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03 novembre 2010 |

Les soixante-dix sept erreurs de Madame Bigabanga

Blog luc 2 
J'aurais aimé apprécier Les sept coups de génie de madame Bigabanga de Jean-Noël Fenwick (Albin Michel, Universcience, 2010, 220 p. 15 €). Le projet annoncé en sous-titre, « Du Big bang à la naissance de l'homme, l'histoire de l'univers en 200 pages » est en effet alléchant. Et l'avant-propos, profession de foi d'un autodidacte amateur de science, plutôt sympathique. Un homme qui affirme sa curiosité pour le monde qui nous entoure et sa foi dans la science pour comprendre celui-ci ne peut pas être complètement mauvais. Quand en plus son enthousiasme le pousse à partager ce qu'il a compris avec ceux qui, comme lui, n'ont pas fait d'études scientifiques, on est admiratif.

Hélas, dès le premier chapitre, la catastrophe est avérée. Le soupçon pointe quand l'auteur fait du Big Bang l'instant zéro de l'Univers. Admettons : ce n'est pas le premier à faire ce type de raccourci. Mais il écrit plus loin (page 29) : « Il est important de savoir que le phénomène du Big Bang se produit dans le néant. Si vous le désirez, vous pouvez parfaitement vous représenter le néant comme de l'espace absolument vide, froid et sombre à l'infini ». Je sursaute. Je suis vaguement rassuré quand il se reprend, juste après, en précisant que « le néant n'est pas un espace ». Mais c'est pour rester sans voix quand je lis, à la fin du même paragraphe : « L'important reste que si le néant n'a pas d'existence, il a néanmoins une température »!

C'est vrai, le début de l'Univers, c'est compliqué : de l'espace qui s'étend dans rien (pas dans le néant, vraiment dans rien) c'est difficile à concevoir. Et le refroidissement lié « simplement » à l'expansion du vide, ce n'est pas une situation que l'on retrouve tous les jours. Je continue donc ma lecture. Mais c'est pour trouver à la page 43, à propos des trous noirs, que « la lumière qu'ils tendent à émettre étant constituée de photons, particules ayant une masse, un poids, et donc soumises à la gravité, cette lumière potentielle reste prisonnière de leur incroyable attraction... ». Des photons massifs? Diable! Et la courbure de l'espace temps au voisinage d'une masse, ça ne vous dit rien?

Par acquis de conscience, j'ai sauté au dernier chapitre, « Du rongeur à l'invention de l'écriture ». Un ensemble de périodes sur lesquelles j'ai quelques repères. Des sujets qui font appel à des concepts moins complexes que la cosmologie. Session de rattrapage en quelque sorte. Mais c'est pire encore. Ainsi lit-on page 134 : « Que l'écureuil soit lui aussi un primate devrait en dire plus qu'un long discours décrivant l'ensemble de cette branche évolutive ». Cela en dit surtout long sur le soin que l'auteur a mis à se relire! Et ça continue : il identifie d'une phrase proconsul et dryopithèque ; il place le nakalipithèque de 10 millions d'années comme « ancêtre commun, et avéré cette fois, du gorille, du chimpanzé, du bonobo et de l'homme » (je connais quelques paléontologues qui seraient heureux d'en savoir aussi long) ; il écarte les australopithèques de la lignée humaine ; n'évoque même pas Ardipithecus ni Orrorin ; etc. Je passe les inepties qu'il écrit sur Neandertal.

Vaincu, je me suis arrêté là. C'est raté, M. Fenwick. Une lecture par deux ou trois connaisseurs de la science aurait pourtant suffit à éliminer 99 % de ces erreurs grossières.

