Un « laboratoire pédagogique » des Lumières
Dans le troisième volet des Passions intellectuelles, sa magistrale fresque, Elisabeth Badinter nous avait touché deux mots de l’histoire qu’elle développe en détail dans son dernier ouvrage L’infant de Parme (Fayard, 2008, 162 p., 12 €). En 1758, le philosophe Condillac est appelé à Parme pour mettre en application ses principes éducatifs sur la personne de Ferdinand, petit fils de Louis XV. Il a été précédé par Auguste de Keralio, lui aussi gagné à la nouvelle philosophie, avec lequel il va partager la rude tâche de faire de son élève un prince des Lumières. Les encyclopédistes voient en Parme le laboratoire où s’expérimente l’importance de l’éducation dans le progrès de l’esprit humain. Mais, après les premiers succès salués en France par le camp des philosophes, Ferdinand se libère de ses tuteurs, sombre dans la bigoterie et devient la marionnette du camp le plus réactionnaire de sa cour. Occasion pour les contemporains de se positionner dans le débat Nature – Culture. Elisabeth Badinter nous livre une passionnante étude de cette complexe évolution, documentée par de nombreuses correspondances. Avec le talent qu’on lui connaît, elle rend compte des réactions à l’échec patent de l’expérimentation, sans se laisser aller aux jugements hâtifs, y compris sur le peu reluisant Ferdinand. Faisant le pari de l’intelligence du lecteur, l’ouvrage ne propose aucun « prêt-à-penser ». Libre à chacun de se forger une conviction ou de chercher à en savoir plus, en relisant Condillac par exemple.
Colette Le Lay, Centre François Viète, Université de Nantes
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