Trois livres de Jean Starobinski
Pas moins de trois livres de l’historien de la littérature Jean Starobinski sont parus ces derniers mois et mettent à l’honneur deux grandes collections, « La librairie du XXIe siècle » du Seuil pour L’encre de la mélancolie (661 p., 26 €), et « La Bibliothèque des idées » des éditions Gallimard pour des Essais sur Jean-Jacques Rousseau (328 p., 19,50 €) et Diderot, un diable de ramage (420 p., 22 €).
Né en 1920, médecin psychiatre de formation et de profession, animateur de la contrebande littéraire des années d'occupation, Jean Starobinki a, par deux ouvrages maîtres des années 1950 et 1960, occupé
une place majeure dans la critique littéraire et esthétique, La transparence et l’obstacle consacrée à
l’engagement littéraire et ontologique de Jean-Jacques Rousseau (1957, rééd.
Gallimard) et L’invention de la liberté (Skira,
1964) prolongé par Les Emblèmes de la
liberté (Flammarion, 1973) sur les artistes et les formes de la Révolution
française. Gallimard et d’autres éditeurs ont assuré la poursuite de la
publication de l’œuvre de Starobinski dont son Montaigne en 1982 (Gallimard).
« À la fin d’une période où j’ai été médecin
(1957-1968) à l’hôpital psychiatrique de Cery, près de Lausanne, explique l’auteur
dans L’encre de la mélancolie, il m’avait semblé opportun de jeter un
regard sur l’histoire millénaire de la mélancolie et de ses traitements. L’ère
des nouvelles thérapeutiques médicamenteuses venait de s’ouvrir. Après une licence
ès lettres classiques à l’université de Genève, j’avais entrepris en 1942 des
études conduisant au diplôme de médecin. La double activité médicale et
littéraire se prolongea au cours des années 1953-1956 passées à l’Université
Johns Hopkins de Baltimore. Je relate ces diverses étapes de mes jeunes années
pour dissiper un malentendu. Je suis souvent considéré comme un médecin
défroqué, passé à la critique et à l’histoire littéraire. À la vérité, mes travaux
furent entremêlés. L’enseignement d’histoire des idées qui me fut confié à
Genève en 1958 s’est poursuivi de façon ininterrompue sur des sujets qui
touchaient à l’histoire de la médecine, et plus particulièrement de la
psychopathologie. »
Ce livre n’est donc pas seulement une enquête sur les formes littéraires prises par la mélancolie, mais aussi un essai réussi sur l’espace de la critique littéraire, l’expérience intime d’un chercheur, et la confrontation de l'artiste avec le social et le politique.
Avec Diderot et Rousseau, Jean Starobinki continue le
travail mené sur la littérature comme pratique d’écriture et processus de recherche
allant jusqu’à s’instituer en acte philosophique. Ces livres réunissent des études dont la visée est repensée à travers leur association. C'est le prix des ouvrages ainsi construits au fil des travaux particuliers et qui, un moment, s'imposent par leur achèvement.
Vincent Duclert
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