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05 mars 2008 |

La formation d’un sujet poétique féminin

Le film de Chantal Akerman, « Letters Home » (1986), une mise en scène de la correspondance entre la poétesse américaine Sylvia Plath (devenue une icône depuis son suicide à l’âge de 30 ans), et sa mère (joués par Coralie et Delphine Seyrig « à la voix de violoncelle »), nous a incité de lire cette œuvre dont une traduction française existe depuis 1988 (Letters Home/Lettres aux Siens, Correspondance 1950-1963, choisie et présentée par Aurelia Schober Plath, Tome 1, 1950-1956, traduit de l’américain par Sylvie Durastanti, des femmes, 375 p., 22 €). Les centaines de lettres, toutes sélectionnées par Mme Plath, commencent par l’arrivée de Sylvia au prestigieux « girls only » Smith College dans les Massachusetts et terminent en Angleterre lors de la période de sa bourse Fulbright à Cambridge où elle rencontre son futur mari, le poète Ted Hughes, qui deviendra le père de ses deux enfants. Si l’on ressent une certaine malaise devant le besoin de la mère de divulguer les démonstrations d’affection de sa fille (face à l’image ambivalente de la figure maternelle dans la poésie de Plath : i.e. « La Méduse » dans le recueil Ariel, 1965), on comprend mieux son désir de montrer le côté gai de Sylvia, lors des bals d’Ivy League, d’un stage à New York, des voyages en France, et plus tard, lorsque celle-ci est amoureuse et cuisinant des truites sur son butagaz à Cambridge… Restent constants le désir et l’acharnement de la poétesse d’améliorer son écriture, de faire des projets, et de publier… Malgré ses doutes sur ses capacités et une première tentative de suicide en 1953, cette correspondance nous laisse l’image d’une mangeuse de vie qui contraste fort avec son écriture autobiographique (The Bell Jar, 1963) et avec sa poésie (Pulitzer posthume accordé aux Collected Poems, 1981), rattachée au courant dit « confessionnel » et hantée par le deuil, la mort et les catastrophes de l’Histoire contemporaine. Plath, dans toute sa complexité, renoue avec l’actualité de la recherche sur la subjectivité féminine : un colloque international a eu lieu en novembre 2007 à l’Université de Clermont-Ferrand II : « Voi(es)x de l’Autre : poètes femmes, XIXe-XXIe siècles ».

Renée Champion

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