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20 novembre 2012 | 

Gardarem lo Larzac !

Blog larzac
Au sujet du projet d’aéroport de Notre-Dame-des-Landes qui s’avère d’être, jour après jour, un problème central pour l’équipe gouvernementale (entêtement personnel du Premier ministre, non-sens économique puisque l’actuel aéroport continuera de fonctionner pour les besoins d'Airbus, exacerbation du sentiment écologiste, malaise dans les campagnes et chez les agriculteurs, …), on parle de plus en plus d’effet Larzac, du nom du plateau des Cévennes (Causses) visé en 1971 par l’extension du camp militaire voisin. Pendant dix ans, un large et hétéroclite mouvement de protestation s’opposa au projet gouvernemental. En 1981, le gouvernement de François Mitterrand décida l’abandon de l’extension. Une gauche à la fois libertaire et doctrinaire, internationaliste et régionaliste y gagna ses lettres de noblesse. Le « Larzac » fait figure de référence. Docteur en histoire, Pierre-Marie Terral a publié sa thèse de 2010 sur les combats du Larzac aux éditions Privat. Larzac. De la lutte paysanne à l’altermondialisme (avant-propos de Rémy Pech, préface de Christian Amalvi, 450 p., 25 €) s’intéresse particulièrement aux vies ultérieures du Larzac, avec l’émergence d’une figure aujourd’hui omniprésente sur la scène publique et militante, José Bové. Un travail réussi et utile, un livre très bien édité, mais qui manque peut-être d'un cahier iconographique tant les traces visuelles de cette lutte sont nombreuses. 

Vincent Duclert

18 novembre 2012 | 

Faire des sciences sociales

Blog faire
Les éditions de l’Ecole des hautes études en sciences sociales ont publié, le 2 novembre dernier, un ensemble de trois volumes intitulé Faire des sciences sociales, 1. Généraliser, 2. Comparer, 3. Critiquer (coll. « Cas de figures », 15 € par volume, disponible en coffert).

La présentation qu’en a faite le maître d’œuvre, Christophe Prochasson, également directeur de ces éditions, souligne la place dynamique confiée à l’éditeur dans ce vaste chantier. Cette place de l’édition dans la fabrique des grands projets scientifiques n’est pas neuve, elle associe même en France éditeurs universitaires et commerciaux, mais il était bon de la rappeler à l'occasion, par l’exemple. Nous restitutons ici l’essentiel du texte de Christophe Prochasson publié dans la Lettre de l’Ecole (http://lettre.ehess.fr/4525). On l’aura reconnu aussi, Faire des sciences sociales renvoie au lointain Faire de l’histoire, dirigé par Jacques Le Goff et Pierre Nora, et publié en 1974 aux éditions Gallimard, dans la collection « Bibliothèque des histoires » que Pierre Nora avait créée en 1970 (3 tomes : t. 1 Nouveaux problèmes, t. 2 Nouvelles approches, t. 3 Nouveaux objets)

V. D.   

« En 1996, l’EHESS s’était déjà rassemblée sous la direction de Jacques Revel et de Nathan Wachtel pour donner à voir ce qu’elle était dans un volume fièrement intitulé Une École pour les sciences sociales. C’est une autre photographie que Faire des sciences sociales propose une quinzaine d’années plus tard. Pas plus qu’en 1996, celle-ci n’est d’ailleurs représentative de ce qu’est l’École dans son ensemble. Les membres du comité de rédaction (Emmanuel Désveaux, Michel de Fornel, Pascale Haag, Cyril Lemieux, Christophe Prochasson, Olivier Remaud, Jean-Frédéric Schaub et Isabelle Thireau) ont fait des choix : diversité disciplinaire, échelle mondiale, représentation des femmes, priorité générationnelle. C’est d’ailleurs sur cette dernière dimension qu’il convient d’insister. Faire des sciences sociales illustre le passage d’une génération à l’autre : non plus bien sûr les fondateurs de l’École, ni même leurs immédiats successeurs, mais ce que l’on pourrait reconnaître comme une « troisième génération », délivrée des grandes figures comme de l’impérialisme des grands modèles. On aurait tort, comme le font certains, de n’y lire que du désenchantement au regard de temps héroïques. On peut tout au contraire se réjouir d’y déceler tant d’énergie et de liberté. L’École a de beaux jours devant elle !

