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01 décembre 2008 |

Penser avec la science-fiction

Blog jameson 3 Dans Le désir nommé utopie, première partie d’Archéologies du futur (traduit par Nicolas Vieillescazes, Max Milo, 2007), Fredric Jameson, immense intellectuel américain auquel les éditeurs français commencent enfin à s’intéresser, consacrait déjà à la SF de passionnants développements. Comme l’indique son titre français, le second tome, Penser avec la science-fiction (mêmes éditeur et traducteur, 2008), qui réunit des articles publiés entre 1973 et 2003, se penche de plus près encore sur quelques grandes œuvres d’un genre dont Jameson n’a pas attendu la récente respectabilité académique pour l’intégrer à sa pensée.

Plus ponctuelles, plus pointues que celles déployées dans le premier tome, qu’elles prolongent et précisent, les analyses de ce recueil, où une philosophie politique fidèlé à Marx mais attentive aux mutations du monde s’appuie sur un art aussi pointu qu’iconoclaste de la critique littéraire, donnent à lire ces œuvres plus ou moins célèbres avec un regard pénétrant. Refusant tout autant le dédain que l’assimilation à la « grande » littérature, Jameson prend la SF pour ce qu’elle est : un "sous-genre" dont les limites mêmes ouvrent des espaces de pensée inexplorés. Au cliché du pouvoir prophétique de l’anticipation, il oppose l’effet d’étrangisation* produit par la représentation de l’altérité et la "nostalgie du présent" née des visions du futur. Si ses textes empruntent souvent des détours tortueux, leur largeur de vue et leur richesse compensent et récompensent ce petit effort de lecture.

Ivan Kiriow, Centre Alexandre-Koyré, Paris

* Le choix de ce terme est parfaitement justifié — et expliqué en note (n. 2 pp. 94-95) par le traducteur — dans le cadre de la traduction du livre de Jameson. Nous aimerions toutefois en proposer une alternative : "étrangement", vocable tombé en désuétude mais choisi naguère par Jean-Pierre Lefebvre comme équivalent de l’Entfremdung hegelien dans sa traduction de la Phénoménologie de l’esprit (Aubier, 1991), et dont est tiré l’anglais estrangement.

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Pour une autre exploration dans une perspective proche, voir aussi http://yannickrumpala.wordpress.com/2008/08/24/projet-de-recherche-en-cours/

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