Et là, je me pose quand même une question. Que les éditeurs d'Albin Michel se contentent du nom d'un auteur connu par ailleurs pour le phénoménal succès des « Palmes de M. Schutz », et ne se préoccupent pas de la validité de ce qu'il raconte, on peut le comprendre : leur mission est avant tout de gagner de l'argent. Pas d'éduquer les foules. Mais à quoi les responsables des co-éditions d'Universcience occupent-ils donc leur temps? Il faut croire qu'ils ont mieux à faire que de lire les livres sur lesquels ils apposent leur marque. Cet organisme public, qui regroupe la Cité des Sciences et le Palais de la Découverte, porte un bien mauvais coup à sa mission en cautionnant cet ouvrage.

Luc Allemand

 

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Commentaires

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Quel Bonheur!! la Pataphysique ressuscitée!!!!!!!!!!!

 

Lecteur de votre revue et amateur de sciences, je trouve que vos attaques contre le livre de M.Fenwick sont à la fois excessives et malveillantes. J'ai pour ma part acheté ce livre et l'ai trouvé très instructif. J'y ai appris beaucoup de choses et je l'ai trouvé très clairement écrit. Je tenais à en témoigner.

 

Tout est donc pour le mieux dans le meilleur des mondes : que les lecteurs férus de science se fassent une opinion par la lecture des échanges ci-dessous (je leur conseille de les lire par ordre chronologique, c'est-à-dire du bas vers le haut ) et que les 'néophytes' , auprès desquels M. Allemand me paraît au demeurant avoir peu de pouvoir de préconisation, sachent que mon livre a obtenu l'aval de scientifiques qualifiés qui en ont, bien entendu, lu les épreuves avant parution.

Jean-Noël Fenwick

 

Je le confesse, j'ai adopté dans ma critique un ton railleur probablement blessant pour M. Fenwick, qui croyait bien faire en écrivant ce livre. Cela ne justifie toutefois pas qu'il persiste dans ses erreurs (la masse du photon!), ni qu'il me prête des intentions que je n'ai pas (dans le débat sur la place évolutive des australopithèques par exemple : j'ai simplement écrit qu'il y a un débat, et qu'il n'est pas correct de le passer sous silence ; et que même dans le cas où M. Fenwick aurait choisi de décrire exclusivement la position de certains spécialistes, il devrait être cohérent et rendre compte de l'intégralité de leurs propositions).

Je ne répondrai pas plus, cela ne sert manifestement à rien. Les lecteurs un peu instruits en science que ces échanges intéressent, et qui désireraient se faire une opinion par eux-mêmes, pourraient lire son livre (quoique les citations qu'il en fait ici lui-même sont déjà instructives). Mais j'en déconseille fortement la lecture au public apparemment visé, les néophytes.

 

Dans la critique de mon livre Les sept coups de génie de Madame Bigabanga, publiée par vous, M. Allemand dans le blog de votre revue, le 3 novembre dernier, on trouve les phrases suivantes :

"Hélas, dès le premier chapitre, la catastrophe est avérée".../...Je passe sur les inepties qu'il écrit sur Neandertal.../..."C'est raté, M. Fenwick. Une lecture par deux ou trois connaisseurs de la science aurait pourtant suffit à éliminer 99 % de ces erreurs grossières".../... "Uniscience, cet organisme public qui regroupe la Cité des Sciences et le Palais de la Découverte, porte un bien mauvais coup à sa mission en cautionnant cet ouvrage".

Vous écriviez donc en substance que ce livre était bourré d'erreurs et indiquiez que les exemples cités par vous étaient pris au hasard parmi une multitude.
Mais d'erreurs, pour appuyer un jugement aussi sévère et définitif, vous n'en aviez caractérisé dans votre article que six.
Je ne saurais supposer qu'en effet vous ayez voulu écrire qu'une correction attentive aurait évité 5,94 erreurs (99% de 6), ce qui eut été un très curieux calcul.

Force me fut donc de conclure que vous aviez tentrepris de gonfler subjectivement, de façon "impressionniste", le nombre d'erreurs supposées, de les porter à cent, ce que d'ailleurs votre titre "les 77 erreurs de M. Fenwick" ne pouvait que confirmer.