L’EHESS peut se flatter d’être l’une des rares institutions à être en mesure de mener à bien un projet aussi transversal. Ces trois volumes font la preuve que l’interdisciplinarité n’est pas un drapeau que l’on se contente d’agiter. Trois années durant, des chercheurs issus de toutes les disciplines représentées à l’École ont échangé. Des uns et des autres, tous ont beaucoup appris parce qu’ils se voyaient au travail. Faire des sciences sociales ne constitue en effet ni un état des lieux par discipline, encore moins un recueil de manifestes épistémologiques qui ne dit rien des mises en œuvre et des façons de faire mais plutôt un gigantesque laboratoire où chacun montre comment il œuvre. C’est cet empirisme assumé qui fait toute la force et l’efficacité d’un ouvrage dont la lecture deviendra vite incontournable pour tous les jeunes chercheurs s’engageant dans la voie des sciences sociales.

Il faut enfin souligner la dimension collective de l’entreprise qui a été l’occasion d’une coordination remarquable entre l’École et son service des éditions dirigé par Jean-Baptiste Boyer. Anne Bertrand a coordonné le travail du comité de rédaction et fait l’interface avec le boulevard Saint-Michel, siège des éditions, où chacun s’est trouvé mobilisé, d’une façon ou d’une autre, par cet immense chantier. Malgré les inquiétudes occasionnelles, inévitables pour un projet collectif inscrit dans une telle durée, l’enthousiasme n’a jamais fait défaut. Faire des sciences sociales a fait la démonstration que les éditions de l’École sont un véritable partenaire des chercheurs et non pas un simple support de valorisation de leurs travaux. »

15 novembre 2012 | 

La fabrique du nom d'auteur

Blog burgelin
Ce livre pourrait s’intituler la « fabrique du nom d’auteur ». Il porte sur le processus complexe par lequel un écrivain décide de se donner un nom de plume. On est déjà dans l’acte littéraire, dans la création. L’étude de Claude Burgelin, professeur émérite à l’université de Lyon 2, spécialiste de Georges Perec, s’ouvre sur une double paternité, James Joyce en dédicace*, et Marcel Proust pour La Recherche dont Gilles Deleuze avait montré, bien à propos, que cette cathédrale avait commencé de s’édifier lorsque l’auteur était parvenu à imaginer les noms propres de son œuvre.  

Habillé de son nom de plume, l’écrivain brouille les pistes sur ses origines, s’invente comme personnage, la palme à cet égard revenant à Romain Gary/Emile Ajar. Le chercheur se doit alors de mener de véritables enquêtes. Les mal nommés. Duras, Leiris, Calet, Bove, Perec, Gary et quelques autres (Le Seuil, coll. « La Librairie du XXIe siècle », 355 p., 25 €) est un livre profond sur l’acte littéraire dans ce qu’il a de créateur, et de vertigineux aussi.

Vincent Duclert

 

* « Qu’y a-t-il dans un nom ? C’est ce que nous nous demandons dans l’enfance, lorsque nous écrivons ce nom qu’on nous dit le nôtre. » (Ulysse)

14 novembre 2012 | 

Sexe et amour sur la toile

Blog sexe
Internet a rendu plus facile, et ce faisant, a banalisé les relations de sexe et d’amour, particulièrement celles qui se déploient dans le secret des passions. En même temps, la « Toile » a donné à ces amours un caractère potentiellement public qui vient de se rappeler à la connaissance des élites américaines du pouvoir. Sociologue du couple et de la vie amoureuse contemporaine, auteur de nombreuses études à succès, Jean-Claude Kaufmannn, directeur de recherche au CNRS, a récemment publié Sex@mour aux éditions Armand Colin (coll. « Individu et société », 213 p., 14,90 €). Un nouveau chapitre vient de s'écrire aux Etats-Unis. 

