Entre guerre et paix
Dans le petit Musée de Luxembourg
à Paris se tient une belle exposition consacrée au peintre Marc Chagall, « entre
guerre et paix ». La problématique est judicieuse*. Chagall est l’un des
artistes du XXe siècle qui, avec Picasso (pour Guernica) a donné les représentations les plus fortes de la
violence de guerre et des processus de destruction qu’elle exerce sur les sociétés
et les âmes. Ses trajectoires multiples, russe, juive, chrétienne, française,
américaine, ses nombreuses expériences d’exilé dans l’Europe en guerre – de la
Première à la Seconde -, lui apportèrent un regard d’un grand tragique et d’une
grande mélancolie. Montrant la guerre dans sa violence incommensurable, Chagall
pouvait alors lui opposer ses images de paix, ses rêves d’amour et d’harmonie.
Il parvenait à cet art aussi sûrement qu’il avait affronté les cauchemars de l'humanité.
La biographie de Chagall par la
critique d’art américaine Jackie Wullschläger, que viennent de traduire et de
publier les éditions Gallimard (par Patrick Hersant, 576 p., 29,90 €), s’attache
particulièrement aux lieux de l’artiste, qui portèrent son inspiration, depuis
sa « ville triste et joyeuse » de Vitebsk aux avant-postes de l’empire
russe (en Biélorussie) jusqu'à Saint-Paul de Vence, en passant par Saint-Pétersbourg, Moscou, Berlin,
Paris et New-York. « Tout peintre est né quelque part », disait
Chagall dans les années 1940, s’appliquant à préserver les influences de son
enfance. On peut dire qu’il a vécu plusieurs naissances tout au long d’une
existence presque centenaire (1887-1985), et qu’il les a emportées dans ses
exils comme vers sa peinture.
Vincent Duclert
* Un catalogue est disponible (RMN-Musée du Luxembourg, 176 p., 35 €)
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