Voici ce que j'appelle une manoeuvre intellectuellement malhonnète, une forme de rédaction destinée manifestement à nuire, à noircir le tableau. Vous auriez écrit ou titré "Quelques erreurs secondaires regrettables dans un récit documenté et globalement exact", l'impression produite n'aurait pas été la même.
Or, par ailleurs, pas un seul trait positif dans votre article, ni sur le fond, ni sur la forme. Rien pour contrebalancer l'effet déplorable des phrases que je cite plus haut.

C'est ce qui, il y a presque un mois, m'a décidé à répondre de façon circonstanciée à ces critiques, à ces six supposées erreurs.

Désormais, dans votre réponse bien tardive, M. Allemand, vous ne conservez plus que trois d'entre elles. Pour laisser les trois autres dans l'ombre, vous indiquez simplement "je ne répondrai pas à tous les points, les ayant déjà critiqués", semblant négliger que je les aie réfutés en citant contre-arguments et références.

Notons M. Allemand, que vous vous réclamez désormais de la simple compétence scientifique de "journaliste professionnel vérifiant et recoupant ses sources" pour asseoir votre expertise. Cette humilité vous honore et j'en prends acte. C'est important pour vos lecteurs qui pourraient penser que vous soyez bardé de diplômes dans tous les domaines où vous vous permettez d'établir des jugements.

Notons également que vous faites un communiqué sur Twitter pour attirer l'attention sur la réponse que vous me faites, en ajoutant : "Pire que navrant".

Rouvrons donc le dossier des trois seules erreurs "grossières" qui subsistent à présent dans votre dernière intervention, celles qui, induisant gravement le lecteur en erreur, seraient de nature à disqualifier l'ensemble d'un récit, le mien, allant du big bang à l'apparition des civilisations humaines et synthétisant plusieurs milliers d'informations scientifiques.

On notera que pour ce qui est du photon et, en quelque sorte pour me river mon clou, vous écrivez désormais : " La masse du photon est nulle, et c'est d'ailleurs ce qui lui permet d'aller à la vitesse de la lumière dans le vide".

C'est risible. D'abord parce que c'est un pléonasme. Photon et lumière sont une seule et même chose. Vous établissez donc que la nullité de la masse du photon lui permet d'aller aussi vite qu'un... photon. M. de La Palisse n'aurait pas mieux dit. Et rien démontré de plus.

Ensuite, parce que la seule chose qui empêche quoi que ce soit d'approcher, d'égaler ou de dépasser la vitesse de la lumière est le caractère corpusculaire, matériel, massif de l'objet propulsé. Il a été donné comme exemple célèbre la comparaison dite de la paire de ciseaux. Quand on ferme à vide une paire de ciseaux, le point d'intersection des deux lames, comme on sait, se déplace vers les pointes. Plus la vitesse de fermeture de la paire de ciseaux augmente, plus la vitesse de déplacement du point d'intersection augmente. Or cette vitesse peut parfaitement atteindre et dépasser la vitesse de la lumière! Car il s'agit de quelque chose d'immatériel.

Le photon est la particule qui compose les ondes électromagnétiques, des ondes radio aux rayons gamma en passant par la lumière visible. Il se diffuse, comme une onde et non comme un grain, dans toutes les directions à la fois.

Si le photon peut atteindre mais non dépasser la vitesse de 299 792 458 m/s c'est précisément parce qu'il est matériel, que quelque chose dans son existence limite sa vitesse. Comme c'est la particule élémentaire la plus infinitésimale, elle est la plus rapide, ayant reçu une impulsion initiale gigantesque.
En d'autres termes, la vitesse de la lumière est une barrière relative, infranchissable à tout ce qui est corpusculaire, sauf à trouver un boson encore moins massif que le photon.

