Vous êtes sur BLOGS > le blog des livres « mai 2008 | Accueil | juillet 2008 »

juin 2008

10 juin 2008

Sauvons La Recherche, le CNRS et Claude Lévi-Strauss

Blog_levi_strauss Voici un extrait du communiqué, en date d'aujourd'hui, de l'association Sauvons La Recherche, appelant à toute une série d’initiatives contre le prochain Conseil d'Administration du CNRS, le 19 juin, seul habilité à décider de la restructuration de l’organisme. La référence à la pensée de Claude Lévi-Strauss est d'autant plus pertinente que paraît le volume des ses oeuvres en Pléiade (Œuvres, édité par Vincent Debaene, Frédéric Keck, Marie Mauzé et Martin Rueff, Gallimard, 2008, 2063 p., 71 €, prix de lancement 64 €). Pour quelques dizaines d'euros, on acquiert ainsi un savoir inestimable. V.D.

« Le gouvernement est en train d’essayer de mettre l'enseignement supérieur et la recherche sous son contrôle direct et au service de l'économie, incapable de comprendre que la science n’est pas un simple outil technique de production de richesses. Françoise Héritier, professeure au Collège de France, répond à cette conception: "Même des sciences humaines et sociales, on attend qu'elles rapportent ! Des bénéfices existent, mais ils sont de l'ordre de la compréhension et de la connaissance, ce qui est déjà énorme. Personne ne peut évaluer la valeur marchande de l'œuvre de Lévi-Strauss." De même Albert Fert (prix Nobel de Physique 2007) déclare : « Les chercheurs doivent être conscients des problèmes de société… mais on ne peut pas imposer une finalité stricte à la recherche ». Mais le gouvernement ignore ces évidences et continue sa marche forcée. Aujourd’hui, il a décidé de s'attaquer au CNRS, organisme de recherche de réputation internationale, car celui-ci pouvait jusqu'à aujourd'hui conduire une politique scientifique élaborée par des chercheurs et non par des politiques. Le gouvernement veut ainsi imposer un découpage du CNRS en instituts indépendants, dont la nomination des directeurs et les budgets seraient contrôlés directement par le pouvoir politique. Cela signifierait la disparition du seul opérateur global de la recherche fondamentale en France. Cette disparition entraînerait l'affaiblissement de tous les secteurs de la recherche publique, en particulier la recherche universitaire, puisque dans la plupart des UMR (Unités Mixtes de Recherche), un des partenaires est universitaire. L'inquiétude est particulièrement grande pour certains secteurs, tels que l'informatique ou les sciences de la vie, disciplines qui seraient chapeautées par des organismes à vocation de recherche essentiellement finalisée, au détriment de la recherche fondamentale. Quant aux SHS (Sciences Humaines et Sociales), leur présence au CNRS serait fortement réduite. » http://www.sauvonslarecherche.fr

09 juin 2008

Fromage et politique

Blog_fromage Ces derniers jours, presse et petits producteurs se félicitaient que le camembert de Normandie puisse retrouver son lien au terroir grâce à l’usage exclusif du lait cru et la réduction de moitié de l’aire géographique de l’appellation d’origine contrôlée. Le camembert est ainsi en première ligne sur le front de la lutte contre la normalisation européenne et mondiale des produits agro-alimentaires et rassemble, à travers le monde, les supporters du lien territorial et de la diversité. Pourtant, les guides et sites internet à propos du fromage colportent à l’envi les paroles du Général de Gaulle : « Comment voulez-vous gouverner un pays où il existe 246 variétés de fromage ? ». Il est frappant de constater les incertitudes de cette citation : le nombre des fromages y varie entre 246 et 600, 365 (autant que de jours) et 258 (nombre aussi mystérieux que 246) étant fréquemment prêtés à la déclaration du Général. Ce constat d’une impuissance centralisatrice face aux 300 pays rivalise paradoxalement avec une autre phrase célèbre : « Un pays qui produit plus de 365 sortes de fromages, ne peut pas perdre la guerre ». Si, apparemment, cette harangue fut prononcée en juin 1940, il est bien difficile de savoir si ce fut par la bouche de De Gaulle, de Churchill ou de l’un et de l’autre. Sans doute le fromage représente-t-il la tension française fondamentale entre variété et unité. Mais il est, à toutes échelles, porteur d’identité. Toutefois, les sciences humaines se sont peu penchées sur l’histoire de la construction du « pays du fromage », comme si ce sujet, aux connotations franchouillardes, ne pouvait être sérieux. La France fromagère (1850-1990) de Claire Delfosse, géographe à l’Université de Lyon 2 (Paris, La Boutique de l’Histoire éditions, 2007, 272 p.) nous fait découvrir l’histoire complexe de la production fromagère, qui aux temps de De Gaulle était plutôt une industrie tendant à la normalisation et à l’uniformisation, avant de devenir aujourd’hui une forme de résistance à la standardisation. A travers une enquête nationale et de multiples études de cas, on saisit les enjeux techniques, sociaux et politiques qui tissent depuis un siècle et demi les relations entre développement économique, patriotisme et fromage.

