L'histoire, la géographie, la recherche
C’est un billet un rien ironique mais finalement soulagé que nous publions ce matin. Max Gallo, l’ami du Président, l’académicien honoré par Nicolas Sarkozy de sa présence à son entrée sous la Coupole le 31 janvier 2008, porte haut l’histoire, "la passion de l'histoire" *– tant qu’elle existe en France. Car le choix de transformer l’histoire et la géographie en enseignement optionnel pour les terminales scientifiques est une triple catastrophe. Pour cette discipline d’une part qui perdra de bons voire de très bons élèves, toujours intéressés par ces questions (c’est un professeur qui parle), et qui se verra progressivement réduite à l'école puisque le principe de sa suppression comme enseignement principal sera désormais acquis. Pour les disciplines scientifiques ensuite, qui ont besoin de cette ouverture des sciences humaines afin d’être meilleures, plus critiques, plus complètes, davantage tournées vers la recherche en d'autres termes. Pour le maintien, enfin, d’un esprit civique en France, source d’unité nationale autour d’une conviction des libertés, de la laïcité et de l’école grâce à la connaissance du passé et du monde. Il est possible que cette intention soit celle du pouvoir qui rêverait d’une société désintellectualisée, soumise, surtout chez les jeunes générations qui se livreraient alors, passives et indifférentes, aux logiques de la domination politique ou économique.
On pourrait se dire que les défenseurs de l’histoire et de la géographie au lycée en font trop, qu’il ne s’agit pas là d’une intention idéologique mais seulement d’une mesure technique, à savoir réduire le nombre de d’heures devant élèves pour mieux réduire par contrecoup le nombre d’enseignants. Certes. Mais le gouvernement et le président revendiquent fortement aussi une approche très idéologisée de l’action publique, le lancement du « grand débat sur l’identité nationale » ou la dernière tribune de Nicolas Sarkozy dans Le Monde en témoignant plus que tout. Il est donc légitime d’aborder la suppression de l’enseignement obligatoire de l’histoire-géographie en classes Terminales scientifiques de ce point de vue idéologique, comme une mesure de formatage des esprits et de combat contre la dissidence et l’opposition. Du reste, on peut noter que l'offensive sur l'histoire-géographie succède aux tentatives de limiter le champ des sciences économiques et sociales au lycée, et qu'elle précédera probablement le démantèlement de la philosophie en classe terminale, une "exception française" dont les Français ne peuvent qu'être fiers. "Fier d'être français"..., un autre livre de Max Gallo.... On se demande ce que choisira ce dernier, la fidélité à l’histoire ou la fidélité à la présidence (de Nicolas Sarkozy après celle de François Mitterrand). A moins qu’il n’opte pour le silence, tant l’écart est grand désormais entre les deux mondes.
Dans le Journal du Dimanche en date du 5 décembre, Max Gallo a annoncé son choix : "Je juge très négativement qu'on puisse envisager de supprimer le caractère obligatoire de cet enseignement en terminale." C'est un signe. (http://www.lejdd.fr/Societe/Education/Actualite/Il-faut-sauver-l-histoire!-155826/)
Vincent Duclert
* CNRS éditions, 2009, 14 €.
Voici, pour nos lecteurs, les adresses où prendre connaissance des initiatives en faveur de la défense de l’enseignement de l’histoire et de la géographie :
- Un texte du CVUH, Comité de Vigilance face aux Usages publics de l'Histoire
- La pétition de l'APHG, Association des Professeurs d'Histoire et de Géographie :
- L’appel d’historiens publié dans le Journal du Dimanche du 6 décembre :
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