Mais je vais vous donner un peu d'air. Le photon est en réalité un concept pour expliquer les interactions entre les rayonnements électromagnétiques et la matière. Comme pour les autres particules élémentaires, il possède une dualité onde-particule. Certes, on ne peut parler de photon-particule qu’au moment de l’interaction électro-magnétique. Quand un neutron se désintègre par exemple, il libère un proton, un électron et un photon. En dehors de toute interaction, on ne peut pas décrire ce boson. D'ailleurs, depuis un bon nombre d'années, la physique quantique remet globalement en question toute idée de corpuscularité. La matière, en réalité, ne serait pas matérielle.

Or, dans mon livre, je n'entre pas dans ce genre de nuance quantique, ce n'est pas mon propos: je m'efforce de décrire au lecteur ce qu'est un trou noir. Voici ce que j'écris : " Les trous noirs produisent toutes sortes de rayonnements, dont les rayons X qui permettent de les détecter, mais la lumière qu'ils tendent à émettre étant constituée de photons, particules ayant une masse, un poids et donc soumises à la gravité, cette lumière potentielle reste prisonnière de leur incroyable attraction, due à leur masse et à leur densité phénoménales. Sinon ils seraient les objets les plus lumineux du cosmos".

L'intention, dans une oeuvre de vulgarisation destinée à un public de non-scientifiques, était simplement de faire comprendre au lecteur la nature étrange de l'obscurité des trous noirs.

Et c'est à ce stade précis du récit que vous vous insurgez ? Ce sur quoi, d'ailleurs, M. Allemand, vous ne vous prononcez pas, est la mesure - que je cite dans ma réponse précédente - de la masse du photon mesurée par Roger Coudert du CNRS en 2003 comme étant de 1,426 X 10 puissance - 49 kg.

Alors, "erreur grossière" M. Allemand ? Mais que n'écrivez-vous pas en toutes lettres que vous considérez M. Coudert du CNRS comme un fumiste, un affabulateur, un professeur Tournesol ? Que n'avez-vous pris position contre lui et n'avez contre-argumenté quand il a publié le résultat d'années et d'années de recherche intègre et acharnée?

Point suivant, M. Allemand, vous écrivez plus loin dans cette même nouvelle intervention : "Et plus directement pour ce qui concerne les origines de l'homme, il est faux d'écrire que "La piste des australopithèques (robustus, boisei etc) comme ancêtres directs de l'homme est tombée en désuétude". Ce n'est pas l'avis de nombre de paléontologues tout aussi qualifiés que ceux que cite M. Fenwick".

Vous reconnaissez, sans les nommer, préfèrer l'avis de certains paléontologues à ceux auxquels je préfère me référer, les miens tous éminents scientifiques (CNRS, Museum National d'Histoire Naturelle, London University). Certes, il y a controverse sur ces questions. Mais préférer, après examen, une analyse à une autre, une hypothèse à une autre, bref ne pas partager vos convictions, est-ce là ce qui constitue une "erreur grossière"? Propre à me faire passer aux yeux de vos lecteurs pour un béotien? Alors qu'il n'y a ici que divergence intellectuelle? Que n'attaquez-vous pas dans La Recherche et sous votre signature les thèses de Martin Pickford et de Brigitte Senut plutôt que vous en prendre à moi? Moi qui cherche à indiquer simplement à mon lecteur à ce point de mon récit - nécessairement succint sur chaque épisode d'une très vaste histoire - que la piste des australopithèques dans leur ensemble, longtemps "voix royale" de la paléontologie comme menant tout droit à Homo habilis, est désormais bien peu probable, depuis la découverte de Toumaï, la fin de l'unicité de l' 'East side story', alors que même Yves Coppens a sportivement reconnu à l'annonce de cette découverte que toutes les certitudes précédentes étaient chamboulées ?