Marie-Vic Ozouf-Marignier, EHESS

07 juin 2008

Peut-on penser sans angoisse ?

Blog_grosman A l’heure où une question peut trouver des réponses en un clic, le dernier ouvrage d’Évelyne Grossman L’angoisse de penser (Les Éditions de minuit, coll. « Paradoxe», 2008, 156 p., 18,50 €) traite une problématique centrale de tous les écrivains-penseurs du XIX siècle : celle de l’angoisse de penser à travers l’écriture. Penser engage le je, le moi et les autres dans l’expérience intime de l’écriture ; penser oblige à faire face au vide et à son propre dépassement ; penser appelle à reformuler les questions. En s’appuyant sur la littérature, la philosophie et la psychanalyse à partir de la manière dont Blanchot, Derrida, Levinas, Lacan, Beckett ont pu décrire cette expérience limite de l’écrire et du penser, cet ouvrage en huit chapitres clairs et concis explore alors ce que nous pouvons en faire et ce qu’elle nous enseigne. Pourtant, il serait particulièrement réducteur d’inviter le lecteur à le lire d’urgence pour se rassurer de ses propres angoisses et boules à l’estomac comme le suggère la quatrième de couverture de l’ouvrage. Ce n’est pas son seul intérêt et ce, même s’il tombe sous l’évidence qu’il soulagera les angoisses de celles et ceux qui cherchent encore à penser, et donc à écrire. En effet, en dressant cette perspective passionnante et stimulante du rapport à l’écriture de l’écrivain, l’auteure invite aussi à découvrir ou à relire ces écrivains. On mesure à quel point penser prend du temps et un temps de plus en plus contradictoire dans un monde où l’action doit être rapide et accessible à tous. Penser, c’est mettre en jeu un je et le monde. Jaccottet écrivait « Quel esprit resterait assuré dans un monde si complexe et si frêle ? ». Tout simplement, cet ouvrage libère l’esprit à travers la lecture. Il donne envie à l’angoisse pour sortir de soi afin de re-penser librement le monde du XXI siècle, et d’éviter les pièges des idées simplificatrices de la compréhension du monde qui nous entoure et surtout le vertige que suscitent à l’âme ces actions trop rapides. Prenons alors le temps de digérer et de dépasser la crainte de la crainte pour redonner un sens et du temps à l’imagination.

Lynda Sifer Rivière, CERMES.

