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juin 2009

25/06/2009

Scoop : les citoyens savent réfléchir !

Mardi matin, à 9h20, l’effervescence régnait devant le 28bis de la rue Saint-Dominique, à Paris. Quelques dizaines de militants de l’Association pour le droit de mourir dans la dignité distribuaient des tracts à la porte de la Maison de la Chimie, où se déroulait, de 9h30 à 12h30, le Forum national des États généraux de la bioéthique.

Forum, comme l’indiquait le programme distribué aux participants ? Ou colloque, comme l’indiquait le site web des États généraux ? En tout cas, rien à voir avec les trois forums régionaux organisés en juin à Marseille, Strasbourg et Rennes. Car mardi, pas d’échanges entre les intervenants et les personnes présentes dans la salle. L’heure était aux allocutions.

Certaines d’entre elles, soulignant « l’excellente surprise » que représentait « la richesse de la réflexion menée par les panélistes ayant participé aux forums régionaux », m’ont fait sursauter. Est-il donc si étonnant que des citoyens « lambda » soient capables de mener une discussion sur des sujets complexes ? Ce qui nous manque en général pour nous forger un point de vue ou, a contrario, pour passer d’une opinion tranchée à la formulation de doutes, c’est le temps. Le temps de nous informer. De discuter. Dès lors que ce temps d’information et de discussion est rendu disponible – comme ce fut le cas pour les trois panels de citoyens des forums régionaux - alors une réflexion constructive et nuancée peut s’engager. Preuve en avait déjà été faite en 1998, lors de la conférence des citoyens sur les OGM. Ou plus récemment, en 2005 et 2006, lors de Meeting of Minds, réflexion collective de citoyens européens sur les conséquences sociétales de l’avancée des neurosciences. Pourquoi en aurait-il été autrement sur la bioéthique ?

Cécile Klingler

PS : Nous reviendrons sur les principales conclusions de ces États généraux à l’occasion de la remise du rapport final, à la fin du mois.

15/06/2009

Grippe porcine : la pandémie, et après ?

Que sait-on au juste du virus grippal déclaré jeudi dernier pandémique par l’OMS ?

« On attendait une grippe aviaire, c’est une grippe porcine. On attendait à ce qu’elle arrive de l’Est, elle nous vient de l’Ouest. On pensait qu’elle serait tueuse et on recense « peu » de morts ». François Bricaire, chef du service des maladies infectieuses et tropicales à l’hôpital de la Pitié-Salpétrière à Paris n’hésite pas à manier l’humour pour rappeler une chose : la « prochaine » pandémie de grippe était attendue. L’Organisation mondiale de la santé (OMS) a déclaré hier jeudi 11 juin 2009 que, cette fois-ci, elle est là, 41 ans après celle de la grippe de « Hong Kong ». La grippe « porcine » ou « mexicaine » ou encore « H1N1v » répond aux deux critères importants pour l’OMS : elle se répand en deux endroits de la planète au moins (en l’occurrence les Etats-Unis, l’Australie et le Japon) et il s’agit d’une souche nouvelle de virus. D’où le passage officiel à la « phase 6 » — la plus élevée — du niveau d’alerte pandémique.

Les cinq continents sont aujourd’hui officiellement touchés. L’Egypte a en effet comblé la « lacune » africaine en déclarant un cas sur son territoire. On peut penser que ce n’est cependant pas le seul sur le continent africain. Environ 25 000 cas ont été recensés dans 78 pays, causant quelque 150 morts. Des chiffres à manier avec une extrême précaution : on s’accorde à dire qu’il faut multiplier le nombre de cas par 20 pour avoir une meilleure estimation. Certains experts pensent même qu’aucune estimation ne peut être faite.

Car, pour être honnête, on ne sait que très peu de choses sur la maladie. On a observé que l’incubation est courte, de l’ordre de 48 heures, que la contagiosité apparaît un jour avant l’apparition des symptômes, et que, sinon, c’est une grippe classique (qui, rappelons-le circule chez l’homme et non chez le porc), si ce n’est qu’elle s’accompagne de peu de fièvre et de beaucoup de toux.