Finissons avec l'écureuil en tant que primate. Voici ce que j'écris dans mon livre : "Primate. Dans bien des esprits ce terme est synonyme de grand singe. C’est une erreur. Le terme approprié pour qualifier le gorille ou le chimpanzé est celui de grand primate car les primates ont commencé petits, très petits, bien avant qu’il y ait des singes.
.../...
Parmi les premiers mammifères primitifs, rongeurs minuscules qui vont donner naissance à toutes les espèces actuelles, on trouve, entre autres, les primates. Ce terme, construit sur primus, en latin premier, est une qualification rétroactive qui désigne la toute première subdivision de mammifères devant en fin de compte aboutir à l’homme.
..../....
Tout commence par le fait d’avoir des mains et des pieds préhensiles qui les rendent non seulement de plus en plus habiles à se mouvoir dans les arbres, mais aussi à se saisir de tout ce qui les environne. Que l'écureuil soit lui aussi un primate devrait en dire plus qu'un long discours décrivant l'ensemble de cette branche évolutive".

Et c'est ici que vous, M. Allemand m'épinglez à nouveau en écrivant :

"Les sciuridés appartiennent à un groupe dont une autre lignée a donné les primates? Certes, les lapins aussi. Et si l'on remonte encore dans le temps, on trouvera même un groupe rassemblant notre lignée et celle du crocodile".

Votre malhonnêteté intellectuelle est ici encore flagrante : comme je l'expose dans ma réponse précédente, les sciuridés divergent en même temps que les primates de la famille des euarchontoglires. D'un point de vue phylogénétique, il existe entre premiers primates et premiers sciuridés bien plus de similitudes morphologiques (à tel point qu'il existe une variété de singes contemporains appelés, improprement certes mais tout de même : singes-écureuils) qu'il n'en existe avec les lagomorphes, lièvres et lapins qui eux ne grimpent pas aux arbres! Sans parler de vos crocodiles qui ne sont même pas des mammifères !

Donc en voilà assez, M Allemand. Sous le fallacieux prétexte de relever ici et là de petites simplifications archi-secondaires, peut-être abusives au nom de ce que la science peut avoir de plus pinailleur, mais totalement annexes et ultra-dérisoires dans ce qu'elle a de plus synthétique, vous n'avez pas voulu voir ou reconnaître l'intérêt principal de ce livre qui est de brosser auprès de lecteurs profanes un récit simplifié mais honnète, pertinent (et que personne ne s'était donné la peine d'effectuer) de toutes les métamorphoses de la matière et de l'évolution qui ont abouti à l'homme et aux civilisations.

Un critique digne de ce nom, surtout un vulgarisateur, se doit de peser ses jugements, de les vérifier, de faire valoir également les qualités d'un ouvrage.

Aussi je vous le dis sans ambage, ou vous reconnaissez publiquement, dans ce blog, avant le 31 décembre, m'avoir cherché mesquinement des poux dans la tête pour discréditer injustement le travail pédagogique de mon livre dans son ensemble, ou alors je vais donner à votre malveillance persistante une réponse proportionnelle à l'outrage.

Jean-Noël Fenwick

 

Je prie M. Fenwick d'excuser le retard de cette réponse : j'avais omis de prendre connaissance de la sienne, dont je le remercie.

Malheureusement, force est de constater que, dans cette réponse, M. Fenwick persiste dans ses erreurs. Je ne répondrai pas à tous les points, puisque je les ai déjà critiqués, seulement sur quelques uns.

Il est faux d'écrire que "que la masse du photon en réalité fait débat". La masse du photon est nulle, et c'est d'ailleurs ce qui lui permet d'aller à la vitesse de la lumière dans le vide. La théorie de la relativité générale explique très bien que, malgré tout, les photons puissent suivre des trajectoires courbées sous l'action de la gravité : c'est "simplement" que la gravité courbe l'espace-temps. C'est exactement ce qu'a vérifié Arthur Eddington en 1919 dans "l'expérience de l'éclipse" à laquelle M. Fenwick fait allusion. On se demande qui plaisante.

Les sciuridés appartiennent à un groupe dont une autre lignée a donné les primates? Certes, les lapins aussi. Et si l'on remonte encore dans le temps, on trouvera même un groupe rassemblant notre lignée et celle du crocodile.