06 juin 2008

Les trois écritures

Blh_herren Avec Les trois écritures. Langue, nombre, code (Gallimard, coll. « Bibliothèque des sciences humaines », 2007, 510 p., 29 €), Clarisse Herrenschmidt propose un ouvrage ambitieux et érudit destiné à un large public de spécialistes. L’hypothèse principale est que trois inventions structurent l’histoire graphique de l’humanité, celle de l’écriture au IVe millénaire avant J-C à Sumer, celle de la monnaie frappée vers 620 avant J.-C, et celle de l’écriture numérique à partir de 1936. Ces trois « écritures » donnent à l’ouvrage son plan en trois parties. Dans la première partie, la plus longue et la plus élaborée, l’auteur pose sa thèse principale qu’à chaque système d’écriture correspondrait une manière de voir le monde. Pour étayer cette thèse, cette spécialiste de l’Iran ancien, propose une série de descriptions approfondies de l’écriture sumérienne à base de logogrammes, de divers alphabets consonantiques sémitiques et de l’alphabet grec. Mobilisant des données déjà bien établies, mais ajoutant aussi des présentations remarquables comme celle de l’histoire graphique de l’Élam, Clarisse Herrenschmidt propose d’interpréter chaque type d’écriture comme autant d’orientations philosophiques. Il y a certes des risques d’essentialisme dans cette façon de traiter les écritures mais le foisonnement des idées et des faits examinés dans l’ouvrage suffit à éviter toute théorie simpliste. Dans cette perspective, la mise à l’écart des écritures chinoises et japonaises pourra sembler regrettable au vu du degré de généralisation visé par l’auteur bien qu’elle soit tout à fait compréhensible d’un point de vue pratique. La deuxième partie porte sur l’écriture monétaire arithmétique et soutient l’idée que « la monnaie frappée fut le vecteur, c’est à dire le support signifiant, de l’écriture des nombres et de leurs rapports ». Là encore, la thèse est forte et originale : c’est en s’émancipant des langues que la mathématique se développe et ce sont les objets monétaires qui lui en donne l’occasion. La troisième partie tente de répondre à un défi difficile : présenter une description et une analyse de l’écriture électronique dans ses grands principes tout en cherchant à interpréter, au même niveau d’abstraction visé dans les deux autres parties, la mutation informatique et le développement d’Internet. L’auteur nous donne d’excellentes analyses de la machine de Turing et de ses avatars, s’interroge sur l’avenir des écritures réticulaires sans toutefois affirmer, on lui sera gré, de cette prudence, une thèse définitive. Ce sont les systèmes d’écriture plus que les usages qui sont au centre de cet ouvrage : la variété des faits examinés peut dérouter car le lecteur connaisseur des écritures peinera peut être face à l’histoire de l’informatique ou de la monnaie. Il faut donc consentir à suivre la ligne de crête très personnelle proposée par Clarisse Herrenschmidt, et son effort de dépassement des cloisonnements disciplinaires. Entreprise rare et risquée, l’ouvrage est aussi un lieu de dialogue entre linguistes, mathématiciens, historiens et informaticiens.

Béatrice Fraenkel, EHESS

05 juin 2008

De la vulgarisation scientifique à la médiatisation de la science

Blog_mediatisation_4 La victime prêche par ignorance. Ainsi est-on tenté de penser parfois face à la diabolisation des médias par certains scientifiques. C’est que le diable jaillit souvent davantage d’un savoir normatif (ce que devraient être les médias) que d’un savoir descriptif (ce que sont les médias). Conçu par des chercheurs spécialistes du discours médiatique, La médiatisation de la science apporte une nouvelle contribution à la compréhension des rapports entre Sciences, médias et société en s’attachant au discours médiatique sur la science tel qu’il est en France à propos du clonage, des ogm et des manipulations génétiques. (Patrick Charaudeau dir., La médiatisation de la science, Clonage, ogm, manipulations génétiques, Bruxelles, de Boeck,  2008, 128 p., 18,52 €)« Les médias colportent des informations fausses ou déformées par  rapport à la vérité scientifique » regrettent les victimes. Mais le « contrat de communication » et la « situation de communication » du discours scientifique, du discours didactique et du discours médiatique, rappelle Patrick Charaudeau, invitent à prendre acte des spécificités de chacun de ces discours en termes de finalité, d’identité des partenaires, de propos et de conditions matérielles. Ces spécificités ne sont pas à interpréter comme des sources d’erreurs introduites dans le discours médiatique par rapport à un discours scientifique originel, mais comme le signe de leur irréductibilité consubstantielle ou d’une « rupture et non-continuité entre le discours scientifique d’un côté et le discours de vulgarisation et de médiatisation de l’autre. » (p.19) Où résiderait dont cette rupture ? Dans l’exigence démocratique devenue constitutive de la médiatisation du clonage, des ogm et des manipulations génétiques. Dans le fait que l’utilisation de l’information scientifique et technique se fond dans le moule du débat social d’ordre éthique au sein de « l’espace public métaphorique » formé et construit par les médias (Suzanne de Cheveigné, « Dans l’arène des médias », in Les biotechnologies en débat. Pour une démocratie scientifique, Paris, Balland, 2002, pp. 63-115). La finalité citoyenne prime ici sur la finalité éducative.« Il s’agit moins de livrer des connaissances, d’expliquer de la manière la plus rigoureuse possible le fonctionnement des phénomènes de la vie, notent les auteurs, que de débattre autour d’une question de société. » (p. 7)

