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08 octobre 2012 |

Droit romain

J'ai profité d'un samedi maussade pour lire Le procès de Valérius Asiaticus que Christian Goudineau, professeur émérite au Collège de France (où il a longtemps occupé la chaire d'Antiquités nationales) a publié en 2011 aux éditions Actes Sud (440 p., 23€). Après Le voyage de Marcus (http://bit.ly/ThCNb3) et L'enquête de Lucius Valerius Priscus (http://bit.ly/SLOVes), c'est son troisième roman historique. Comme les deux autres, il se déroule au Ier siècle de notre ère, et pour une bonne partie en Gaule.

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Le scénario est cette fois fondé sur un fait rapporté par les historiens romains Tacite et Dion Cassius. En 47 de notre ère, Valérius Asiaticus, sénateur romain d'origine gauloise, né à Valence, fut jugé et condamné à mourir par l'empereur Claude. Il semble que Messaline, alors épouse de ce dernier, ne soit pas étrangère à la condamnation : elle convoitait les jardins que Lucullus avait créés à Rome, et qu'Asiaticus avait achetés. Les luttes de pouvoir et d'influence auprès de l'empereur n'étaient pas pour rien non plus dans la sentence, Asiaticus ayant été impliqué dans l'assassinat de Tibère, prédécesseur et neveu de Claude.

Christian Goudineau utilise l'artifice d'un narrateur marseillais, le philosophe Charmolaos, pour nous faire découvrir une fois de plus les institutions politiques de cette époque de transition : la Gaule est romaine, et romanisée depuis le règne d'Auguste, un peu moins d'un siècle auparavant, mais elle conserve quelques particularismes. Quant à Rome, même si l'empereur Claude est né à Lugdunum (Lyon), elle répugne encore largement à accepter la montée en puissance de la noblesse étrangère dans ses institutions. Valérius Asiaticus, qui fut deux fois consul, est emblématique de cette réciprocité : les territoires conquis par Rome ont hérité de son organisation et de sa culture, tandis que l'aristocratie qui gouvernait autrefois ceux-ci de façon autonome investi les institutions impériales.

Charmolaos est le parfait Huron : Marseille n'est pas une cité gauloise ordinaire, puisqu'elle a été fondée par les Grecs. Toutes ses références intellectuelles appartiennent à cet univers. Ni vraiment gaulois, ni vraiment romain (même s'il gagne la citoyenneté dans l'affaire), il découvre, et nous avec lui, autant le fonctionnement de Valence, capitale de la cité des Allobroges, que celui du pouvoir totalitaire romain.

On passe donc sans problèmes sur les quelques invraisemblances de l'histoire (quelques coïncidences vraiment trop improbables) et l'on se laisse porter avec plaisir de Marseille à Valence, puis à Rome. On aperçoit également au passage quelques aspects de la vie quotidienne, de l'alimentation (les protagonistes boivent en particulier force coupes de vin), des transports, etc. J'ai seulement été surpris de quelques expressions familières dans le récit, étonnantes sous la plume d'un philosophe, même s'il est censé ne tenir un journal que pour lui-même.

Et le dénouement, que l'on n'attendait pas, est un plaisir supplémentaire. Christian Goudineau a dû bien s'amuser à concevoir la machination complexe qu'il nous dévoile. Son plaisir est communicatif.

Luc Allemand

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