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11 mars 2008 |

Le livre « de science »

Comment renouveler le genre du livre « de science » ? Il est passé le temps de la connaissance pour la connaissance, tout comme celui de l’« apprendre en s’amusant ». Le filon du récit par un « savant » de son activité, occasion de « refiler » au lecteur un peu de bagage scientifique, s’épuise. L’amateur de sciences le plus passionné contemple sans appétit, l’arrivée du n-ième récit de la naissance de l’univers. Et si, concernant la « science », les livres vraiment intéressants n’étaient pas ceux de « vulgarisation » (avec tous les guillemets qu’il faut pour ôter à ce mot son caractère déplaisant) ? Et si, au lieu de suivre toujours les mêmes pistes balisées par les « vulgarisateurs », on allait voir du côté des écrits qu’échangent entre eux les « praticiens » de la  science ? Non pas les revues spécialisées qui donnent des résultats et ne disent pas comment se fait et se pense l’activité scientifique. Mais plutôt les actes des réunions que tiennent entre eux les praticiens quand ils se voient contraints de réfléchir à leur pratique. La médecine constitue à cet égard un domaine privilégié. Et le livre L’éthique clinique à l’hôpital Cochin. Une méthode à l’épreuve de l’expérience » (coordination Véronique Fournier et Marie Gaille), publié en novembre 2007 non pas « en ville » mais par l’Assistance Publique (et disponible sur http://www.ethique-clinique.com/brochures.html), est paradigmatique de l’intérêt que peut trouver l’honnête homme à lire les publications « internes ». On y voit, plus que dans la saga indéfiniment ressassée des trous noirs, la rationalité en acte, la « méthode scientifique » en application : comment, en s’appuyant sur un petit nombre de « principes » théoriques supposés universels, il est possible de trouver une solution adaptée à des cas par définition singuliers (il s’agit de vie et de mort), au terme d’une « délibération » au cours de laquelle sont privilégiés l’exposé des doutes et l’énoncé de toutes les possibilités techniquement réalisables. On comprendra alors l’importance qu’il conviendrait d’attacher -- parce que c’est une des composantes de la fameuse « formation de l’esprit scientifique » -- à une « vertu » : la « prudence », autrement dit, l’art d’ajuster par un processus réciproque les principes généraux et l’analyse des singularités.

Françoise Balibar, université Paris 7- Denis Diderot

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