Rêves de savants
La France de l’entre-deux-guerres fut le théâtre d’une effervescence inventive en tout genre, à mi-chemin du progrès scientifique, de l’innovation technique et du concours Lépine. C’est le triomphe de la découverte, et une occasion pour le « génie français » de renaître après la guerre industrielle et les traumatismes de 14-18. Une institution nouvelle est même créée en 1922, l’Office national des recherches scientifiques, industrielles et des inventions - auquel est rattachée la Caisse des recherches datant de 1901. Ce n’est pas à proprement parler le futur CNRS. C’est surtout l’apogée d’une politique républicaine de l’invention commencée avec la Commission des inventions intéressant les armées de terre et de mer (octobre 1887), et intensifiée durant la Grande Guerre grâce aux efforts de Paul Painlevé et d’Albert Thomas : la commission se mue en direction du ministère de l’Instruction publique, puis en sous-secrétariat d’Etat aux inventions rattaché au ministère de l’Armement. Sous la houlette de son patron, le député Jules Breton, l’Office se spécialise dans la recherche appliquée et multiplie la création de laboratoire d’essais,souvent sans rapport les uns avec les autres, notamment le fameux site de Bellevue en région parisienne, sur les hauteurs de Meudon, d’où sortent maint prototypes.
Cette histoire et ce laboratoire fait l’objet d’un ouvrage superbement illustré, très érudit et rédigé avec autant d’humour que de brio par l’historien Denis Guthleben, attaché scientifique au Comité pour l’histoire du CNRS. Il a exhumé en particulier une collection unique de clichés photographiques (sur plaque de verre) qui retracent ce moment français de l’invention. Celui-ci prend fin à la veille de la Seconde Guerre mondiale avec la naissance, en 1939, du CNRS. L’Office a vécu. Sa mémoire, longtemps tenue en piètre estime au regard des enjeux de la recherche pure et de la Big Science, est ici restituée dans Rêves de savants. Etonnantes inventions de l’Entre-deux-guerres, un beau livre des éditions Armand Colin conçu en collaboration avec le CNRS (160 p., 25 €).
Vincent Duclert
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