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03 juin 2010 |

Nos amies les bêtes

Blog renard
Maurice Renard a dédicacé Le Docteur Lerne, sous-Dieu à Herbert-George Wells. Il ne faisait pas mystère que son récit, publié en 1908, était inspiré de « L'île du Docteur Moreau ». Le narrateur y fait d'ailleurs une allusion explicite. L'humanisation des bêtes (ou la bestialisation des hommes) n'est toutefois pas un thème inventé par Wells (déjà Apulée...), et la contribution de Renard, le bien nommé, mérite qu'on s'y arrête. C'est ce que nous permettent les éditions Corti, grâce à une nouvelle édition de poche (coll. « les Massicotés », 2010, 236 p., 10 €).

L'histoire en quelques mots, et sans rien dévoiler : Nicolas Vermont, homme jeune, riche et moderne, possesseur d'une automobile, rend visite à son oncle, retranché dans sa propriété ardennaise de Fonval. Celui-ci a bien changé depuis quinze ans : il parle désormais avec un fort accent germanique, partage sa chambre avec Emma, jeune fille aussi accorte que peu farouche, et mène de bien étranges expériences dans les nouvelles dépendances qu'il a fait construire. On devine assez vite, avant Nicolas, narrateur de l'histoire, où celle-ci nous emmène. Et Renard semble parfois plus préoccupé de faire frissonner son lecteur que de respecter la logique du récit. Il mène toutefois celui-ci assez habilement pour nous tenir en haleine quant au destin de Nicolas (qui se trouve à un moment en si fâcheuse posture qu'on se demande bien comment il s'en sortira), et de ses amours avec Emma. Renard se distingue aussi de ses contemporains sur ce dernier point : son traitement, très cru pour l'époque, de la sexualité de la jeune femme, dont certains aspects bestiaux s'accordent plutôt bien avec les perversions du docteur Lerne (et avec les appétits de son neveu).

On se prend à regretter que l'auteur n'ait pas eu le courage de laisser finalement le mal en liberté. Certes, la santé mentale du héros semble compromise, mais il est vivant, et le docteur Lerne a définitivement disparu. L'étrange transformation que celui-ci a subie dans les dernières pages constituait pourtant un bon point de départ pour une suite (écrite, d'une certaine façon, par de nombreux autres auteurs, tel Stephen King avec Christine).

Luc Allemand

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