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août 2012

04 août 2012

Le huit-centième ! Place à la flânerie dans l’écriture et les prairies

C’est le huit-centième billet du Blog des Livres.

Il est temps de songer à quelque brève vacance, pour goûter le temps de lire de bons ouvrages, et d’autre encore, avec une pensée particulière pour la ponctuation à laquelle Isabelle Serça, spécialiste de stylistique à l’université de Toulouse-Le Mirail, vient de consacrer un essai très réussi : Esthétique de la ponctuation, Paris, Gallimard, coll. « Blanche », 308 p., 23,50 €).

Blog serça
Le propos est lumineux. « Ecrire le temps, dit-elle, saisir le temps dans la forme que lui donne l’écriture ou comment toucher du doigt l’intangible en s’accrochant à ces prises minuscules que sont les signes de ponctuation. [...] Ce livre n'est ni un traité des signes de ponctuation en usage, ni un ouvrage sur la ponctuation à telle époque, dans tel genre ou chez tel auteur. C'est un essai qui pose la ponctuation comme un objet esthétique pour en faire la pierre de touche d'une expérience du temps dans l'écriture, tout particulièrement la prose romanesque : plaçant son objet au carrefour de plusieurs domaines, il les fait jouer ensemble en s'intéressant non seulement aux textes de Proust. Simon ou Gracq, mais aussi à des oeuvres d'artistes contemporains comme Parmiggiani ou Serra. C’est accorder un grand crédit à la ponctuation que de la poser comme un objet esthétique ; de même, en faire la pièce de touche d’une expérience du temps dans l’écriture nécessite quelques préliminaires pour justifier ce qui apparaît a priori comme une gageure. [...] Le parcours du lecteur de roman est alors rapproché in fine de celui du spectateur des installations de Richard Serra, celle du musée Guggenheim de Bilbao, The Matter of Time, ou celle qui a été proposée au Grand Palais en 2008, Promenade. Marcher dans la phrase, marcher dans le temps, marcher dans « La Matière du Temps » : la ponctuation marque les temps de la lecture comme elle marque les temps de la promenade du visiteur. Elle serait alors un des critères nécessaires de l'œuvre d'art. »

 

Blog ciel
Paru voilà déjà quatre ans, Ciel ! ma prairie nous avait bien charmé. Ces « aventures paysagères » contées par Dominique Louise Pélegrin est une belle flânerie dans les paysages et les grands et petits jardins qui composent la France, au travers des manières dont nous les adoptons, dont nous les vivons, au fil des plaisirs et des jours… (éditions Autrement, 207 p., 15,30 €)

Voici le moment de retourner au jardin. Rendez-vous le 3 septembre pour de nouvelles aventures de livres, d’auteurs, de sciences et de savoirs.

 

Vincent Duclert

 

Economie de l'euro

Blog coeuré
La Banque centrale européenne est à la peine. Son président, Mario Draghi, n’a pas réussi à relever le défi qu’il s’était fixé le 26 juillet dernier, quand il déclarait que la BCE était « prête à faire tout ce qui est nécessaire pour préserver l’euro ». Les mesures annoncées le 2 août, très en deçà des engagements, firent l’effet d’une douche froide sur les marchés.

Pour démêler les fils de l’économie de l’euro, on se tournera vers l’ouvrage d’Agnès Bénassy-Quéré et Benoît Coeuré paru aux éditions de La Découverte, et réédité en 2010 en intégrant l’analyse des conséquences de la crise financière. Cette synthèse est d’autant plus précieuse que le second co-auteur, économiste et haut-fonctionnaire, ancien directeur adjoint de la Direction générale du Trésor, est, depuis le 1er janvier, membre du Directoire de la BCE (Economie de l’euro, coll. « Repères », 128 p., 10 €).

