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22 octobre 2008 |

Fritz Haber par David Vandermeulen

Blog_haber Le tome 2 de l’album de David Vandermeulen, Fritz Haber. Les héros (Delcourt, « Mirages », 2008, 156 p., 17,40 €) a été honoré par le Grand Prix de la bande dessinée des Rendez-vous de Blois. Nous en avions, dans La Recherche du mois de février (2008), publié la critique due à Anne Rasmussen, de l’université de Strasbourg.

Nous la republions ici.

C’est un étonnant pari que de proposer en bande dessinée une authentique biographie du chimiste allemand Fritz Haber (1868-1934), connu pour sa découverte de la synthèse de l’ammoniac, mais plus sûrement pour une funeste postérité, qui en fait l’initiateur de l’usage des gaz de combat dans la Grande Guerre. Après un premier volume intitulé L’esprit du temps, et en attendant la parution annoncée de trois autres tomes, cet album suit l’ascension de Fritz Haber dans la société impériale allemande, de 1908 à décembre 1914 : depuis sa collaboration avec Carl Bosch au sein de la firme BASF aboutissant au formidable développement industriel de la production synthétique de nitrates destinés à la fertilisation agricole, à son intronisation comme directeur du Kaiser Wilhem Institut de chimie-physique de Berlin – ce qui en fait un personnage majeur de la science allemande –, et jusqu’aux prodromes de la militarisation de la production chimique du Reich au service de l’effort de guerre. Le tableau des élites de l’Allemagne impériale est assez implacable : une société aristocratique et nationaliste, colonialiste et hiérarchique, où la judaïté du pourtant très patriote et militariste Haber n’est pas sans rendre difficile son intégration dans les sphères du pouvoir industriel et politique. Le titre de l’album évoque pourtant des « héros ». Faut-il ainsi désigner les personnalités d’envergure que côtoie Haber : Walter Rathenau, symbole de ces élites de la politique et des affaires, Chaïm Weizmann, le leader sioniste, ou encore Albert Einstein, l’ami proche d’Haber ? Ou faut-il plutôt voir dans « le culte des héros » un des caractères qui nourriront les démons de l’Allemagne du XXe siècle ? Le propos est servi par des vignettes d’une peinture aux tons sépia, qui font penser aux images du cinéma muet, avec des cartons intercalés et des sous-titres. Un procédé qui estompe tous les contours et les traits des personnages, et qui affirme ainsi un parti résolument esthétique autant qu’historique.

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Signalons aussi que le numéro d'octobre consacré aux Prix Nobel (en vente encore en novembre) contient un excellent article de Bernadette Bensaude-Vincent sur le Nobel décerné en 1918 à Fritz Haber et le scandale que cela causa. On attend les tomes suivants de Davide Vandermeulen où il traitera de cet épisode.

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