Après la crise
Après la crise économique et financière dans laquelle le monde a été plongé il y a peu, que se passe-t-il pour les individus en société ? L’exclusion, ou la refondation ? Les conclusions d’Après la crise du sociologue Alain Touraine méritent qu’on s’y arrête (Le Seuil, coll. « La couleur des idées », 204 p., 18 €). Première conclusion : les maîtres de l’économie seront obligés par l’Etat à tenir compte des réactions et des intérêts de la population. Deuxième conclusion : l’impossibilité de revenir au passé, à la situation antérieure des sociétés industrielles. Troisième conclusion : l’unique choix nécessaire réside dans la volonté de reconstruire un nouveau type de vie économique et sociale – plutôt que de s’abandonner aux crises jusqu’à une catastrophe finale. Quatrième conclusion, la plus importante selon l’auteur : l’appel aux droits universels de tous les êtres humains, droit à l’existence, droit à la liberté et à la reconnaissance par les autres de cette liberté, en même temps qu’à des appartenances sociales et culturelles qui sont menacées par le monde inhumain du profit. Cinquième conclusion : la transformation urgente de cette idée générale de respect des droits humains en de nouvelles formes, vivantes et pas seulement juridiques, des rapports sociaux. On doit aussi renouveler les mouvements féminins et la défense d’un développement durable.
Le sociologue plaide ici pour une réhabilitation, et même une invention, du politique comme valeur morale, c’est-à-dire la capacité de l’Etat, de la société, des personnes, à représenter l’intérêt général, la justice, la dignité, la paix. Il s’agit, pour tous et pour chacun, d’imaginer des possibles qui soient ceux de la liberté, de l’autonomie, de la fraternité et de la rencontre. Et tout ce qui modifie les systèmes de pouvoir, car c’est bien cela qui est en jeu, relève de la pensée et de l’action politiques. L’engagement des chercheurs se situe dans cette sphère d’invention du politique, d’imagination de la démocratie. Cet essai est donc doublement intéressant, puisqu’il aborde les situations les plus actuelles, et qu’il envisage les réponses les plus fondamentales en termes de philosophie et d’éthique. A crise insaisissable réponse morale. Car il y a une morale à penser l’horizon politique comme une libération individuelle et collective.
Vincent Duclert
Dans les remerciements, Alain Touraine salue chaleureusement Olivier Bétourné, nouveau patron du Seuil, qui avait encouragé le projet du livre présent, et qui permet à celui-ci d’être publié dans une maison où a été éditée « la première moitié de [la] vie professionnelle » de l’auteur.
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