V.D  

 

Entre Proust et Freud

Blog dorra
en 2005, Max Dorra s'intéressa aux relations de Proust et de Freud (en y ajoutant Spinoza). Son essai de psychanalyse interrogeait l’événement fondateur de leur œuvre », l’instant où tout redevient possible, où l’on s’extrait comme par enchantement des dispositifs qui enserrent et incarcèrent. Quelle petite phrase bouleversante au cœur au cœur d’un être (coll. « Connaissance de l’inconscient », série « Tracés », 2005, 291 p., 22,50 €) s’ouvrait sur une fulgurante phrase du Temps retrouvé : « Là où la vie emmure, l’intelligence perce une issue ». Voici que Jean-Yves Tadié poursuit l’enquête entre Proust et Freud avec Le lac inconnu publié dans la même collection et la même série dirigées par J.-B. Pontalis (189 p., 16,50 €)  

 

Blog tadié
« Ce que j'ai cherché, c'est à comparer deux intelligences, deux attitudes, deux comportements face aux hommes et au monde face à soi aussi. Comme si, des deux termes de la comparaison, des deux pôles de la métaphore, pouvaient, je l'espère, jaillir une étincelle, une idée, une impression poétique. Ainsi se souviendra-t-on toujours de l'un quand l'autre parle », explique l’historien de la littérature qui invite à la lecture d’une œuvre et de l’autre. Le titre est inspiré d’une citation de Marcel Proust (« … ce magnifique langage, si difficile de celui que nous parlons d’habitude et où l’émotion fait dévier ce que nous voulions dire et épanouir à la place une phrase tout autre, émergée d’un lac inconnu où vivent des expressions sans rapport avec la pensée et qui par cela même la révèlent. »)

Vincent Duclert 

 

Lettre au Physicien

Blog réda
Dédiés à l’astrophysicien (et romancier) Jean-Pierre Luminet, les poèmes de Jacques Réda feront le bonheur des physiciens et des autres. C’est en « collection blanche », aux éditions Gallimard (126 p., 16 €). « Nos cheminements sont divers », mais la langue poétique est une, rapprochant tous ceux qui veulent imaginer et penser, connaître et rêver. La Lettre au Physicien constitue le deuxième volet de La Physique amusante

V. D. 

 

Les bâtisseurs d'empire

Blog stanziani
Alessandro Stanziani s’est intéressé, dans un bel ouvrage des éditions Raisons d’agir (coll. « Cours et travaux »), au « point culminant dans la création de trois grands empires eurasiatiques : russe, chinois et indien », l’année 1689. A cette époque, en Europe, les grandes nations se déchirent et se ruinent. Une perspective monde originale et ambitieuse, qui s'attache aux « batisseurs » de ces empires, soldats, administrateurs, colons, seigneurs, afin d'expliquer l'émergence irrésistible du pouvoir oriental.

Vincent Duclert

Illustration de couverture : « Fuite de l’armée de Nawrüz Ahmad Shaybâni, Jami al-tawarikh, Rashid al-Din, vers 1430, BNF. 

 

La guerre d'Algérie expliquée à tous

Blog stora seuil
Benjamin Stora, dont nous avons récemment rendu compte de la réédition de ses trois volumes de synthèse sur l’Algérie– en coffret - à La Découverte, est l’un des premiers chercheurs par lequel ce pays et la guerre qui porte son nom sont devenus des objets historiques. Né à Constantive en 1950 dans une famille juive modeste, très bon connaisseur de la culture algérienne comme de celle des pieds-noirs, il a pourtant été débarqué de la responsabilité scientifique d'une exposition sur Albert Camus qui sera présentée à Aix-en-Provence à partir du 7 novembre 2013, jour où l'écrivain aurait eu cent ans. Il a été remplacé par Michel Onfray, auteur de notamment de L'ordre libertaire: la vie philosophique d'Albert Camus. La décision a été rendue publique de manière précipitée, il y a deux jours, sans que l’historien ni la ministre de la Culture et de la Communication n’aient été informés au préalable. La maire d'Aix-en-Provence et présidente de la communauté du pays d'Aix (CPA), Maryse Joissains Masini, a été déterminante dans cette réorientation, apparemment politique, du projet, Benjamin Stora semblant ne pas convenir aux anciens rapatriés d’Algérie, électeurs influents de la ville. On peut le regretter, sachant que les événements traumatiques ne peuvent s’apaiser, principalement, que dans l’histoire. Le dernier ouvrage de Benjamin Stora est une tentative d’explication de la guerre d’Algérie à la portée de tous (Le Seuil, 144 p., 8,10 €).

