Le Moulin de la Galette et le temps des cerises
Dans la plus grande discrétion comme on pouvait le craindre, l'ami Vincent (oui, l'animateur du présent blog) vient de publier un magnifique petit livre.
Dans la collection « Une oeuvre, une histoire » chez Armand Colin (80 p., 12,90 €), il nous offre une lecture novatrice de l'oeuvre la plus célèbre de Pierre-Auguste Renoir : « Le Bal du Moulin de la Galette », pour laquelle « aucun recours au savoir ne semble nécessaire » tant elle fait partie du patrimoine de l'humanité et tant le tableau « apparaît indifférent à l'histoire ». « Pourtant, nous dit Vincent Duclert, celle-ci est bien présente. Cinq ans seulement avant que Renoir n'exécute son oeuvre, Paris succombait à la Semaine sanglante des Versaillais ». Par ces seuls mots au tout début du livre, le regard du lecteur bascule : la Commune n'est en rien présente, objectivement, dans le tableau, mais sa présence s'impose désormais comme une évidence jusqu'alors inaperçue. Et tout le livre est une analyse exquise et grave de l'oeuvre et de son contexte : « La trace d'un monde disparu » quand « Montmartre était un village, seulement un village, délicieux, perdu dans des buissons d'églantines »... Au fil des pages, les personnages du premier plan du tableau sont identifiés avec une tendresse éloquente : « Dans ce voyage au pays du peuple, Renoir offre à ce dernier un visage, une dignité ». N'épousera-t-il pas une jeune couturière, à l'image de cette parisienne du peuple, « fille qui danse au bal [...] une petite personne svelte, pimpante, habillée gentiment, rieuse, ingénue.... » ? Pour lui, nous confie Vincent Duclert, « il n'y a pas de pauvres en peinture ». Et d'aider le lecteur à saisir que si Le bal du Moulin de la Galette, comme le Temps des Cerises, ne parle pas de la Commune, « l'histoire est profondément présente jusqu'à la résistance que la peinture ou la chanson opposent à la mort et à l'oubli ».
Pascal Acot, CNRS, IHPST
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