Le virus ? Il s’agit d’un virus porcin, dont deux segments du génome ont été modifiés et substitués par des éléments connus chez des porcs européens. Il a une capacité épidémique, mais en moyenne chaque personne n’infecterait que 1,4 à 1,6 personne selon les premières données. L’explosion du nombre de cas observée au Japon ces dernières semaines est, elle, totalement inexpliquée. L’origine géographique du virus est incertaine : il pourrait s’agir des Etats-Unis plutôt que du Mexique. La mortalité est inconnue, mais elle semble être faible, de l’ordre de 0,1 % ou 0,4 %. Ceci dit, on n’a encore que peu d’informations sur les personnes décédées et les facteurs de co-morbidité sont probablement importants. Les antiviraux semblent bien fonctionner in vitro contre cette souche virale, mais en revanche, les premiers résultats sont mitigés chez les patients. Et on sait que les virus du type H1N1 ont une forte propension à muter.

Face à tant d’incertitudes, faut-il redouter un scénario « à la grippe espagnole » ? Les points communs sont nombreux. Dans les deux cas, il s’agit d’un virus de type H1N1, qui nous vient d’Amérique du Nord, qui a provoqué un premier pic modéré au printemps, qui touche plus les sujets jeunes que les sujets âgés. Ce dernier point, contraire à ce que l’on observe avec la grippe saisonnière, pourrait s’expliquer par une immunité résiduelle chez les personnes âgées. Celles-ci ont déjà été exposées à des virus proches et leur système immunitaire s’en souvient : environ un tiers des plus de 60 ans aurait des moyens de défense contre le virus et cette immunité est décuplée en faisant un simple rappel du vaccin saisonnier. En revanche, les jeunes adultes et les enfants sont totalement dépourvus d’immunité face à ce virus.

Dès lors, on comprend l’enjeu d’avoir un nouveau vaccin, spécifiquement développé contre cette souche. Mais la question de la vaccination est extrêmement complexe. Comme il s’agit d’un nouveau virus, il faudrait faire en théorie trois vaccinations à un mois d’intervalle. Des adjuvants pourraient permettre de réduire les doses de vaccin et de ne faire que deux injections, mais on ne sait pratiquement rien des effets secondaires qu’ils pourraient provoquer.

Les Américains gardent un mauvais souvenir des campagnes de vaccinations. En 1976, une vaccination massive avait été décidée par le président Gerald Ford à la suite de l’apparition d’un virus grippal d’origine porcine dans le New Jersey. Plus de 40 millions de personnes ont été vaccinées, mais l’épidémie ne s’est pas déclarée tandis que l’on enregistrait plusieurs centaines de cas de syndrome de Guillain-Barré (une maladie neurologique rare) dus au vaccin. La campagne fut suspendue. A grande échelle, les effets secondaires sont une réalité. Et, encore, à cette époque, on n’utilisait que très peu d’adjuvants.

Le laboratoire suisse Novartis a annoncé aujourd’hui avoir mis au point un premier vaccin prêt à être testé. Pour le vaccin saisonnier, la capacité mondiale est d’un peu moins de 900 millions de doses par an. En cas de crise, on pourrait peut-être monter à près de 5 milliards de doses. Le facteur limitant devenant alors la quantité d’œufs disponibles pour fabrique les vaccins (il faut un œuf par dose de vaccin). Pour l’heure, on a encore besoin de plusieurs mois pour faire les tests cliniques et mettre la production en route. Et ensuite ? Qui vacciner en premier ? A quel moment ? Avec quelles doses de vaccins ? A quel prix ? Personne n’a les réponses à ces questions.

Pendant ce temps, on aurait tort d’oublier la grippe que l’on attendait : celle du poulet, ou H5N1. Elle continue à se propager. Il s’agit d’un virus très différent : il se transmet peu et la mortalité est très élevée (supérieure à 50 %), ce qui laisse à penser qu’il ne s’est pas bien adapté à l’homme. D’aucuns envisagent le scénario du pire : une recombinaison entre la grippe porcine et la grippe du poulet. Impossible à prévoir et impossible à exclure. Les épidémies sont indissociables de l’histoire de l’humanité. C’est un nouveau chapitre qui s’écrit. L’avantage, c’est que nous n’avons jamais été aussi bien placés pour participer à son écriture.