Vincent Duclert 

13 novembre 2012 | 

« Se retenir au bord du désastre »

Blog Gros II
Philosophe du droit, spécialiste et éditeur de Michel Foucault, auteur en 2005 de Etats de violence. Essai sur la fin de la guerre (Gallimard, coll. « NRF Essais ») dont nous avions rendu compte, Frédéric Gros publie chez le même éditeur et dans la même collection Le principe Sécurité (286 p., 21 €). Observant que la « sécurité constitue aujourd’hui un enjeu politico-médiatique formidable », le chercheur établit quatre définitions de la sécurité : « état mental », « situation objective », « garantie des droits fondamentaux », « contrôle des flux », dont il va explorer les arcanes en recourant aux textes et à l’histoire. Au final, « la sécurité, c’est se retenir au bord du désastre »….

Vincent Duclert

08 novembre 2012 | 

Chinoises au XXIe siècle

Depuis 1949, la Chine est soumise au régime du parti unique. Les changements à la tête du Parti communiste, du gouvernement chinois et de la présidence de l’Etat sont décidés par le Comité permanent du Bureau politique qui en réunit les neuf membres les plus importants. Pourtant la Chine change, sous l’effet de la croissance économique, des transformations sociales qu’elle induit, de l’ouverture au monde, de la sensibilité écologique, de l’engagement démocratique des jeunes et des moins jeunes qui conservent la mémoire des événements de 1989. Les dirigeants chinois tentent de composer avec ces mutations pour mieux conserver leur pouvoir. Dans son discours d’ouverture du XVIIIe Congrès du PC, le président sortant Hu Jintao a tenté certaines ouvertures, « Etat de droit », « lutte contre la corruption », etc.

Blog chinoises
Subissant une forte discrimination sociale et idéologique jusqu’à accuser un fort retard du point de vue démographique, les Chinoises s’identifient à un tout autre progrès de modernité à travers les interrogations qu’elles portent dans la société chinoise. Un collectif paru aux éditions La Découverte, sous la direction de deux sociologues, Tania Angeloff et Marylène Lieber, fait le point sur ces mutations de genre, gages de modernité autant que conservatoires des traditions. Dans une configuration scientifique où bien peu d’ouvrages existent en langue française, Chinoises au XXIe siècle (coll. « Recherches », 240 p., 26 €) est une importante contribution à la connaissance de la Chine contemporaine

Vincent Duclert

07 novembre 2012 | 

Barack Obama has been re-elected U.S. President

Un bel exemple d’éloquence politique : le discours que Barack Obama vient de prononcer à Chicago après sa victoire ouvrant la porte à un second mandat d’U.S President. V.D.

Blog obama 2

 

L'événement

La réélection de Barack Obama s’est faite en particulier sur la question de société relative au droit au mariage des homosexuels. Dans plusieurs Etats, des scrutins ont porté sur cette liberté fondamentale puisqu’établissant plus d’égalité entre les citoyens, entre les personnes, entre les sexes. Des combats intellectuels, sociaux, artistes, ont préparé cette victoire politique d’une nouvelle liberté qu’incarne très clairement la réélection d’Obama, tant le camp républicain en avait fait le chiffon rouge agité devant un électorat nourri à la peur, au sectarisme et à une fonction répressive de la religion.

Parmi de telles audaces, un film, qui fit un événement, et qui est au cœur d’une étude très récente, Le Secret de Brokeback Mountain, d’Ang Lee, sorti en 2005, et qui demeure un événement, en termes commerciaux mais surtout parce qu’il suscita dans la société américain un événement tel que le film sortit de sa catégorie cinématographique pour se projeter vers les fondements de la politique américaine.

Blog diana
L’étude dont nous parlons est celle de Diana Gonzalez-Duclert dont la thèse vient de paraître dans la collection « Cinéma/Arts visuels » dirigée aux Editions Armand Colin par Michel Marie. La chercheuse américaine formée à l’Université de Columbia et à l’Ecole des hautes études en sciences sociales (dans l’équipe de Jean-Louis Fabiani) a su montrer comment, dans l’histoire du cinéma mondial et particulièrement du cinéma américain, des œuvres de fiction s’affirmèrent non seulement comme des succès commerciaux de divertissement mais aussi comme des événements politiques, intellectuels et sociaux qu’il est possible même d’articuler avec leurs pouvoirs de rupture esthétique, des film-événements en d’autres termes dont l’historienne et sociologue forme et invente la notion. Leur présentation au public engendra dans la sphère des médias et dans l’espace des pouvoirs, des débats nombreux, des controverses décisives, des affrontements aigus.

