Les capitalistes de la science
La sociologie et l’histoire des sciences se sont souvent intéressées aux expériences en montrant l’importance qu’elles pouvaient avoir dans la construction même des connaissances. Claude Rosental propose de ce point de vue une étude très originale qui porte sur les « démos », cette opération pendant laquelle un démonstrateur commente le fonctionnement d’un dispositif (par exemple un logiciel) pour en illustrer la validité (Les capitalistes de la science. Enquête sur les démonstrateurs de la Silicon Valley et de la NASA, Paris, CNRS éditions, 2007, 268 p., 23 €). A travers cette opération d’apparence anodine, l’auteur réussit à reconstruire l’ensemble du travail scientifique d’informaticiens de la Silicon Valley. Le logiciel Orion au centre de l’étude concernant l’astrophysique, on dispose aussi par ce biais d’une compréhension de l’évolution des pratiques de la NASA. Grâce à un riche corpus de courriers électroniques, on suit très précisément l’ensemble des logiques à l’œuvre dans la mise au point du logiciel. Dans ce processus, les démos sont un temps privilégié où l’équipe renforce ces conclusions, unifie ces présentations, capte surtout des informations du public des démos et assure enfin ces financements dans un monde où domine la recherche sur contrats. Ce livre permet ainsi de reconsidérer la manière dont l’innovation se structure dans les sciences contemporaines, où les chercheurs sont couramment dans l’obligation d’être des « entrepreneurs scientifiques ». Cette forme de travail qu’est la « démo » devient un élément structurant d’un milieu de recherche.
Alain Chatriot, CNRS
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