Et plus directement pour ce qui concerne les origines de l'homme, il est faux d'écrire que "La piste des australopithèques (robustus, boisei etc) comme ancêtres directs de l'homme est tombée en désuétude". Ce n'est pas l'avis de nombre de paléontologues tout aussi qualifiés que ceux que cite M. Fenwick. En outre, il faudrait être cohérent : selon ces mêmes chercheurs, Toumaï, Sahelanthropus tchadensis, n'est pas non plus sur la lignée humaine. Pourquoi M. Fenwick ne les suit-il pas aussi sur ce point? Enfin, si l'on veut pinailler, boisei et robustus ne sont plus classés parmi les australopithèques, mais parmi les paranthropes.

J'arrête là. Sur le plan de la méthode, je précise que, contrairement à ce que laisse entendre M. Fenwick, je n'appuie pas mes critiques sur des connaissances ou des compétences acquises dans un parcours universitaire : en tant que journaliste professionnel, je m'informe, je vérifie mes sources, et je les recoupe.

Enfin, je n'ai pas critiqué, moi, son honnêteté intellectuelle, mais seulement le soin qu'il a mis à rédiger son ouvrage. Ce que j'écris dans le premier paragraphe de ma critique est à prendre au premier degré : j'aurais vraiment aimé apprécier ce livre.

 

Réponse de l'auteur du livre, Jean-Noël Fenwick.

Précisions :
Je n'ai jamais de ma vie d'auteur répondu à un critique. Chacun fait son travail ici-bas dans un pays où règne la liberté d'expression, mais cette fois la gravité des offenses me fait réagir. Pas pour amorcer une polémique stérile mais parce qu'il y va de ma réputation. M. Luc Allemand a beau avoir fait des études de chimie, avoir le niveau requis pour enseigner dans le secondaire, ceci ne lui confère aucune autre expertise dans aucun autre domaine scientifique. Et pour tout ce qui n'est pas son rayon il est, comme moi et tant d'autres, un simple amateur, un observateur essayant d'être un connaisseur des sciences par le moyen de l'information, la lecture de publications.
Or, dans ses attaques contre mon livre, M. Allemand se révèle hostile, condescendant, arrogant, vague et incroyablement injuste, ce qui est inadmissible. Il prétend disqualifier le contenu scientifique du livre au nom d'erreurs de détail insinuées et qualifiées par lui de "grossières".
Lesquelles n'en sont pas, après examen. Comme on va voir. Quand il ne me cherche pas des poux dans ma tête (propre), M. Allemand feint d'ignorer que raconter la science simplement ne permet pas d'en décrire toutes les controverses. Couper court à l'imbroglio des disputes en privilégiant telle thèse comme la plus solide, la plus plausible à mes yeux, ça, oui, je l'ai fait, à tel ou tel endroit du récit. Mais en connaissance de cause et après examen. Si M. Allemand avait écrit : ici il exagère, il va vite en besogne, il heurte mes convictions; je l'aurais accepté. C'est le risque du genre. Mais qu'il prétende dénoncer des erreurs grossières là où il y eut, notamment pour la question des australopithèques, simple volonté de couper court dans l'imbroglio des controverses byzantines et savantes, c'est inacceptable.

Réponse aux points motivant une condamnation absolue et définitive de mon livre :

- Les sciuridés, auxquels appartient l'écureuil, appartiennent à la lignée des euarchontoglires qui conduit également aux primates. Ou comment chercher la petite bête...

- Seul le néant correspond au zéro Kelvin, le zéro thermique absolu n'existant nulle part dans le cosmos. Ce zéro est, autrement dit, le niveau thermique de ce qui, en physique, n'existe pas et qu'on appelle le néant. Me chercher des noises sur cette question - au prétexte, sans doute philosophique et rhétorique, qu'on ne saurait décrire ce qui n'existe pas - confine au sophisme ou, pour parler crûment, à l'enculage de mouches. En physique, tout ce qui existe et qui vibre générant de la chaleur, ce qui n'existe pas est froid, absolument froid. Par définition. Zéro Kelvin. Allemand, zéro.

