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juillet 2008

05 juillet 2008

Le Festival d'Avignon

Blog_fabiani Le Festival d’Avignon a commencé hier vendredi 4 juillet. Outre sa raison d’être, il constitue aussi un véritable laboratoire d’observations et d’études (et peut-être sa raison d’être définitive serait d'exister comme un objet total pour les sciences sociales !). La dernière de ces études, et non la moindre, est celle que publie aux Presses universitaires de Grenoble (PUG) Jean-Louis Fabiani, L’Education populaire et le théâtre. Le public d’Avignon en action (192 p., 20 €). Fondée sur l’analyse des débats houleux ayant entouré l’édition 2005, elle développe une réflexion des rapports entre culture, politique et société. L’ouvrage poursuit et étend la réflexion entamée « à chaud » dans Le cas Avignon 2005, un collectif publié par les éditions L’Entretemps dans leur collection « Champ théâtral » (Georges Banu et Bruno Tackels dir., 272 p., 10 €). On y retrouvait parmi les auteurs, outre Jean-Louis Fabiani, Emmanuel Ethis, son ancien élève, devenu depuis 2007 président de l’université d’Avignon. En 2002 déjà, Ethis et Fabiani avaient proposé une étude des processus de réception du Festival dans Avignon, le public réinventé (La Documentation française).

Blog_ethis_fabiani Quelques jours avant la sortie en librairie de L’Education populaire et le théâtre est paru Avignon ou le public participant, du aux deux mêmes chercheurs associés avec un troisième et très jeune sociologue, Damien Malinas. Sous-titré Une sociologie du spectateur réinventé, l’ouvrage, également publié aux éditions L’Entretemps en co-édition avec La Documentation française (240 p., 25 €), repose sur quinze ans d’enquête conduite sur les publics du Festival, ou plutôt « le public », notion commune et identitaire tant cette expérience d’Avignon est décisive pour chaque spectateur quel qu’il soit. Pour être complet sur cet engagement scientifique où la sociologie a inventé à la fois un nouveau territoire, le théâtre, et de nouvelles approches entre esthétique, anthropologie et réception, mentionnons la thèse de Damien Malinas qui paraît ces jours-ci aux PUG, Portrait des festivaliers d’Avignon. Transmettre une fois, pour toujours ? (248 p., 20 €)

Blog_loyer Les historiens ne sont pas en reste. En 2007 sortait la grande étude qu’Emmanuelle Loyer, historienne du théâtre (et de l’exil américain) et Antoine de Baecque, historien du cinéma (et de la Révolution française) consacraient aux soixante ans d’existence du Festival. Leur Histoire du festival d’Avignon (Gallimard, 608 p., 39 €) est précieuse sur de nombreux plans, le souci d’abord de l’exposition et de la synthèse, le choix du détail en parallèle, le recours systématique aux archives publiques et privées, enfin une présence remarquable de l’image mise en valeur par une maquette élégante. Comme l'écrivent les deux historiens, "nous ne pouvions donner son sens profond au récit de cette aventure qu'en y intégrant les images et les documents d'une histoire que nous aimons charnelle".

Vincent Duclert

04 juillet 2008

Accueillir le numérique ?

Blog_accueillir Le 30 juin dernier, Bruno Patino, président de Télérama et du Monde Interactif remettait à Christine Albanel, ministre de la Culture, un rapport sur le livre numérique. Au même moment paraissaient sur le même sujet les conclusions de la commission numérique réunie par l’Association des librairies informatisées et utilisatrices de réseaux électroniques et le Syndicat de la librairie françaises, sous le titre Accueillir le numérique ? Une mutation pour la librairie et le commerce du livre (La Découverte, 7,50 €). Ces 94 pages sont intéressantes et proposent un discours volontariste : les libraires ne peuvent rester à l’écart du numérique et celui-ci leur offre une chance nouvelle de se développer. Non seulement le numérique fournit un soutien de plus en plus décisif à la commercialisation des livres papier mais de plus les libraires peuvent envisager de vendre des contenus numériques – à condition de résoudre la définition du produit. Enfin, l’introduction du POD (Print On Demand) effectué soit chez l’imprimeur soit chez le distributeur (et pourquoi pas chez le libraire à terme ?) constitue une voie d’avenir qui est explorée par les auteurs du rapport. Ceux-ci insistent également sur la collaboration nécessaire avec les auteurs. Certains d’entre eux sont même très en pointe dans l’utilisation des ressources Internet pour valoriser leurs livres grâce à un environnement d’information et de discussion, sous forme de sites personnels ou d’éditeurs. Ce rapport est bien sûr disponible dans toutes les bonnes librairies et sous forme numérique au prix de 5 euros sur le site dédié (eh oui !) : www.accueillirlenumérique.com

Vincent Duclert, bien sûr disponible sous forme numérique à l’adresse : www.vincentduclertblogdeslivreslarecherche.com  (prix non communiqué !)

03 juillet 2008

Vie de Picasso

Blog_picasso Le premier tome de la somme en trois volumes de l’historien d’art John Richardson consacrée à la vie et à l’œuvre de Pablo Picasso fut publié en 1991 (Pimlico, 548 p., 50 €). Une traduction française sortit l’année suivante au Chêne. Elle est depuis introuvable sauf d’occasion, chez quelques libraires spécialisée. La version anglaise, en revanche, est régulièrement rééditée. Le troisième tome n'est disponible que depuis 2007, et le quatrième et dernier tome est en cours d'écriture. La lecture de ce premier opus magnum montre que les années de jeunesse de Picasso (1881-1906) furent caractérisées par un travail et une production considérables en même temps qu’un attachement profond aux villes capitales, Barcelone puis Paris et dans une moindre mesure Madrid. Ce double investissement conditionnera bien des traits du génie de l’artiste plus tard. Le musée Picasso de Barcelone restitue du reste avec éclat cette double composante des années de jeunesse. En son centre, l’ami catalan de Picasso, qui fut son secrétaire et qui imagina cette collection permanente exceptionnelle, Jaime Sabartès.

