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10 juillet 2008 |

Le système Toyota

Blog_toyota On débat aussi beaucoup ces temps-ci du travail, de ses mutations, de la rénovation de sa « valeur », de l'allongement de sa durée, de la hausse attendue de sa rémunération, de la dégradation aussi des conditions faites aux salariés et employés, de la tension accrue des relations au sein de l’entreprise, de l’usine, de l’atelier, des bureaux. Un témoignage du journaliste Satoshi Kamata a été traduit et publié par les éditions Démopolis il y a quelques semaines (Toyota, l’usine du désespoir, 257 p., 21 €). Ce célèbre investigateur japonais s’est fait embaucher durant cinq mois comme ouvrier chez Toyota à Nagoya. La question posée par le livre et l’enquête est celle de la déshumanisation complète et systématique de celui ou celle qui travaille. « La chaîne humaine et la chaîne robotisée accomplissent finalement le même travail. Ce n’est pas la machine qui copie les hommes, c’est l’homme qui est au service de la machine. En plus, c’est la lutte entre eux. C’est la fierté des travailleurs qui est foulée aux pieds, réduite à néant. » Les premières pages du livre s’ouvrent sur l’arrivée à l’usine et l’attribution d’un matricule. « Sur le registre qui détermine ce numéro matricule est écrit : ‘Le matricule de travail est un numéro qui, dans l’entreprise, est utilisé pour remplacer le nom.’ ». Le système Toyota est ainsi dirigé vers la perte de dignité et de statut de l’ouvrier. Paul Robin, dans la préface du livre, évoque une autre enquête, celle de Masuo Yohota, sur le centre de distribution d’Amazon près de Tokyo. « Sur 400 personnes employés sur le site, une dizaine seulement sont des salariés d’Amazon ». Les autres sont des intérimaires. Le journaliste a estimé que « cette situation est pire qu’à ‘Toyota, l’usine du désespoir’, puisque aucune embauche n’étant possible, les intérimaires ne peuvent même plus désespérer de l’entreprise. » Dans cet univers rationalisé et effrayant, la plupart des droits fondamentaux sont niés dont « le droit à une libre prise de parole pour ses acteurs ». Puisse alors, comme l’écrit Paul Robin, « cette réédition contribuer à un débat de fond sur cet enjeu ». On ne peut que le souhaiter effectivement.

Vincent Duclert

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