La loi Hadopi est donc en train de passer. Le Sénat a adopté, en fin de matinée, le projet de loi relatif à la diffusion et à la protection de la création sur Internet à une très large majorité : 189 voix pour, 14 voix contre, les sénateurs socialistes s’abstenant.
Quel est le but poursuivi ? L'idée est que les internautes, par la peur du gendarme, vont massivement arrêter de télécharger sur les réseaux de pair à pair et vont se ruer dans les magasins réels et virtuels pour l'achat et la location. Ainsi, l'argent retournerait massivement aux producteurs.
Pour attiser cette peur du gendarme les parlementaires ont sorti les grands moyens puisqu'ils vont créer un nouvel organisme chargé des contrôles, indépendant du système judiciaire. De façon imagée, c'est comme si l'on décidait de répondre au vol à l'étalage en autorisant un collectif de politiques et d'industriels de couper les mains des présumés coupables, sans recours possible auprès d'une justice démocratique.
On peut discuter longtemps du caractère applicable ou non de la loi. En revanche, on peut prédire deux conséquences certaines :
- les grands clients des réseaux p2p (dont on pense qu'ils sont aussi les plus gros acheteurs par ailleurs) vont se tourner vers des solutions alternatives à la mule ou aux torrents. Le hic, c'est qu'il s'agira essentiellement de solutions payantes. En termes simples, les grands téléchargeurs vont maintenant débourser 5 à 10 dollars par mois pour continuer à profiter de l'accès massif à la culture qu'offre internet. Dommage, voilà 5 à 10 dollars qui vont aller directement vers des paradis fiscaux au lieu d'aller à la création. En effet, les sites de téléchargement direct ou les serveurs de newsgroups sont en règle générale localisés dans des contrées où ils sont à l’abri de toute poursuite judiciaire sur le contenu qu’ils hébergent. De la loi création-internet, on peut déjà donc rayer la mention création.
- les promoteurs de contenus illégaux et surtout moralement condamnables (films pédopornographiques, cours de fabrications de bombes, fichiers de données bancaires, etc.) seront contraints de se professionnaliser davantage pour ne pas se faire repérer. Dommage, car les services de police mènent leur recherches par l'identification des adresses IP. Leur principale arme va donc devenir obsolète. De la loi création-internet, on peut donc rayer maintenant la mention internet, en tant que plus grande invention sociale depuis l'imprimerie.
Les parlementaires ont donc réussi à imposer une loi qui non seulement ne sera pas efficace mais en plus aura à très court terme (c'est-à-dire avant même son application), l'effet inverse de celui recherché. Ce sont hélas les artistes qui vont être les premiers à souffrir de l’incompétence et de la démagogie des parlementaires. Quant aux maisons de disques et aux producteurs cinématographiques, ils vont continuer à mourir à petit feu.
Le monde technologique change décidément trop vite pour les acteurs du monde d'hier... Et l'absurdité de cette loi n'a pas fini d'être commentée.
Mathieu Nowak