Vincent Duclert, EHESS

02 juillet 2008

Lettres de non-motivation

Blog_previeux Julien Prévieux est un artiste passé par l’étape de demandeur d’emploi. Au fil des réponses négatives, il a fini par détourner l’exercice de l’écriture de la lettre de motivation pour tourner en dérision les formules toutes faites et pré-pensées du marketing publicitaire : « vous avez envie de réussir », « il faut être champion ! », dans des lettres de « non-candidature » où il refuse systématiquement l’emploi proposé (Lettres de non-motivation, La Découverte, coll. "Zones", 2007, 120 p., 9,90 €). C’est drôle, sarcastique, et ce d’autant plus que si certaines firmes se donnent la peine de répondre à ses provocations, la plupart renvoient des réponses automatiques illustrant le non-sens d’un système parfaitement déshumanisé. L’absurdité de l’entreprise atteint son paroxysme avec la lettre du 10 juillet 2007, « Ja ba bo bu co lo ka kruk krax krax toulurpinouuuuille », qui lui ouvre les portes d’un entretien pour un poste de responsable du service bâtiments ! Cette « non-motivation » laisse songeur lorsque le monde de la Recherche s’épuise dans la rédaction de rapports divers et variés de requalification d’unités, d’évaluation par l’AERES, de demandes de financement ANR, AFM, ACI… Finalement, on pourrait se demander si la ‘tourlupinouuuuille’ n’atteint pas tous les milieux : si l’on cherche un financement/un poste, là où la société a besoin de main d’œuvre bon marché, malléable et surtout qui ne pense pas trop, peu importe la « motivation » ou le sens du projet, ni même la qualification de celui qui soumet ! A quand l’écriture de projets de non-motivation, comme procédés de contrôle « par le bas » des multiples systèmes de contrôle de la liberté de chercher ?

Delphine Berdah, CERMES

01 juillet 2008

Eloge de Claude Allègre

Blog_allgre_2 Cette « personnalité colorée » ainsi qu'il est écrit dans la quatrième de couverture de son dernier ouvrage en date La science et la vie (Fayard, 2008, 331 p., 20 €), n'a jamais agi que « par souci de recherche de la vérité ». Comme il n'y a aucune raison a priori de penser le contraire, examinons sans préjugés ces vérités. On tombe de haut ! On nous avait menti ! Encore un coup des enseignants du second degré qui nous présentaient leur tête de turc comme une sorte de beauf, acharné à « dégraisser le mammouth », et en cela précurseur mitterrandien de l'actuel président ! Non ! En vérité, tout cela est faux. Claude Allègre est un type formidable. Assez d'aigreurs ! Il a « totalement rénové » l'Institut de physique du Globe ; il a présidé le BRGM (« le plus grand organisme français de recherches appliquées en sciences de la Terre ») ; il a dirigé un laboratoire, avec le « recrutement de bons thésards (« j'en ai dirigé 55 ! »), et même appris à « maîtriser le temps ». Il tient aussi une chronique « dans un hebdomadaire prestigieux », et il est « sollicité par les médias ». Il s'est également opposé au « désamiantage total de Jussieu (...) alors qu'ii suffisait de plâtrer pour éviter à tous (...) le contact avec l'amiante » ! D'ailleurs, Claude Allègre a toujours raison, contre tous. Autoportrait craché de Galilée qu'il convoque régulièrement dans ses affrontements avec le « consensus » – combattu, il « ose le dire fièrement, toujours avec succès ». Bon sang ! Il est très fort... Ainsi à propos de la tectonique des plaques et de la réflexion de Xavier Le Pichon sur cette question. Mais sur ce point il sait aussi reconnaître ses torts en matière de formes : « Je n'avais peut-être pas eu le triomphe assez modeste... Je l'admets ». C'est beau la vérité. Le reste, c'est « l'atavisme de rebelle que j'ai, dit-il, scrupule à rappeler », et d'évoquer longuement les mânes d'un ancêtre jadis roué en place de Grève à Lunel... Mais l'essentiel n'est-il pas ailleurs ? Ainsi, à propos de « la féroce compétition internationale aujourd'hui mondialisée » et de la nécessaire réactivité d'un pays dans ce contexte, notre rebelle ne craint pas de déclarer : « Si je peux aider le chef de l'Etat dans cette tâche, je le ferai. Je partage totalement ses analyses en ce domaine ». C'est beau le courage de la vérité. D'ailleurs, l'auteur affirme être « (...) désormais guéri de tous les sectarismes et de toutes les chimères idéologiques ». Ce qui lui permet de décrire le Groupe Intergouvernemental d'Experts sur le Changement climatique (GIEC-IPCC) comme « un groupe de scientifiques « fanatiques » animés par des considérations aussi bien religieuses qu'humanitaires » et qui « ont su admirablement manipuler la machine de l'ONU et « contaminer » le monde entier ». En voilà un point de vue non-idéologique ! Quel sens de la nuance, et quelle leçon d'épistémologie...

Pascal Acot, CNRS.