Julie Bouchard, CNRS

04 juin 2008

Espace(s), Littérature et création

Blog_espaces Un gardien de longitude plonge au fond de l’océan car les extra-terrestres qu’il attendait en vain ne sont venus que pour communiquer avec les dauphins, un cliché de la région de l’Himalaya représente la vocation de Saint-Mathieu du Caravage, un autre cliché des Andes chiliennes représente lui le Soleil levant de Turner, ailleurs, un chercheur rempote ses ficus avec des échantillons martiens…voici quelques fragments de carnet de notes que l’on peut découvrir dans :

le numéro 4 de la revue Espace(s) (19 €), le cahier de laboratoire de l’observatoire de l’espace du CNES. Comme à son habitude, la revue invite des écrivains contemporains à écrire une nouvelle liée à la thématique de l’Espace à partir de dix mots choisis à l’occasion de la semaine de la langue française : apprivoiser, boussole, jubilatoire, palabre, toi, visage… Nous y rencontrons aussi des auteurs et acteurs de théâtre, des danseurs, des musiciens, nous pouvons y écouter sur un CD des créations sonores, nous redécouvrons des textes d’auteurs anciens, Johannes Kepler ou Maurice Renard. Comme l’explique Gérard Azoulay, responsable de la rédaction de cette revue, l’Espace a trop longtemps été considéré comme le domaine exclusif d’une aventure scientifique et technique et ne semble pas avoir inspiré de mouvements artistiques ou littéraires. Pourtant, l’Espace fait dorénavant partie de notre quotidien et de notre culture. Revue à lire pour s’approprier l’Espace.

Frédérique Rémy, Legos-CNES

(voir www.cnes-observatoire.fr)

03 juin 2008

CNRS, suite

A la suite de la publication le 24 avril du post de Pascal Acot, « CNRS. L’honneur perdu de la section 35 », qui avait fait grand bruit, une collègue m’avait sévèrement critiqué pour avoir participé à l’éreintement du CNRS au moment où l’organisme est visé par une réforme cruciale pour son avenir. Cette responsabilité, qui est une vraie question, peut se reposer avec la diffusion, le 2 juin, sur des listes de diffusion, de l’appel à signer la lettre de soutien à Suzanne de Cheveigné dont vous trouverez le texte dans le premier commentaire de ce post. Vincent Duclert

Section 35 : épilogue. La commission de la section 35 a validé le classement stupéfiant de la commission d'admissibilité (voir mon post du 24 avril). De tels comportements, alors que le CNRS entre dans une zone de turbulences, laissent perplexe, au-delà de l'affaire elle-même. Ce genre d'autoritarisme crispé pourrait bien être le signe d'une inquiétante déliquescence de l'institution et de sa mission. Quelle aubaine pour ceux qui veulent la démanteler ! Et quelle tristesse pour les autres.

