Prix Nobel de la Paix : des chercheurs, universitaires et intellectuels en faveur de Ragıg Zarakolu
La semaine des Prix Nobel
est riche en annonces. Demain seront révélés le, la ou les lauréat (e) (s) du Prix
Nobel de la Paix. On se souvient qu’en octobre 2009 La Recherche avait publié tout un dossier sur le
système des Prix Nobel scientifique (Les prix Nobel, 114 p., 6,40 €). Récemment
vient de paraître un essai de « sociologie d’une élite transnationale »
de la politiste Josepha Laroche (Liber, 184 p., 20 €).
A la veille de la désignation du lauréat 2012 du Prix Nobel de la Paix, la candidature de l’éditeur indépendant et défenseur des droits humains Ragıp Zarakolu est défendue par un ensemble de chercheurs, universitaires et intellectuels du monde entier.
Six des co-fondateurs * du Groupe international de travail (GIT) « Liberté de recherche et d’enseignement en Turquie » ont lancé un appel en faveur de l’obtention par Ragıp Zarakolu, éditeur, intellectuel et combattant des droits humains en Turquie, du Prix Nobel de la Paix.
* Hamit Bozarslan, directeur d’études à l’Ecole des hautes études en sciences sociales/EHESS (histoire, sociologie), Yves Déloye, professeur à Sciences Po Bordeaux et à l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne (science politique), secrétaire général de l’Association française de science politique, Vincent Duclert, professeur agrégé à l’EHESS (histoire), Diana Gonzalez, enseignante à Sciences Po Paris (sociologie, esthétique), Emine Sarikartal, doctorante à l’université de Paris-Ouest, traductrice et éditrice (philosophie), Ferhat Taylan, doctorant à l’université de Bordeaux et traducteur (philosophie).
Ils ont été rejoints sur cette liste inaugurale par :
Alexis Govciyan (President of the Coordination Council of French Armenian Organizations (CCAF) and President of Europe de la mémoire) ; Dr. Dalita Roger-Hacyan (Associate Professor of English Language, Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, France) ; Dr. Roger W. Smith (Professor Emeritus of Government at the College of William and Mary in Virginia, USA, Co-founder and Past President of the International Association of Genocide Scholars).
Dr. Salih Akın (Associate Professor of Linguistics, Université de Rouen) ; Dr. Janine Altounian (Researcher, Translator) ; Dr. Derya Bayir (Independent Scholar and Lawyer, UK) ; Dr. Avner Ben-Amos (Professor of History, Tel Aviv University, Israel), Johann Bihr (Reporters sans frontiers [Reporters Without Borders], Head of Europe & Central Asia Desk), Dr. Faruk Bilici (Professor of History, INALCO, France) ; Dr. Martin van Bruinessen (Emeritus Professor of Comparative Studies of Contemporary Muslim Societies, Utrecht University, Holland) ; Dr. Cengiz Cağla (Associate Professor of Political Science, Yildiz University, Turkey) ; Dr. Etienne Copeaux (Historian, GREMMO, France) ; Dr. Caroline Finkel (Honorary Fellow, University of Edinburgh, UK) ; Dr. Andrea Fischer-Tahir (Research Fellow at the Zentrum Moderner Orient Berlin, Germany) ; Dr. Zeynep Gambetti (Associate Professor of Political Theory, Boğazici University, Turkey, Co-founder of GIT Turkey) ; Dr. Zeynep Kadirbeyoğlu (Associate Professor of Political Science, Boğazici University, Turkey) ; Dr. Ali Kazancigil (Co-director of the journal Anatoli, Political Science) ; Dr. Raymond Kévorkian (Professor, Institut Français de Géopolitique, Université Paris 8-Saint-Denis) ; Dr. Michel Marian (Lecturer, Sciences Po Paris, France) ; Dr. Claire Mauss-Copeaux (Historian, GREMMO, France) ; Dr. Claire Mouradian (Senior Research Fellow in History, CNRS France) ; Dr. Esra Mungan (Assistant Professor of Psychology, Boğazici University, Turkey); Dr. Leyla Neyzi (Professor of Arts and Social Sciences, Sabancı University, Turkey) ; Ozden Ocak (PhD Candidate in Cultural Studies, George Mason University, USA) ; Zeynep Oguz (Ph.D. Candidate, Harvard University, USA) ; Séta Papazian (President of Collectif VAN, France) ; Dr. Hélène Piralian-Simonyan (Psychoanalyst and Writer, Founding Member of AIRCRIGE France) ; Dr. Yasar Ozan Say (Visiting Lecturer, Department of Anthropology, Bridgewater State University, USA) ; Dr. Gürel Tüzün (History Foundation, Turkey) ; Dr. Gündüz Vassaf (Psychologist, writer) ; Dr. Ipek K. Yosmaoğlu (Assistant Professor, Northwestern University, USA).