- Le Proconsul est un dryopithèque, le premier terme étant le nom du specimen, l'autre celui de sa catégorie, de son taxon. Comme si on écrivait : Luc Allemand, aigle de Meaux.

- Le nakalipithèque, selon Martin Pickford, du Muséum National d'Histoire Naturelle, Brigitte Senut du CNRS, Fred Spoor de la London University, est l'ancêtre commun de l'Homme et des grands singes africains. Prière de prévenir les paléontologues amis de M. Allemand qui l'ignoreraient encore, s'ils existent.

- La piste des australopithèques (robustus, boisei etc) comme ancêtres directs de l'homme est tombée en désuétude du fait de l'incompatibilité de leur denture avec celle d'Homo habilis et de leur bipédie imparfaite. Même l'ardipithèque semble, selon Brigitte Senut, devoir plutôt être relié aux paninés, à savoir la branche des chimpanzés. Reste la piste sérieuse mais énigmatique d'Orrorin, plus une interrogation concernant Garhi, sous forme de simple hypothèse. C'est dérisoire, en comparaison des espoirs que les australopithèques dans leur ensemble ont longtemps constitué.
Il n'y a donc rien qui mène directement et indiscutablement à l'Homme, dans l'état actuel de nos connaissances, entre le nakalipitèque et le sahelopithèque Toumaï, ni entre Toumaï, Orrorin et Homo habilis. C'est plein de trous. Il manque des chaînons par coudées, ce que je cherche à faire ressentir à mon lecteur. Les fossiles intermédiaires font défaut.
Pas plus qu'il n'y a de lien perceptible, dans les affirmations d'une certaine presse, entre déontologie et véracité.

- Les photons ont une masse, infinitésimale, certes, mais réelle et détectée par Einstein puis démontrée par sa célébrissime expérience de l'éclipse : puisque la gravité a un effet sur les photons c'est qu'ils ont une masse.
Qui plus est, cette masse a été mesurée par Roger Coudert du CNRS en 2003 comme étant de 1,426.10 - 49 kg.
Et ici il faut arrêter la plaisanterie. M. Allemand, de par sa fonction, ne peut tout bonnement pas ignorer ces faits. Encore moins me reprocher de m'y référer. Ce serait fonder l'anathème sur l'ignorance.

Certes, j'aurais pu tenter d'expliquer au lecteur que la physique quantique propose des hypothèses différentes, que la masse du photon en réalité fait débat, mais quel intérêt pour le lecteur profane au moment où on entreprend de lui décrire la singularité des trous noirs et le rôle qu'ils jouent dans la formation des étoiles? Les photons ne s'échappent pas des trous noirs, contrairement aux autres rayonnements électro-magnétiques tels que les rayons X. A quelle force autre que la gravité M. Allemand attribue-t'il ce phénomène et pourquoi? La courbure de l'espace-temps au voisinage des masses dévie la lumière, Einstein l'a établi. Mais le même a décrit clairement la lumière comme une association onde-corpuscule. M. Allemand a, en cette circonstance comme en d'autres, perdu une bonne occasion de s'exprimer clairement. Il aurait été mieux inspiré que de condamner sans rémission un ouvrage pédagogique au nom de cinq ou six inexactitudes... inexistantes ! Et eussent-elles été réelles? Eussent-elles changé quelque chose à la justesse de l'ensemble? Le procédé est indigne.

Commentaire sur la forme :

Rappelons qu'acquit s'écrit avec un t et non avec un s dans l'expression par acquit de conscience, car provenant du verbe acquitter et non du verbe acquérir. Les qualités lexicales du rédacteur ne sont pas plus patentes que sa compétence scientifique ou son honnêteté intellectuelle.

 

Au moins, ce n'est pas pire que les élucubrations des frères Bogdanov ! (faut dire qu'il y a encore de la marge...).
Ce qui, malgré tout n'excuse rien.

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