sur ma déclaration d'impôt ?
Cette grossière erreur, dans un communiqué officiel, semble traduire, malheureusement, une dégradation de la culture scientifique chez une partie de nos politiques et journalistes généraux (pas à la Recherche, of course ;-) ). Quelles horreurs n'avons-nous pas entendu dans les médias à propos de Planck ? (qu'il allait aussi détecter des planètes, sur France 2, parait-il). Sans parler de nombreux épisodes précédents, je pense en particulier à cette histoire éloquente d'adolescent qui avait "découvert" une comète, soit-disant confirmée par la NASA en février 2006, et qui avait fait la une. Dommage que la culture scientifique fasse si peu partie de la culture, sinon de tels errements auraient moins lieu. Peut-être devrais-je postuler pour donner des cours à Sciences-Po ? ;-)
On le voit, les fronts sont multiples: proposer, construire, tester, envoyer des satellites de haute technologie comme Planck et Herschel (ou d'autres équipements scientifiques), enseigner la démarche scientifique à nos étudiants, mais aussi diffuser cette fructueuse démarche scientifique dans la société, par des procédés divers (conférences, écoles, rencontres, articles, blog, etc..). Vaste tache, pourtant essentielle. Pour qu'une erreur d'un facteur 100 ne puisse plus choir et demeurer dans un communiqué de presse de la République.
[désolé d'avoir un peu divergé du thème Planck Herschel, mais cela me touche et m'énerve]
Hervé Dole