Pascal Acot, CNRS

Encore un livre à ne pas lire

Blog_langlois La quatrième de couverture de La Grande Eclaire, de Valérie Langlois (Actes Sud, 2008, 349 p., 21 €) m'avait alléché : elle annonce en effet que l'auteur a mené "une réflexion philosophique sur le fonctionnement quantique des mécanismes". Après un dossier consacré justement aux interprétations de la mécanique quantique (La Recherche, avril 2008), il était bien tentant de me plonger dans un roman pour m'aérer un peu l'esprit, tout en restant en terre familière. Hélas! La seule thèse que l'auteur semble avoir voulu défendre est que pour réellement comprendre la mécanique quantique, il est nécessaire de posséder des capacités supra-normales. Et que pour y accéder, rien de tel que de boire des décoctions d'une plante qui rend temporairement aveugle (pour ne plus voir que l'essentiel sans doute). J'ignorais que la chélidoine eut ces propriétés (personnellement, je m'en sers plutôt pour soigner les verrues), et je demeure dans le doute quant à la part d'invention de l'auteur sur ce point. Je ne demeure pas dans le doute en revanche quant à l'intérêt du livre : il est proche de zéro. Il ne suffit hélas pas d'avoir quelques idées pour faire un bon roman (un peintre qui tombe amoureux d'une aveugle, un étudiant qui suit à travers le monde le jeu de piste proposé par son vieux professeur) : le scénario est bâclé, les coïncidences téléphonées (ou intriquées quantiquement si on est indulgent), le dénouement prévisible. Quant au style, je ne résiste pas, parce qu'il faut bien rire un peu, à citer une phrase particulièrement remarquable : "Alessandra et Yannick se sont installés dans le sofa qui occupe le coin gauche de la grande pièce, mais tous les deux dans une posture très dynamique, les fesses au bord de l'assise, les idées prêtes à bondir." A méditer pour les prochaines réunions.

Luc Allemand, La Recherche

02 juin 2008

Les années d’extermination

Blog_friedlander Professeur à l’université de Californie (UCLA), Saul Friedländer prononcera, vendredi, dans le grand amphithéâtre de la Sorbonne, la prestigieuse Conférence Marc Bloch (sous l’égide de l’EHESS). Depuis quelques mois, la traduction (par Pierre-Emmanuel Dauzat) du second volume de L’Allemagne nazie et les Juifs est disponible aux éditions du Seuil : Les Années d’Extermination 1939-1945 (coll. « L’univers historique », 1033 p., 32 €). La somme, qui a été publiée l’année dernière aux Etats-Unis chez HarperCollins (et qui a été honoré du prix Pulitzer en 2008), établit et démontre les trois phases de l’extermination des juifs d’Europe, « Terreur, automne 1939-été 1941 », « Meurtre de masse, été 1941-été 1942 », « Shoah, été 1942-printemps 1945 ». Ce travail majeur se distingue de la première et indispensable recherche sur le sujet réalisée par un autre historien américain, Raul Hilberg (1926-2007), La Destruction des Juifs d’Europe (version française, en 1988, chez Fayard ; réédition chez Gallimard, coll. « Folio-histoire », 2006, 3 vol., 720, 896 et 832 p., 10 € chaque), par l’articulation entre l’analyse du processus bureaucratique de l’extermination nazie, l’examen du cadre idéologique imprégnant les acteurs et la connaissance des expériences de cet incommensurables par les Juifs d’Europe. C’est ainsi que, de la même manière que l’œuvre d’Hilberg, celle de Friedländer est exemplaire de la recherche en sciences humaines.

Vincent Duclert, EHESS

Blog_browning Abordant un des rouages méticuleusement exposés par Saul Friedländer, l’historien Christopher R. Browning a publié l’année dernière la traduction française des Origines de la solution finale sous-titrée : L’évolution de la politique antijuive des nazis septembre 1939-mars 1942 (Les Belles Lettres, coll. « Histoire », 640 p., 35 €). Il étudie dans cet ouvrage la genèse de la solution finale, à savoir la transformation de la politique raciale des nazis en mécanisme d’extermination d’un peuple. Et sa contribution s’inscrit dans un plus vaste programme, celui d’une histoire générale du génocide juif en plusieurs volumes conçue dans le cadre du mémorial Yad Vashem. V.D.

Blog_poznanski Sujet connexe mais d’une intensité historiographique forte, la question de la Résistance française et du sort des juifs est étudiée par la professeure de l’université Ben Gourion (Israël) Renée Poznanski. Déjà auteure d’une histoire des Juifs de France pendant la Seconde Guerre mondiale (Hachette, 1994, rééd. coll. « Pluriel », 2005), cette historienne et politiste signe une étude capitale, tant du point de vue de la méthode avec l’exploitation systématique de textes et témoignages jusque-là inconnus ou négligés que sur celui de l’apport des connaissances sur l’antisémitisme d’Etat et les ambiguïtés de la Résistance, quand bien même « revisiter ainsi d’un œil critique l’héroïsme de l’épopée résistante n’est pas chose aisée ». V.D.