Mathieu Nowak

Un voilier à l'eau

J'ai commencé par sourire lorsque j'ai lu le sous titre d'un communiqué de presse "Objectif "Zéro CO2"" : "Pour la première fois, un voilier sans pétrole, alimenté par l'hydrogène". Un voilier n'est sans doute pas le véhicule auquel j'aurai pensé en premier pour éliminer des émissions de dioxyde de carbone.
Pourtant, il ne s'agit pas d'un nouveau canular : le projet mené par le CEA, l'université Joseph-Fourier, la société de valorisation de la recherche Floralis et le chantier nautique RM est très sérieux. Il concerne le moteur auxiliaire du voilier en question, utilisé dans les manoeuvres de port et pour fournir l'électricité nécessaire au confort des marins (dont je ne suis pas, vous l'aurez compris). Aujourd'hui, ces moteurs fonctionnent au diesel : celui-là sera électrique, alimenté par une pile à combustible.
Bien entendu, on est encore loin d'un voilier vraiment "zéro CO2". L'hydrogène, en particulier, est produit aujourd'hui à partir de gaz naturel. Et les matériaux utilisés pour la construction auront probablement nécessité que l'on brûle des hydrocarbures. Mais les promoteurs du projet affichent leur préoccupation de surmonter aussi ces difficultés, en utilisant des cellules photovoltaïques par exemple.
Alors, même si cette initiative n'est qu'une goutte d'eau dans l'océan du réchauffement climatique et de la pollution marine, j'ai eu envie de la saluer. On peut parier que de nombreux autres projets de ce type se développeront dans les prochains mois et les prochaines années dans le domaine de l'énergie. En démontrant que l'on peut réellement se passer de pétrole dans certaines activités, ou en réduire fortement notre consommation, ils permettront peut-être le développement à grande échelle d'énergies de substitution.

Luc Allemand

11/06/2009

Un pôle de compétitivité complice d'une tentative d'escroquerie?

J'ai reçu hier un communiqué de presse émanant du Pôle de compétitivité DERBI, consacré aux énergies renouvelables en Languedoc-Roussillon, et de Mar-Tech & Finance, société de conseil en création d'entreprise. Ce communiqué m'alerte sur les dangers du réchauffement climatique, et sur l'urgence de réduire notre consommation de combustibles fossile. Banal en ces temps de "Home" à tout va. Mais ce qui m'a plus intéressé, c'est la solution proposée par la société (non nommée) parrainée par ces deux organismes :

 "Nous transformons l'eau en une source d'énergie totalement propre. Techniquement, la molécule d'eau est " crackée " en hydrogène et en oxygène dans une sorte de chambre de " crackage " brevetée, à l'entrée habituelle du mélange air-essence d'un moteur à explosion classique. De sorte qu'est consumé dans le moteur à explosion l'hydrogène, et évacué du pot d'échappement seulement de l'oxygène."

Un groupe électrogène fonctionnant sur ce principe est disponible pour la modique somme de 1500 € HT!

J'ai relu avant de rire. Le moteur à eau n'est pas une nouveauté, mais expliqué comme ça, je n'y aurais pas pensé. J'ai aussi vérifié : aussi bien le Pôle de compétitivité que Mar-Tech m'ont confirmé que leur nom n'a pas été usurpé.

Je me souviens pourtant très bien de l'expérience du "mélange tonnant" réalisée par mon professeur de technologie de 4eme : après avoir électrolysé de l'eau et récupéré dans un tube deux tiers d'hydrogène et un tiers d'oxygène en volume à chaque électrode de l'électrolyseur, il avait approché une flamme de l'ouverture du tube et... boum! Une explosion. Je me souviens aussi qu'en 1ere, la professeure de physique-chimie nous avait illustré la catalyse en remplaçant, dans le même type d'expérience, la flamme par de la mousse de platine : boum!

Pas de doute, donc, la combinaison de l'hydrogène et de l'oxygène pour former de l'eau dégage de l'énergie. Et pour décomposer l'eau en ces gaz, il faut en fournir (de l'énergie), sous forme d'électricité par exemple, ou de chaleur (on lira dans La Recherche de juillet, rubrique Actualités-Technologie, que ce n'est pas si facile). C'est d'ailleurs pour étudier la conservation de cette énergie que William Groove a fabriqué la première pile à combustible en 1839.

Alors, doit-on penser que les responsables de DERBI et de Mar-Tech ont séché les cours de science au collège et au lycée (quand on vous dit que les gens n'aiment pas la chimie!)? Le mystère reste pour moi entier. Mais si j'étais responsable à l'université de Perpignan, au CNRS en Languedoc-Roussillon ou à l'ADEME (tous organismes membres du Pôle de compétitivité), je m'inquiéterais tout de même de leurs activités.

Luc Allemand

10/06/2009

La science fiction, c'est du passé

A découvrir : une douzaine de photos issues des archives du magazine Life consacrées aux sciences. Le charme désuet d'une science fiction passée. Nos laboratoires paraissent bien aseptisés à côté des expériences de nos pères. Un LHC bien que tellement plus gigantesque que tout ce qui a été fait est visuellement moins spectaculaire. Hélas.