Vincent Duclert  

 

Edith et Rosa, de Paris à Alger

Blog hardy
La guerre d’Algérie est en arrière-fond du dernier épisode de la très belle série Agence Hardy imaginée par un vieux routier du scénario, Pierre Christin, dont le couple avec la dessinatrice Annie Goetzinger a été reformé pour l’occasion. Tous deux avaient enchanté les lecteurs de BD, il y a de nombreuses années, par leurs grands albums –en tout point- aux noms poétiques et aux histoires douces-amères de la Voyageuse de la petite ceinture, Paquebot, La Demoiselle de la Légion d’honneur, Charlotte et Nancy. L’Agence Hardy, qui met en scène un caractère de femme aussi trempé que les héroïnes précédentes, raconte les aventures d’Edith [Hardy], à la tête d’une petite agence parisienne de détectives privés.

Blog hardy 2
Les Diamants fondent au soleil
(Dargaud, 48 p., 11,99 €) nous plonge dans le passé tragique de l’Occupation, quand les rafles de la police française décimaient des familles juives entières. Au milieu de toutes injustices de l’existence surnagent des êtres résilients, qu’Edith va croiser et aider. Elle fait corps avec la ville, avec un Paris populaire déjà menacé.

Blog hardy 1
Au même moment, son jeune Victor qui l’assiste dans ses enquêtes, décide de partir en Algérie pour retrouver sa fiancée, disparue dans les soubresauts d’une guerre qui ne veut pas finir. Intercepté à sa descente de bateau sur le port d’Alger par des militaires passés dans le camp de l’OAS, il parvient à s’évader de la prison de Barberousse et retrouver Rosa, pigiste à Combat, détenue clandestinement dans une villa mauresque des hauts de la ville. Mais ils sont repris par les factieux. Ayant bouclé son enquête parisienne, Edith saute dans un avion pour Alger, retrouve son amant d’agent américain Jones, file avec lui le grand amour et obtient la libération du jeune couple amoureux. Romanesques à souhait, superbement dessinées, les aventures d’Edith survolent l’histoire et lui donnent le visage clair d’une héroïne éternelle.

Vincent Duclert

Dans une première vie, Pierre Christin a soutenu une thèse en Sorbonne sur le « Fait divers, littérature du pauvre ». 

 

01 août 2012

Les sciences camérales aujourd'hui

Blog lab
Bien que réapparues récemment à l’horizon de la recherche dans le sillage des travaux sur les savoirs d’Etat, « les sciences camérales sont-elles pour autant des sciences de gouvernement au sens contemporain du terme ? », s’interroge la politiste Pascale Laborier en ouverture des actes du colloque d’Amiens de 2004 centré sur cette problématique. Leur publication permet aujourd'hui d’établir un important savoir sur la question, un savoir non seulement international mais pluridisciplinaire - ici débuté par la réflexion d’Yves Cohen sur la notion de « gouvernementalité ». Ou comment Michel Foucault « déplace les sciences sociales » (PUF, coll. »CURAPP-ESS », 594 p., 25 €).

Vincent Duclert    

 

Le grand état-major financier

Blog nathalie
Préfacier de la grande étude de Nathalie Carré de Malberg sur les inspecteurs des finances en France de 1918 à 1946, Olivier Feirtag rappelle qu’il leur est revenu « la mission historique de reconstruire la France à jamais révolue de la Belle Epoque, [...] de porter le poids écrasant de la dette financière et morale, [...] de sortir la France des années 1930 de la plus grave crise économique de son histoire, [...] de donner corps à la fiction de l’Etat français sous Vichy dans le jeu de dupes de l’Occupation et de la collaboration [...], de restaurer et de moderniser l’économie nationale après 1945 ». Nul doute que ce « grand état-major financier » est armé pour affronter la crise de la dette et le défi du redressement. Encore faut-il le connaître et restituer ses pouvoirs comme ses pratiques, ses hommes comme ses carrières. C’est à cette tâche considérable que s’est attelée Nathalie Carré de Malberg, au moyen notamment d’une campagne impressionnante d’entretiens, de questionnaires, d’exploitation d’archives et données publiques et privées. Cette étude de plus de 700 pages a été publiée par le Comité pour l’histoire économique et financière de la France (45 €).

Vincent Duclert