Le texte de l’appel a été rédigé en anglais et il est disponible dans sa version intégrale (et daté du 26 septembre 2012) sur les sites du GIT France (www.gitfrance.fr) et Initiative (www.gitinitiative.com)
Voici quelques éléments des arguments avancés à l’appui de la demande d’obtention du Prix Nobel pour Ragıp Zarakolu, éditeur indépendant et combattant des droits humains en Turquie.
Ragıp Zarakolu est né en 1948 à Büyükada, près d’Istanbul, alors que son père Remzi était sous-préfet de l’île. Ragıp a grandi parmi les membres des communautés grecque et arménienne de Turquie. En 1968, il a commencé à écrire pour les revues Ant (« Le Serment ») et Yeni Ufuklar (« Nouveaux Horizons »). En 1971, Ragıp Zarakolu est poursuivi pour « relations clandestines avec Amnesty International » et passe cinq mois en prison. En 1972, il est à nouveau condamné à deux ans de prison, qu’il a accomplis au centre de détention de Selimiye (Istanbul) pour un article dans Ant sur Ho Chi Minh et la guerre du Vietnam ; il est libéré en 1974 à la faveur d’une amnistie générale. Il s’engage plus à fond dans la défense de la liberté de pensée, seul moyen d’assurer l’expression de la diversité des pensées et des cultures de Turquie ». Avec sa femme, il crée en 1977 les éditions Belge (« Documents »), puis cofonde le quotidien Démokrat dont il prend la direction de la section « étranger ». Jusqu’au coup d’Etat de 1980, les éditions Belge avaient surtout publié des livres académiques et théoriques. Puis, Belge a commencé à publier une série de livres écrits par des prisonniers politiques : recueils de poèmes, nouvelles, romans. La liste des publications de Belge inclut aussi des traductions de la littérature grecque, des ouvrages sur la question arménienne et les Juifs en Turquie. De nombreuses publications concernent également la question kurde en Turquie. Parmi les livres relatif génocide arménien, figurent les traductions des études classiques d’Yves Ternon et de Vahakn Dadrian interdites en Turquie, l’ouvrage de George Jerjian, La Vérité nous délivrera : Arméniens et Turcs réconciliés, et celui de Dora Sakayan, Un Médecin arménien en Turquie, Garabed Haztcherian, qui a valu de nouvelles accusations en 2005. En novembre 2007, Zarakolu publie le livre de David Gaunt, Massacres, Resistance, Protectors sur le génocide des Assyriens.
Cette activité éditoriale à l’importance politique, intellectuelle et morale considérable fait de Belge une cible permanente de l’ultra-nationalisme fréquemment au pouvoir en Turquie. Les éditions Belge ont été la cible de la censure turque depuis leur création par Zarakolu et sa femme Aysenur. Les charges ont valu au couple des peines d’emprisonnement, la confiscation et la destruction des stocks de livres, et de lourdes amendes. Ragıp Zarakolu a été brièvement emprisonné en 1982, en raison de sa position dans Demokrat, puis expulsé du pays jusqu’en 1991. En 1995, le siège des éditions Belge a subi un attentat à la bombe, perpétré par un groupe d’extrême droite. Depuis le décès prématuré de sa femme en 2002, suite à des emprisonnements successifs, les poursuites judiciaires ont continué contre Ragıp Zarakolu. Refusant cette destruction méthodique des droits civiques et de la liberté d’expression en Turquie, Ragıp Zarakolu s’implique dans leur défense. En 1986, il compte parmi les 98 fondateurs de l'Association des droits de l'Homme de Turquie (IHD). En 2007, il accède à la présidence du Comité pour la liberté de publication de l'Union des éditeurs de la Turquie (TYB). Il est également le représentant en Turquie du Comité pour la liberté de publication de l'Union internationale des éditeurs (IPA), et le président du comité pour les écrivains emprisonnés du PEN-Club International en Turquie.
Le 28 octobre 2011, Ragıp Zarakolu suivant de quelques semaines son fils Deniz, est arrêté à Istanbul par la police antiterroriste. Libéré après plus de cinq mois de détention préventive, il reste inculpé en vertu de la loi anti-terreur. Une mobilisation internationale considérable l’a entouré dès sa garde à vue. Elle s’exprime aujourd’hui à travers un appel solennel au Comité Nobel d’Oslo.
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