2009. Lire et relire Darwin – 3
Installé à Down, à partir de 1839 Darwin travailla assidûment à sa théorie, dont la maturation dura deux décennies. En 1844, il en réalisa une ébauche, sans intention de la publier, sauf en cas de décès. La réédition française de ce texte date de 1992 et mérite d’être rappelée en cette année Darwin. (Charles Darwin, Ebauche de l'origine des espèces (Essai de 1844), Lille, Presses Universitaires de Lille, 1992.)
Il est intéressant de consulter cette ébauche pour bien percevoir l'ambition de Darwin. La courte introduction de Daniel Becquemont, qui a établi cette édition française, en la commentant et en révisant la traduction de Charles Lameere qui datait de 1925, est à cet égard très éclairante.
En 1844, Darwin a déjà posé les principaux fondements de sa théorie : « analogie entre sélection naturelle et sélection domestique, existence de variations favorables, lutte pour la vie, survivance, sélection à l'œuvre dans la nature par préservation et accumulation des variations favorables. » (Becquemont p. 15) En outre le plan de cette ébauche, annonce celui de l’origine des espèces par de nombreux points communs. Il reste que la comparaison des deux textes révèle une différence importante soulignée par Becquemont : Darwin, en 1844, ne croit pas à l’existence de variations nombreuses à l’état sauvage, c’est son travail sur les Cirripèdes en 1851 qui l’en convaincra et l’on sait combien le concept de variation est central dans la théorie de 1859.
Pendant les quinze années suivantes, outre le développement de ce crucial acquis théorique, Darwin accumula de nouveaux faits et affina sa conception de la sélection naturelle, tout en semblant toujours repousser la publication de la grande synthèse qu'il projetait. Il fallut l’arrivée de la théorie de Wallace pour le décider à publier son texte en 1859, … dans l’urgence.
Stéphane Tirard, Centre François Viète, Université de Nantes
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