Mathieu Nowak

La Lune est chocolat

Lune  

Il y aura bientôt 40 ans, le 21 juillet 1969, l'homme posait le pied sur la Lune. Pour fêter l'événement, un chocolatier parisien réputé nous annonce qu'il décore les vitrines de ses magasins avec une sorte de diorama en chocolat mettant en scène deux astronautes (la photo ci-dessus était jointe au communiqué de presse). Alléchant! Le communiqué de presse se trompe juste un peu en mentionnant "les répliques des célèbres astronautes américains marchant sur la lune : Neil Armstrong, Michael Collins et Edwin Aldrin". Armstrong et Aldrin ont bien marché sur la Lune, mais pas Collins, qui était resté dans le module orbital, à plus de 3 000 kilomètres d'altitude. Quelle frustration! A l'époque, les deux hommes n'avaient passé qu'une vingtaine d'heures sur la Lune, et n'étaient pas allés bien loin. En comparaison, les robots Opportunity et Spirit continuent depuis plus de 5 ans leur mission sur Mars (un article leur sera consacré dans la rubrique actualités du numéro de juillet de La Recherche) et ont parcouru près de 8 kilomètres pour l'un, et une quinzaine pour l'autre. Tout en saluant l'exploit de 1969, on peut se demander s'il n'aurait pas été plus profitable à la science que les Etats-Unis envoient des robots sur la Lune. Mais ils n'auraient alors peut-être pas inspiré le chocolatier.

Luc Allemand

08/06/2009

Le Quaternaire résiste

En mars 2008, dans La Recherche, nous évoquions la guerre que se menaient les géologues en vue de garder officiellement ou non le Quaternaire comme période de référence [1]. Comme le rapporte la revue Science, un groupe de la Commission internationale de stratigraphie a tranché le 21 mai dernier. Par seize voix contre deux, le Néogène est amputé de ses 2,6 derniers millions d'années. Le Quaternaire devient la période officielle qui s’étend entre -2,6 millions d’années et aujourd’hui. Elle inclut le Pléistocène et l’Holocène, l’époque dans laquelle nous vivons aujourd’hui.

Dans la classification compliquée des stratigraphistes, une période étant  composée d’un nombre entier d’époques, elles-mêmes composées d’un nombre entier d’étages, l’étage du Gélasien (entre -1,8 et -2,6 millions d’années) passe dans le giron de l’époque Pléistocène, réduisant d’autant l’époque précédente,le Pliocène.

Depuis 10 ans, la bataille faisait rage. L’argument principal des « quaternaristes » était qu’ils formaient une communauté pluridisciplinaire et que leur période devait débuter avec la fin de l’ère glaciaire et le début de l’impact de l’homme. Les spécialistes du Néogène arguaient de l’obligation d’une base stratigraphique inscrite dans les roches. Beaucoup d’énergie a été dépensée de part et d’autres.

L’armistice votée aujourd’hui doit encore être ratifiée par la Commisssion internationale de stratigraphie. Deviendra-t-elle une paix durable ? Pas sûr. Les recherches apportent sans cesse de nouveaux résultats aussi bien de la part des climatologues que des paléontologues. Les dates vont encore fluctuer. Faudra-t-il alors allumer à nouveau cette guerre de tranchées pour une histoire de nomenclature ?

Jacques-Olivier Baruch

 

[1] Jacques-Olivier Baruch, La bataille du Gélasien, La Recherche, mars 2008, p. 14.

01/06/2009

Le vert est dans la chimie

Les chimistes français se sentent mal aimés, et ils veulent que ça change. Aux Etats-Unis, c'est désormais un chimiste, Paul T. Anastas, professeur à Yale, qui supervisera les programmes de recherche et de développement de l'agence de protection de l'environnement (EPA). On pourrait penser qu'il s'agit d'un simple mouvement technocratique : Anastas a travaillé 10 ans déjà à l'EPA, puis a passé 5 ans au bureau de la Maison Blanche pour la recherche et la technologie, qu'il a quitté en 2004.

Mais Anastas n'est pas n'importe quel chimiste : c'est lui qui a inventé le terme de "green chemistry", "chimie verte" en français. Autrement dit, c'est un ardent promoteur d'une chimie au service de l'environnement. Outre ses recherches, il y consacre d'ailleurs un site. On peut l'entendre ici (en anglais). A ma connaissance, ses livres n'ont pas été traduits en français.

Luc Allemand