Noms impropres
Un télescopage intéressant s'est produit ces jours-ci à La Recherche. Le numéro du mois d'avril, en vente en kiosques actuellement, s'intéresse à l'avenir des langues, notamment avec un article intitulé "En Europe, l'anglais gagne du terrain".
Dans le même temps, nous mettons la dernière main au numéro de mai, et notamment à un article sur l'évaluation de la science. Ce dernier mentionne, au détour d'une phrase, le "classement de Leiden" des universités. Moins connu que le classement de Shanghai, il n'est pas plus scientifiquement fondé nous écrit l'auteur. Mais là n'est pas le point : cherchez la ville de Leiden dans un dictionnaire français, elle n'existe pas.
En français, on écrit Leyde ! Quiconque a suivi quelques études scientifiques a entendu parler de sa célèbre bouteille (dont il vaut mieux ne pas boire le contenu, puisqu'il s'agit d'une sorte de condensateur électrique). Et quiconque lira la page 28 du numéro de mai de La Recherche y verra la mention d'un mathématicien de l'université de Leyde. Le dilemme que nous avons rencontré est le suivant : faut-il écrire "classement de Leyde", graphie correcte mais inutilisée dans ce contexte (1 occurrence sur Google) ; ou bien "classement de Leiden", incorrect mais utilisé partout (plus de 100 occurrences sur Google).
Nous avons opté pour la deuxième solution, au risque d'être traités de lâches par les défenseurs de la langue française. Mais je m'interroge : si le classement émanait de l'université de Barcelone (Barcelona), de Lisbonne (Lisboa), de Copenhague (Kobenhavn) ou de Londres (London), les universitaires et les politiques qui le mentionneraient garderaient-ils le nom de la ville dans sa langue d'origine ? Après tout, on pourrait aussi parler du "classement de Chang-Hai", cela ferait plus chic!
Luc Allemand