Planck, J-2
Je suis privée de Kourou :(
Malheureusement pour moi, les reports de lancement ont fait tomber la date pile la semaine où je ne peux pas m'absenter pour cause de raison "familliale". Les heureux parents d'enfant en bas-age sauront de quoi je veux parler... En plus hier matin, j'ai apercu la mort dans l'âme depuis les fenêtres du RER-B quelques collègues trainant leurs valises à Antony direction Orly et donc la base de Kourou. Quant à moi je verrai la fusée décoller soit à l'IAS avec les copains, soit au siège de l'ESA à Paris (où ça risque d'être un peu moins fun !).
Apparemment tout le monde est bien arrivé à Kourou où il fait super humide, c'est toujours ça de commun avec Paris! Je dit tout le monde car il y a effectivement pas mal de monde qui a fait le voyage. Presque tous les ingénieurs et techniciens qui ont travaillé sur "petit-HFI" à l'IAS sont du voyage. C'est normal, certains ont passe 10 ans de leur vie professionnelle sur le projet. Les échelles de temps mises en jeu dans la réalisation des satellites pour l'astronomie sont d'environ 15 ans. On a donc 1 voire 2 chances dans sa vie professionnelle de voir un lancement. Ce n'est pas le cas des expériences d'exploration de Mars beaucoup plus nombreuses. Il ne me reste donc que 2 choix: travailler sur Mars ou participer a une nouvelle expérience de cosmologie!
Cela fait très bizarre de se dire que "petit-HFI" va s'envoler jeudi dans deux jours. Tout le travail préparatoire réalisé depuis 1993 va se transformer en une réalite de bits de données que l'on va pouvoir
analyser quand Planck-HFI fonctionnera, c'est a dire quand la température du système de refroidissement aura atteint 0,1K.
L'objectif scientifique principal de Planck est la mesure du rayonnement fossile aussi bien sa brillance (ou température) que sa polarisation. En fait, plus que la température du rayonnement fossile ce sont les variations de température (fluctuations) de 1/1000000 autour de sa température moyenne qui nous intéressent. D'où la nécessité d'avoir des détecteurs ultra-sensibles et donc refroidis à très basse température. Ces fluctuations de température sont les vestiges des perturbations de matière a l'origine des structures cosmiques (les galaxies et amas de galaxies). Elles nous renseignent aussi sur les ingrédients cosmiques (matière noire, matière ordinaire, etc) ainsi que la structure et l'évolution de l'univers.
Ce sont ces questions : Quelle est l'origine des structures ? Quel est le contenu de l'univers ? Quelle est sa forme?, que l'on va chercher à résoudre avec Planck. Pour ce faire, une collaboration de près de 400 scientifiques dans une dizaine de pays vont mettre en commun leurs expertises (la physique de notre galaxies, la physique des galaxies infra-rouge ou radio, les amas de galaxies, la théorie, l'instrumentation, les méthodes statistiques, etc) pour analyser le signal de Planck et remonter au signal cosmologique primaire que nous recherchons tous, celui laissé par l'inflation.
Le traitement des données de Planck est un défi presqu'aussi grand que le défi instrumental. Marian, Hervé et moi reviendrons dessus plus tard. Dans l'immédiat, je dois revenir à mes urgences (une téléconference, des rapports, un programme scientifique à établir) ... non, nous ne nous tournons pas les pouces en attendant le lancement!
Rédigé par : Etienne Parizot | 13/05/2009 à 00:08
Chère Nabila,
je suis bien triste pour toi d'apprendre que tu ne pourras pas être de la fête à Kourou. C'est un événement bien rare, en effet, dans une carrière de chercheur...
Outre le vrombissement d'Ariane 5, ce magnifique instrument va vibrer pendant le décollage de la ferveur passionnée et de la généreuse énergie de ses nombreux contributeurs. Je n'en fais pas partie, mais je trouve la mission Planck magnifique, et mes yeux pétilleront quand même ! ;-)
Une grande partie de mes collègues cosmologues de l'APC sont déjà à Kourou, eux-aussi. Mais pour les autres... si les petits fours de l'ESA ne te disent pas plus que ça, je te propose de nous rejoindre à l'APC : nous allons retransmettre le lancement en direct, avec une diffusion instantanée dans Second Life, où nous ouvrons aussi la Maison de l'astroparticule (http://www.apc.univ-paris7.fr/SPIP/article.php3?id_article=545). Il y aura quelques animations, et même une réplique virtuelle en 3D de votre bel instrument ! Si tu veux, tu pourras même nous parler dans Second Life de ton expérience sur Planck au long de ces années, et participer aux échanges avec les invités réels et virtuels ! Qu'en dis-tu ?
En tout cas, bravo pour ton message et pour tout votre blog. J'en profite pour saluer les collègues de l'IAS !
À bientôt, et... bonne route à Planck !!!