L’innovation au prisme de la communication
« Le génie, c’est 1% d’inspiration et 99% de transpiration. » On connaît le mot de Thomas Edison. On sait moins qu’il est repris dans le dernier numéro de la revue Hermès (« Communiquer-Innover. Réseaux, dispositifs, territoires », Nicole D’almeida, Pascal Griset et Serge Proulx [dir.], nº 50, 2008, 220 p., 25 €). Dans le contexte sociopolitique actuel de la recherche en France, deux axes de réflexion, parmi d’autres, se dégagent de la vingtaine d’articles à lire. Le premier, à l’ère de la politique nationale des pôles de compétitivité, consiste en une remise en question d’un rapport déterministe entre proximité géographique et innovation et, corollairement, en une redéfinition de la notion de proximité au-delà de la seule dimension géographique. Les « réseaux interpersonnels sont la cause principale des effets de proximité » et non l’inverse, analyse le sociologue Michel Grossetti à propos des relations entre laboratoires de recherche publics et industries (pp. 21-27). Les pôles de compétitivité, « ressource de médiation » parmi d’autres, viennent s’ajouter, sans jamais constituer grâce au seul rapprochement physique un réservoir de success stories : « la proximité géographique n’est pas en elle-même un facteur de coordination : elle doit être activée par l’existence d’une proximité organisationnelle et/ou institutionnelle. » (Christophe Carrincazeaux et al., pp. 29-37) Ces deux contributions ainsi que celle de Denis Carré et al. (pp. 39-46) proposent en somme une conception élargie de la notion de proximité, « ramenée à un contexte d’interactions » impliquant simultanément différents types de proximité (proximité géographique, proximité institutionnelle, proximité organisationnelle, proximité cognitive). Le deuxième ordre de réflexion concerne la montée en puissance des logiques collaboratives et des utilisateurs-innovateurs dès les premières heures du développement de l’innovation jusqu’à sa généralisation. Montée en puissance que l’on apprécie d’observer dans une perspective historique avec Benjamin Thierry (pp. 91-98) qui revient sur les controverses au sein de l’Inria concernant l’Ergonomie et la prise en compte « d’un utilisateur clairement identifié comme novice » ou encore avec Pierre Doray et al. (pp. 131-138) qui observent plus généralement l’élargissement progressif du cercle des participants possibles à l’innovation technique d’Edison à nos jours. Sur ce terrain, le secteur des NTIC et les « militants du code » sont à l’honneur. Christophe Aguiton et Dominique Cardon, notamment, reviennent sur deux dispositifs pour « innovations ouvertes et collaboratives » dans le cadre du Web 2.0, les barcamps et les working places (pp. 77-82). Faut-il regretter que cette actualité de la recherche parvienne au moment des vacances ? Avant ou après, il sera toujours temps de l’apprécier.
Julie Bouchard, Université Paris 8-Iut de Montreuil
Rédigé par : duclert | 11 juillet 2008 à 10:56
Avec ce numéro 50, Hermès fête aussi ses vingt ans. "Toute revue est un pari intellectuel et humain. La réussite d'Hermès est un mélange des deux depuis 20 ans", écrit son fondateur et directeur Dominique Wolton. On comprendra, en poursuivant la lecture de l'éditorial d'ouverture, pourquoi ce numéro 50 est emblématique du projet de la revue.