On a en a un exemple saisissant avec Le Secret de Brokeback Mountain (l'image de couverture du livre) et la capacité du film à porter vers le public une question essentielle, préparant des choix politiques décisifs comme la réélection, cette nuit du 6 novembre 2012, de Barack Obama.

Blog obama
Clin d’œil au président réélu : à sa première rencontre sentimentale avec Michelle Robinson future Ms. Obama et future First Lady, le jeune avocat du cabinet Sidley Austin de Chicago l’emmena au cinéma voir Do the Right Thing. Le film de Spike Lee (1989) appartient aux film-événements de Diana Gonzalez-Duclert. On imagine que la conversation du couple pour la première fois réuni participa de ces si nombreux débats, intenses et passionnés, politiques autant qu’esthétiques, qui fabriquent les film-événements.

Vincent Duclert

L'Amérique d'Obama, Acte II

Blog amérique héro
A six heures trente – minuit trente heure sur la côte Est -, est annoncée la réélection de Barack Obama, avec une confortable avance en nombre de grands électeurs, provisoirement 303 contre 203. Si la victoire s’est jouée dans les derniers jours, déterminant pour le président sortant qui sut incarner devant l’ouragan Sandy la dimension présidentielle à laquelle aspirent les Américains, elle repose aussi sur l’enracinement de Barack Obama dans le pays et la société, en d’autres termes sur la capacité de L’Amérique d’Obama à lui redonner sa confiance : la revue de géographie et de géopolitique Hérodote avait consacré en 2009 sa première livraison de l’année aux enjeux de la première présidence 225 p., 22 €). Malgré les désillusions qui se sont fait sentir dans son électorat, cette Amérique lui est resté fidèle et assuré sa réélection. La continuité de sa politique et de ses choix, même teintée d’un pragmatisme prudent que lui reprochèrent ses partisans les plus idéalistes, ont eu raison du challenger républicain et de ses engagements ultra-conservateurs. On ne peut que se réjouir de l’adhésion rationnelle majoritaire à une politique ouverte aux enjeux du monde et de la société américaine en mouvement. L’Amérique d’Obama a changé, elle s’est appropriée la victoire de 2008, elle n’a pas voulu la perdre en 2012 et laisser le pays aux mains d’une administration brutale et sectaire, dominée par une idéologie religieuse qui pouvait ébranler la liberté individuelle des Américains et leur capacité à réinventer leur destin de peuple pluraliste et multi-ethnique.

Vincent Duclert   

06 novembre 2012 | 

Paris vu par Hollywood

Blog paris holl
A la tête d’une impressionnante bibliographie personnelle, le spécialiste du cinéma Antoine de Baecque ajoute un nouveau titre à ses travaux. Commissaire de l’exposition Paris vu par Hollywood actuellement présentée à la mairie de Paris (rue Lobau, entrée gratuite mais longue attente assurée), il en dirigé aussi le très réussi catalogue (Skira-Flammarion, 288 p., 45 €).

Blog paris holl 2
Son introduction dévoile le point de vue intellectuel qui guide cette exposition sur Paris, aussi bien la ville capitale révélée par le cinéma hollywoodien que le film américain comme « expérience cinématographique urbaine » (selon Siegfried Kracauer) autorisant alors « une autre manière de regarder le cliché urbain de Paris : il renvoie moins à la ville en elle-même qu’à une pulsion projetée par sa fabrication fantasmée. Autrement dit : Paris parle plus du désir américain que de la capitale française. C’est de cette manière qu’on prendra le cliché à son propre piège, comme un révélateur cinématographique d’inconscient ».

Blog Paris holl 3
Et c’est un bien une ville cinématographiée que l’on découvre dans l’immense salle d’exposition traversée d'un écran suspendu qui projette des films mêlant leurs images à celles de Paris. Mais la capitale est aussi présente en que témoin de son histoire et de son époque. Les équipes de Monsieur Verdoux (Charles Chaplin, 1947) et Un Américain à Paris (Vincente Minnelli, 1951) ont travaillé à partir de collections originales de clichés, réalisées par des photographes français (dont Robert Doisneau), et qui ont forte une valeur ethnographique. Ces clichés sont l’une des richesses d’une exposition qui restitue la magie de la « ville lumière » reconstruite par Hollywood.

Vincent Duclert