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24 mars 2009 |

Les querelles du cerveau

Blog dupond Notre collègue Jean-Claude Dupont, spécialiste des sciences du cerveau, qui collabore à ce Blog des Livres aussi bien qu’au mensuel La Recherche et aux Dossiers de La Recherche,

a les honneurs mérités du journal Libération, ce matin, dans la rubrique : « Que cherchez-vous ? » Pour les lecteurs qui voudraient prolonger leur connaissance, le récent ouvrage qu’il a dirigé, Les querelles du cerveau. Comment furent inventées les neurosciences est disponible aux éditions Vuibert (avec Céline Chériqui, 2008, 368 p., 35 €).

Poursuivons, une fois n’est pas coutume, notre revue de presse par les déclarations de Xavier Darcos, ministre de l’Education nationale, sur l’antenne de France Inter (il y était interrogé ce matin par Nicolas Demorand). Alors qu’une nouvelle journée d’action se déroule en ce moment même, le ministre a choisi de minimiser à l’extrême les contestations, en marginalisant d’une part les coordinations protestataires dans l’enseignement supérieur, en ignorant de l’autre les 2 000 enseignants du primaire et du secondaire qui s’opposent à certaines réformes, dont le fichier Base-Elèves suspecté d’atteintes aux libertés individuelles. Ecartant ces contestations qu’il a qualifiées de radicales pour les premières, d’ultra-minoritaires pour les secondes, il a insisté sur les partenaires avec lesquels discute le ministère, comme les présidents d’université, ou mentionné les « 358 000 professeurs qui au quotidien font leur métier ». Au-delà, il a rappelé qu’il n’était pas légitime, dans une démocratie, de s’opposer à des lois voulues par la communauté nationale à travers ses suffrages clairement exprimés.

A ce discours très argumenté, il faut apporter un double correctif que connaissent et étudient les sciences sociales. D’une part, la légitimité en démocratie n’émane pas exclusivement de la volonté populaire. Pierre Rosanvallon, dans son étude sur La légitimité démocratique (Le Seuil, coll. « Les livres du nouveau monde », 2008, 383 p.) a montré que la compétence ou l'impartialité sont aussi des sources de légitimité. Le souci de l'autre, la proximité, aussi. D’autre part, il est toujours possible de s’opposer à des choix politiques au nom de ces valeurs, dès lors qu’une justification argumentée fonde la protestation. C'est le travail de la société. Certes, l'effort d’explication manque parfois, ou souvent. On se contente de slogans. Mais il n’en demeure pas moins que ces mouvements sont généralement très articulés d’un point de vue intellectuel. C’est qui leur donne leur force. 2 000 « professeurs désobéissants » ne forment peut-être qu'une cohorte réduite. Mais la dimension de protestation de leur mouvement, le courage personnel des acteurs, les risques encourus définissent un phénomène plus important que ne le présente Xavier Darcos. Il serait bon alors d’entendre leurs arguments. Au-delà du cadre spécifique de leur protestation, il semble bien que ces « professeurs désobéissants » défendent un idéal du vivre-ensemble et des libertés individuelles, c’est-à-dire une idée de la France.

Vincent Duclert

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