Un génome bien valorisé
Après l'ours des cavernes et le mammouth, l'homme de Neandertal est la troisième espèce disparue dont le génome complet a été séquencé. C'est du moins ce qu'annonçait le 12 février dernier l'Institut Max Planck de Leipzig, et c'est ce qu'a présenté hier dimanche Svante Pääbo, directeur du département de génétique de cet institut, lors d'une conférence à Chicago.
Son équipe semble en effet avoir réalisé un premier séquençage intégral d'un Neandertal (ou plutôt d'une Neandertal), qui a vécu il y a 38 000 ans et dont les restes ont été retrouvés dans la grotte croate de Vindija. L'annonce est toutefois prématurée : Pääbo le reconnaît lui-même, il n'a pas encore eu le temps de vérifier son premier décodage, et sa séquence est en fait pleine de trous et d'erreurs.
Cela ne l'a pas empêché, si l'on en croit le long article que consacrait la revue Science vendredi dernier à ces résultats (5 pages! Elisabeth Pennisi, Science, 323, 866, 2009), de donner des premières indications quant à la présence ou à l'absence de quelques gènes qui seraient caractéristiques de notre espèce. La communication est bien orchestrée : l'American Association for the Advancement of Science (AAAS), éditeur de Science, est aussi l'organisateur de la conférence où Pääbo était invité à présenter ses résultats.
En outre, aussi intéressantes que seront les informations plus fiables qui arriveront dans les prochains mois quant aux gènes de ce proche parent, il faudra continuer à se méfier des interprétations trop hâtives. D'une part, UN génome complet, ce n'est pas LE génome complet : chaque individu est unique, et ce qui caractérise une espèce, c'est autant sa diversité que les ressemblances entre les individus (Charles Darwin l'avait déjà bien compris).
Il faudrait, et c'est sans doute beaucoup demander, séquencer d'autres Neandertal pour espérer comprendre la génétique de cette espèce. Quand on sait que l'on a retrouvé les restes de moins de 100 Neandertal (y compris les fragments isolés), et que tous, loin de là, ne livreront pas d'ADN, on mesure l'ampleur de la tâche qui reste à accomplir.
D'autre part, avec quoi pourra-t-on comparer cet ADN de Neandertal ? Le génome des hommes actuels, même dans la diversité que l'on commence à lui connaître, est-il représentatif de celui des hommes modernes contemporains de Neandertal, les Cro-Magnon? On peut sérieusement en douter : des études de l'ADN de nos ancêtres du Moyen-âge ont par exemple montré des différences significatives avec celui des populations modernes. Le génome de l'homme de Cro-Magnon est donc, lui aussi, attendu impatiemment.
Luc Allemand
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