Edward Hopper à Paris
Plus que quelques heures pour admirer, au Grand-Palais à Paris, une large partie des œuvres
d’Edward Hopper, dont les fameuses toiles réalisées dans la capitale. Il
emportera outre-Atlantique l’inspiration de cette modernité puisée dans la
tradition baudelairienne (voir notamment la passion commune des deux artistes pour la photographie). Terminé aux Etats-Unis en 1914, Soir bleu exprime cet attachement à l’Europe tout autant que son
adieu.
La rétrospective expose plusieurs œuvres qui ont marqué le jeune peintre américain durant ses trois séjours dans la capitale, Edgar Degas et son Bureau de coton à la Nouvelle-Orléans, Albert Marquet et ses quais de Seine où Hopper peignit la majeure partie de ses toiles parisiennes, ou les variations sur Vermeer de Félix Vallotton, maître du réalisme transfiguré qui passionna l’artiste et l’ancra dans sa voie picturale, malgré toute sa difficulté à percer ensuite aux Etats-Unis, méconnu pendant tant d’années.
Mais son choix était fait, celui d’un « art
métaphysique » en ce sens que sa peinture allait s’attacher à la banalité
des vies et des lieux pour mieux révéler la vérité de l’existence et la poésie
du ravissement qui s’y déploient. Hopper exprime des impressions profondément
enfouies en nous, indicibles, qui sont celles de notre émotion devant une image
quotidienne, une lumière, une silhouette, un visage, l’heure dorée du soir ou l’aube
blanche d’un matin d’été, ou le vent chaud du soir qui tombe, ou l'attente et la solitude dans la grande ville.
« Cela a été dit
par Emerson avec une clarté incomparable », a reconnu Hopper dans un
article sur son ami et complice le peintre Burchfield : « Dans chaque
œuvre de génie, nous reconnaissons nos propres pensées rejetées ; elles
nous reviennent avec une majesté étrangère ». Et Hopper de commenter la
phrase du philosophe : « Les grandes œuvres d’art n’ont d’autre leçon
émouvante à nous donner que celle-là. Elles nous enseignent à demeurer fidèles
à notre expression spontanée avec une inflexibilité joviale ».
Toujours à propos de Burchfield, il écrivait ceci, qui s’applique exactement à sa propre peinture : « De ce qu’un artiste médiocre ou un ignorant qui ne sait pas voir considère comme l’ennui quotidien d’une petite ville de province, il a extrait une qualité que l’on peut qualifier de poétique, romantique, lyrique, ou de ce que l’on veut. En sympathie avec le particulier, il l’a rendu épique et universel. […] Il puise un stimulus quotidien dans ce que d’autres fuient ou traversent avec indifférence ».
Cette narration de Hopper, on la retrouve page 287 du
catalogue de l’exposition du Grand-Palais (auparavant présentée au musée Thyssen
de Madrid). On pourra toujours, une fois les portes closes, revenir au livre et
aller de toiles en toiles, qui nous parlent de notre vie intérieure et d’un
monde révolu.
Vincent Duclert
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